Sylvie Ptitsa, Le coquelicot qui se sentait tout seul

Il y a des histoires comme ça, des histoires que l’on a attendues, fait traîner un peu, et puis qui s’imposent comme une évidence.

J’ai commandé le livre, en même temps qu’une dizaine d’autres, en me disant qu’après tout, il y avait aussi des « incontournables » dans ma liste, ceux pour lesquels j’avais dit un jour : « je le lirai ».

C’est le cas de ce tout petit fascicule de moins de cinquante pages, lu très vite, le temps d’un conte.

… Mais un bien joli conte, un conte comme ceux que les enfants aiment parce que les mots jouent comme dans une chanson.

Chanson avec des couplets, un refrain, ou plutôt des situations qui se reproduisent, de la même façon, avec à peine un changement de personnage ou de décor.

C’est à ce moment-là que l’enfant peut se mettre à anticiper, à jouer aussi, à rire devant ses propres découvertes, devant ses espoirs satisfaits, ou, au contraire, à rire en constatant qu’il y était « presque », mais pas tout à fait.

Une histoire à tiroirs, que l’on ouvre l’un après l’autre, et que l’on pourrait compléter à l’infini.

Un point de départ simple, comme l’image de couverture : un coquelicot dans un champ, une tache rouge sur la page.

Un coquelicot poussait, seul, tout seul, au milieu d’un grand champ.

Au milieu de son champ, le coquelicot tout seul se sentait vraiment très, très seul. « Bien sûr, pensait-il (car le coquelicot pense, comme toutes les créatures vivantes), il y a les fleurs… Et les blés… Et le vent… Et les coccinelles… Et la terre… Et les scarabées… Mais ils ne parlent pas ! »

C’est le début du conte, toute la première page. Vous voyez bien que ce ne sera pas très long de tout lire ! Le décor est posé : un champ, tout vert, celui de la seule image du livre, celle de la couverture.

Mais les mots seront images, très vite.

Un coquelicot qui pense, qui parle, qui voudrait échanger avec d’autres.

Un coquelicot qui n’a pas encore écouté les fleurs, les blés, le vent, les coccinelles, la terre, les scarabées… Parce que, voyez-vous, moi, je suis certaine qu’ils parlent aussi.

Alors, on peut imaginer ce qui se passe, derrière la page tournée. Que va-t-il se produire ?

Des rencontres, nombreuses, inattendues, ponctuées pas un leitmotiv :

Le coquelicot n’en revient pas.

Un leitmotiv qui s’enrichit d’adverbes « encore », « toujours », jusqu’à se transformer avant de disparaître.

Le coquelicot n’en revient pas plus que les autres fois (c’est pourtant déjà la cinquième !)

Un lièvre, un aigle, une araignée, un renard, un papillon…

D’autres pourraient venir, l’imaginaire sollicité dans les premières pages, à travers ces rencontres qui se déroulent toutes selon le même protocole peut, ici encore, se débrider. L’enfant deviendrait créateur de son propre conte. Pourquoi pas ? Il y a tout un monde dans le champ.

Mais non, Ptitsa s’arrête à la cinquième… Parce qu’il n’y a que cinq sens et que chaque rencontre a mis en valeur l’un d’entre eux.

Passe l’Homme. J’ai mis une majuscule, je sais, parce que ce n’est pas rien, l’Homme, dans l’univers de ceux qui l’observent. Il pourrait s’arrêter aussi. Mais il ne le fait pas. J’imagine très bien les cinq regards étonnés.

Pourquoi ne les a-t-il ni entendus, ni vus, ni perçus par l’odorat ou le toucher ? (Aucun d’entre eux ne se demande pourquoi il ne les a pas goûtés…)

Pourquoi ne les salue-t-il pas ?

C’est la grande question. Y a-t-il ainsi des choses, des êtres vivants ou non, auxquels nous ne prenons pas garde ?

Il est évident que je ne vais pas continuer à vous raconter, ce serait déflorer une très belle histoire, une histoire pleine de questions et de réponses inattendues susceptibles de nous faire réfléchir, nous, les adultes, une histoire pleine de moments possibles d’échange avec l’enfant – ou les enfants – à qui vous la raconterez un jour, j’en suis certaine.

Merci, Ptitsa, pour ce très beau conte à lire, de sept à soixante-dix-sept ans, voire davantage.

Sylvie Ptitsa & TheBookEdition

Sylvie Ptitsa
Le coquelicot qui se sentait tout seul

TheBookEdition, « Le p’tit pachyderme », 2009.

♥ Lire l’avis de Kri… c’est ici.

