Clément passa encore un mois au monastère. Le temps de faire la paix avec lui-même, d’achever ce qu’il avait entrepris.
Cette année-là, la neige épargna la montagne. Une douceur inaccoutumée sévissait partout dans la région et les journalistes parlaient de catastrophe touristique, de réchauffement planétaire.
Un matin de décembre, Clément reprit la route des sommets et y resta jusqu’au soir, guettant dans le lointain le moment où le soleil se coucherait.
Il n’avait plus pensé aux paroles de son ami. Ils les avaient rangées aussi, dans le tiroir aux choses importantes, à trier absolument, mais que l’on oublie le temps de prendre ses vacances. Là, il était temps de réfléchir…
Il fallait que Clément se décidât à agir, enfin, seul, au lieu de se laisser porter, comme il l’avait fait jusqu’alors. Il n’en avait pas vraiment envie. Il se trouvait tellement bien dans le cocon que son ami avait tissé autour de lui, patiemment ! Mais justement, ce cocon devait un jour se briser pour laisser la possibilité à la chrysalide de devenir papillon et de s’élancer vers le ciel.
Était-il temps ?
Clément ne savait pas, il hésitait. Il avait toujours tergiversé et, là encore, tout se passait comme s’il n’osait pas. Il regarda autour de lui. Il avait parcouru de nombreux chemins, il avait admiré bien des paysages, il s’était blessé et il avait guéri, comme toujours.
Clément sourit. Il avait tant fait rimer ses mots avec jamais que ce toujours qui se répétait ressemblait à une promesse. Ses pensées étaient-elles devenues positives ? Allait-il enfin pouvoir donner un sens à sa vie, sans plus s’inquiéter des propos méprisants qui l’en avaient empêché ?
Le ciel, devant lui, s’était teinté de rose. Le soleil tirerait à lui sa couverture de nuages et bientôt il n’y aurait plus qu’un liseré d’or pâle le long de l’horizon.
Il rentra.
Le lendemain, très tôt, Clément s’en fut. Il dit adieu aux moines qui l’avaient hébergé, à l’ami qui l’avait écouté, et il reprit la route.
Il emportait avec lui la certitude nouvelle d’avoir fait le bon choix, et quelques vêtements rapiécés. Son ami lui avait glissé dans la main un paquet de bonbons, un souvenir du trimestre passé entre ces murs. Ils sentaient le miel et la lavande, ils seraient doux à son palais.
Il n’avait pas encore choisi de destination, il serait toujours temps d’aviser, selon les personnes qu’il rencontrerait sur sa route. Il devrait marcher, ou faire de l’autostop en priant pour que la région ne soit pas totalement déserte.
C’était le bout du monde ici et plus vraiment le moment idéal pour croiser des randonneurs. Il faisait froid mais sa veste avait peu servi, elle le couvrait suffisamment.
Il marchait vers le vallon, vers la rivière, vers tout ce qu’il avait fui. Là-bas, il y aurait certainement quelque chose qui l’attendait, un logis, un travail, une occupation quelconque. Il accepterait n’importe quoi pour pouvoir enfin vivre.
Vivre…
Vivre plutôt que survivre. Se prendre en charge enfin.
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