Emmanuelle

Dans l’un des « pays » de Quichottine, un soir, alors que le jour qui tombait lui donnait comme souvent un peu trop de vague à l’âme, elle déposa l’une des photographies prises ce jour-là et les mots qui l’obsédaient.

Il arrive que les mots trop bien rentrés un jour s’échappent et s’envolent plutôt que de continuer à creuser dans le fond du cœur une plaie jamais refermée.

070129_La fête
L’image était celle-ci, le texte celui-là :

La fête…

Je regardais…
Vers le ciel.

Le ciel était prisonnier d’un plafond à claires-voies et de bâches qu’on y avait fixées pour protéger d’une probable pluie.

Quelques ballons multicolores, des guirlandes de papier crépon, l’apparence d’une fête.

En bas, c’était la réalité.

Une mère berçait son enfant. Image ordinaire… Non, pas tout à fait. Elle ressemblait davantage aux vierges éplorées qu’on voit parfois au fond des églises. La mère avait au fond des yeux l’angoisse des lendemains incertains. L’enfant n’était plus vraiment un enfant. Un adulte aux yeux vides d’espoir qui s’accrochait à sa mère en poussant de petits cris d’animal blessé.

Un père, un peu plus loin, câlinait son petit. Un père aux cheveux blancs qui souriait à ce fils qui ne l’accompagnerait jamais nulle part, ni à la pêche, ni à la chasse, ni même pour une courte promenade le long d’un tout petit ruisseau. Un petit de trente ans qui se laisse bercer, lové sur les genoux d’un très vieil homme.

Une sœur là-bas, sous les arbres. Elle dansait avec son grand-frère. Elle en profitait pour essuyer au coin de ses lèvres les restes du repas pris sous la tonnelle. Il avait un grand bavoir, le grand-frère…

Moi, je regardais ma fille, là, dans son fauteuil.

Et je ne disais rien.

29 juin 2007
Posté par Quichottine à 18:57

Ce soir là, trois personnes se sont arrêtées, sous mon message. Je vais citer leurs réponses et leur donner mes propres commentaires, ici, dans mon jardin secret.

pause

Un arrêt sur images comme la fille au verre d’eau, tableau de renoir,un arrêt sur un moment de vie. C’est beau et intriguant lorsque l’on s’arrête et que l’on est au milieu de la vie, un moment de plaisir fort savoureux
juju22

Posté par mister toad, 29 juin 2007 à 20:46

Il y a certains frissons qui ne sont pas d’extase, et ce texte me les a donnés…
Fiction ou réalité…? Ne réponds que si tu te sens poussée à le faire…

Posté par Serge, 01 juillet 2007 à 08:19

C’est juste très touchant, et je ne sais rien dire d’autre!

Posté par vérone, 01 juillet 2007 à 12:28

Vérone est la seule des trois à savoir…

C’est la seule qui ne pouvait rien dire, qui n’a dit que ce petit mot, une phrase, pour me réconforter : « Je suis là, moi, je sais, mais comme je sais, je ne peux rien dire, ce serait trop difficile, un peu déplacé, incongru. »

Juju est jeune, et moi, je l’aime bien. Il pose des « questions quiches’ et parfois il se pose trop de questions, comme les adolescents qui hésitent à la croisée des chemins. Il est jeune et touchant, comme un autre Julien qui essayait de bâtir son monde et qui je crois y est arrivé. Juju, il y arrivera aussi, il est merveilleux et il a des amis, et toute la vie devant lui.

… Alors, c’est vrai que ce soir-là, en lisant son commentaire je me suis dit qu’il n’avait rien compris. Il avait regardé l’image, les ballons, le titre « la fête » et il était resté sur cette impression de gaieté. Il n’avait pas vu les barreaux de la cage… Après, je me suis dit qu’être comparée à ce tableau de Renoir, c’était un très beau compliment… et je lui ai pardonné le « moment de plaisir fort savoureux »…

Serge était déjà venu. J’appréciais, parce que lorsque j’avais fait sa connaissance, c’était le premier lecteur à s’arrêter vraiment, à écrire, longuement… Jamais de « hors sujet », comme s’il me comprenait.

Ce soir-là, il confirma mon impression première. Je ne voulais pas de messages d’enthousiasme, je ne voulais pas de compassion. je voulais seulement que quelqu’un puisse sentir que tout cela n’était pas qu’une image, belle ou pas, quelle importance ?

Je lui ai répondu un jour… « Réalité ».

Et je m’en suis tenue là.

Les mots ne sortaient pas. Ils étaient là, comme aujourd’hui, alors que j’écoute en boucle un Aria de Bach, obsédant, mais qui seul peut calmer cette envie que j’ai de disparaître, là-bas, tout au fond de l’abîme qui me tend les bras…

Et voilà, comme tous les mardis, je me suis mise dans un coin, loin de tout, loin de cette réalité qui fait mal depuis tant d’années. J’ai le cœur en marmelade, les yeux brouillés, et une boule qui au fond de la gorge m’empêche de crier comme je voudrais pouvoir le faire…

Esther, il faudrait que je sache comme toi donner ma voix à celle qui ne me regardera jamais, fusse d’un œil maussade, celle qui ne me dira jamais « maman », fusse pour me reprocher la vie que je lui ai donnée.

Elle s’appelle Emmanuelle, et elle a vingt-sept ans.


PS du 30 août 2008
Le blog d’Esther n’existe plus. Je devrais supprimer ce lien, je le ferai lorsque je supprimerai aussi ce billet, ces mots pour Emmanuelle qui racontent une réalité qui, après tout, pourrait ne pas m’appartenir.

52 commentaires à propos de “Emmanuelle”

  1. En entrant dans ton jardin secret je ne pensais pas y trouver un si douloureux secret…qui m’a fait venir les larmes aux yeux. Mais ce ne sont pas de mes larmes dont tu as besoin, mais de quelqu’un qui te dise simplement je suis là… et j’aime venir te retrouver. Bisous Quichott’  

  2. Tu sais quoi, Q., je vais faire comme toi, je ne vais rien dire. Parce que j’en suis bien incapable. Mais je vais juste écrire ces quelques mots, parce que c’est facile, pour que tu saches que je suis passé.

  3. Je viens à petits pas, découvrir ton petit jardin, j’y ai trouvé de si belles choses…De pétales de fleurs en gouttes de rosée à présent dans mes yeux…

    Je suis avec toi dans ta peine, sincèrement

  4. Ce texte m’a retourné. Je ne sais pourquoi. Il fait mal. Car la souffrance, même celle des autres elle atteint le coeur. Même si ce que ressent celui qui ne fait que voir, est minime par rapport au ressenti de celui qui vit cela.
    Il y a une telle douleur… mais une douleur discrète. A peine dévoilée. Pourtant immense.

  5. Mais j’apprend doucement à  te connaitre et à comprendre ce qui te ronge..enfin je crois.

  6. Depuis ton article sur le tableau pour Emmanuelle, je n’ avais pas eu le courage de venir jusqu’ à celui-ci….
    Je ne trouve pas mes mots ….. tout juste puis-je te serrer dans mes bras …

  7. J’arrive toujours trop tard…
    pour te dire que je pense très fort à toi.
    Je t’embrasse

  8. je pleure.
    je t’aime.
    mes mardis ne seront jamais plus les mêmes.
    merci de partager.

  9. Bonjour Quichotine ,   Je te connais pour voir les textes magnifiques et qui m’ont touché, sur le blog de Joelle … Je viens, pour la première fois, d’aller sur le tien et je suis restée bloquée là où je suis ….. Je n’arrive pas à mettre de mots sur mon  » ressenti  » et je ne veux pas en mettre …. Comme dit je crois, Serge ? mes frissons ne sont pas d’extase, mais je voulais juste que tu saches que je suis là, immergée dans ce morceau de ta vie et en pensées avec toi …… @ bientôt peut être    J’irai plus longtemps dans ton blog plus tard, il m’a beaucoup touché ….

  10. Absente hier, je voudrais te dire que j’ai été en pensée avec toi, pour un de ces mardi qui ne seront plus jamais les mêmes pour toi ….  Une pensée …. ce n’est rien pour une souffrance telle que la tienne, mais c’est maleureusement tout ce que je peux t’offrir …. Je te sers fort dans mes bras et reviendrai dans ton joli jardin … Je vais être sans monyen de communiquer pendant quelque temps, mais je penserai très fort à toi … @ bientôt

    • J’ai vu chez Joëlle que tu avais des problèmes d’ordinateur… J’en suis navrée.

      Merci d’avoir pensé à moi et merci pour ce geste d’amitié.

      (Question subsidiaire : tu n’as pas de blog ? )

  11. Demain, toute mes pensées seront avec toi …. Je serai sans moyen de communication pendant quelque temps, mais je n’oublierai pas … Je t’embrasse Quichittine ….

  12. Je n’ai plus de moyen de com, mais j’ai pris 5mn pour te dire que mardi, j’ötais avec toi de tout mon coeur …. je t’embrasse fort petite Quichottine et te souhaite une journöe pleine de soleil … @ bientôt

  13. Je suis llä et je pense ä toi ….
    Pour röpondre ä ta question : non, je n’ai pas de blog … Je fais de la photo et je voudrais me faire un site, mais je ne suis pas trüs douöe pour faire ça … lä, je suis en attente d’un nouvel ordi … c’est galüre !!
    Je suis privöe de mes jolies ballades dans le petit paradis de Joelle ( est elle revenue ? ) et dans le tien …. Mais je fais un coucou chaque fois que je peux … Je voulais te dire que si tu as besoin de photos, plus tard quand j’aurai de nouveau mon matöriel, je me ferai un plaisir de t’en fournir … si tu as besoin …. Je t’embrasse et mes pensöes sont avec toi … Clo

    • Joëlle est revenue.

      Merci pour les images…
      Il faudrait que tu te décides à te faire un blog, c’est facile.

      Et ce serait sans doute plus facile de communiquer.

  14. Coucou Quichottine

                                   Un petit bonjour pour mettre un peu de soleil dans ton joli jardin ….. 
    Tu m’as dis que Joelle était revenue mais impossible de communiquer avec elle , elle ne répond pas …. ni sur sa boite aux lettres , ni dans son blog ….. Je suis triste de ne pouvoir communiquer avec elle …. Voilä, je te fais un tout gros bisou et te souhaite une magnifique journée .. malgré l’humidité !!!!! @ bientôt ….               Clo

    • Peut-être faudrait-il que je crée une boîte à messages au jardin… une boîte à « coucous »

      Je vais y penser pour rendre à Emmanuelle son espace. Je ne veux pas qu’il soit envahi de messages de cette sorte. Ton premier message m’a touchée, les autres… ne m’en veux pas, mais ils finissent par avoir un effet inverse.

      Je les supprimerai sans aucun doute d’un jour à l’autre. Je pense que tu peux me comprendre.

      Merci de ce coucou. Passe une belle journée.

  15. juste pour te dire que je suis revenue ici … comme de temps en temps, en silence.
    je n’avais pas bien fait attention à ton ps du 30 août 2008 je crois.
    j’espère que tu n’effaceras pas ce billet.
    Je t’embrasse

    • Je ne l’ai pas effacé… Je crois que ce jardin convient à Emmanuelle. Elle y a sa place comme dans ma vie.

      Je t’embrasse très fort. Merci de passer ici, même en silence.

  16. Bonsoir Quichottine. Je ne sais que te dire…. Je suis simplement émue… Bises. Merci de m’avoir permis de venir ici aussi.

  17. Ma Quichottine , quel lourd secret …..Je ne trouve pas les mots tant ma gorge est sérrée . J’avais senti chez toi , quelquechose , quoi je ne peux le dire , toujours prete à réconforter , toujours un mot gentil ; seules les personnes qui souffrent savent le dire . Courage ,tu en as déjà tellement , je te soutiens de tout coeur ,de toute mon amitié ……N’oublies pas que je suis a ton écoute ; quelquefois cela fait du bien d’évacuer . Tendres bisous …..

  18. Chère Quichttine … Je me suis aperçue que tu ne m’avais pas donner de réponse à mon com ………Peut etre que ……J’aime flaner ans ton jardin secret …et tu le sais ….Bisous

    • Où n’ai-je pas répondu ?
      Ici, je l’ai toujours fait…

      Il faut que je vérifie dans l’Orangeraie… je vais regarder.

  19. Je crois savoir pourquoi le Lutin bleu est plus silencieux que le Lutin vert: Il détient ce douloureux secret que le Lutin vert ne connais pas.

    Après avoir eu connaissance de ce secret, les mots seraient de trop. C’est pourquoi, je t’offre ceci:

     

    • Les mots n’auraient rien pu faire de plus que ce silence et cette bise affectueuse…

      Merci Vagabond !

  20. J etais venu ici ; j etais alle jusqu au numero 4 , j ai vu qu il avait disparu .
    J etais incapable de dire quoi que ce soit , et je n ai rien dit .
    J ai lu , le coeur serre …

    Oui , tu as compris , et je t en remercie .
    Bise .

    • J’avais mis là des images sans image, mais je crois qu’elles n’avaient pas vraiment leur place.
      C’est pourquoi j’ai ôté celles qui n’avaient pas de commentaire.

      Je ne veux pas vraiment rendre tristes ceux qui me lisent.
      En fait, je ne sais pas encore trop ce que je veux ou non.

      Merci d’être encore là, Vagabond.

  21. difficile les mots ce matin..J’ai pioché au hasard dans ton jardin, si difficile les relations parfois, si douloureuses, sans explication. Mon coeur est à l’unissson de ta peine, je suis faite ainsi, chutt… Bisous Quichottine