 

66 commentaires à propos de “Sylvie Ptitsa, Le coquelicot qui se sentait tout seul”

  1. Ce doit être pas mal !! Tu sais le coquelicot a un très fort souvenir pour moi. Evacué à Rochefort pendant le debut de la guerre, nos baraques en bois, étaient posées juste à côté d’un champ de blé et j’alllais y ceuillir les coquelicots. La vieille de l’arrivée des allemands en ville, ils ont fait un petit bombardement de semonce et moi, couché dedans les blés j’avais peur qu’ils ne me vois de la haut, alors que j’entendais ma mère criait..;(walter…walter…

     

    Belle journée à toi. Bises de nous deux;

    • C’est très bien…

       

      Ta maman a dû avoir très peur… mais les coquelicots ont veillé sur toi, ouf !

       

      Merci pour ce partage. Belle journée et bises affectueuses à vous deux.

  2. Encore une envie de lire…Le coquelicot, cette fleur de bonheur qui illumine les champs de blé. Avec les mots de Ptitsa ce doit être un pur bonheur.

    Je t’embrasse très fort. Je reviens doucement d’une période de paresse aigüe.

    Mais que c’est bon la paresse sur un fauteuil au soleil du jardin.

    • C’est un très beau conte…

      J’aime bien cette paresse. Je t’imagine dans ton jardin et ça fait du bien !

      Profite du soleil ma douce Sophie.

  3. Je testais le lien que tu m’as donné par courrier et je trouve foule autour de mon coquelicot ce matin ? En si belle compagnie, il ne va plus se sentir seul du tout, c’est sûr !! Une version illustrée par des enfants de CE1-CE2 est en cours de réalisation, avec des devinettes, des coloriages, des jeux… je ferai un article quand elle sera finie.

    Sinon je fais comme toi, je ne cueille pas les coquelicots non plus ! Je te souhaite une journée joyeus eet diaphane comme une corolle de coquelicot… et que tu la finisses tout aussi rouge de plaisir !!

    bisous Quichottine !

     

    • Il y avait déjà eu du monde là-bas, un peu plus ici.

       

      Merci, Ptitsa. J’espère que tu auras passé une belle journée aussi.

      Bonne soirée à toi.

  4. j’ai toujours imaginé que le coquelicot aussi frêle et insignifiant au bord des champs de blé était un acteur important de le ville des champs, merci pour cette découverte, je lirai aux enfants de lire et faire lire, bisou à toi quichottine.

    a tu bien reçu ton arbre ?

     

    • Merci, Isabelle…

      (Oui, j’ai reçu ton superbe quichottinier. Tu n’as pas reçu mon message ? Il sera bientôt dans la quichottineraie. )

  5. On passe souvent à côté  de choses sans les voir! Et à notre époque, on passe  aussi à côté d’êtres humains sans les voir .

    Ce doit être une belle histoire  celle de ce petit coquelicot .

    Bonne journée , bisous

    • J’ai l’impression que plus ça va pire c’est.

       

      Mais, là, tu as raison, c’est une belle histoire.

      Bonne soirée à toi. Bisous.

  6. Merci d’ouvrir à nouveau ta bibliothèque magique, ce qui est le plus magique c’est ton talent pour nous en parler…on te suit les yeux fermés.

    Gros bisous

  7. Il y a plein de choses auquels nous ne penons pas garde, pris que nous sommes dans le tourbillon de la vie moderne. Un livre qui semble bien intéressant. Bonne journés.

    • Nous mettons sur le compte du manque de temps ce que nous ne voyons pas… mais il suffit de décider de le prendre, ou de le voler.

      Pour regarder la fleur sur le chemin, un arbre, les merveilles que l’on peut rencontrer en promenade, comme tu l’as si bien fait ce matin pour me les montrer.

       

      Merci, Solange. Passe une belle journée toi aussi.

  8. il est peut-être seul dans ce champ

    mais tous les regards sont pour lui, je suis certaine que même les animaux qui le croise ont un mot gentil

    et puis peut-être que monsieur le vent viendra parsemer quelques graines

    autour de lui

    bientôt il aura plein de copains et d’amis

    bisous

    • Il a trouvé de la compagnie au cours du conte… mais c’est vrai que le vent aussi fera son ouvrage.

      Bisous, Corinne. Merci.

  9. Le coquelicot et la pivoine : mes deux fleurs préférées. la plus simple et – peut-être – la plus sophistiquée. Mais je suis sûre d’une chose : les deux ont un langage, et pas seulement celui de l’étiquette que nous leur avons collée.

    • C’est vrai que les pivoines sont aussi très jolies…

      Je ne pourrais pas dire quelle est ma fleur préférée… je sais que certaines me touchent énormément quand je les vois dans le jardin ou lors de mes promenades.

      Elles ont un langage, c’est certain.

      Il n’y a que l’homme pour vouloir mettre des étiquettes sur tout.

  10. Je connais Sylvie; on s’est rencontrés à deux reprises et on communique par mails.

    Moi, j’ai surtout adoré « La belle entente » et « Par la fenêtre ».

    Je travaille avec mes élèves sur « le coquelicot ». Je crois qu’il ne se sent plus du tout seul maintenant!

    • Je ne la connais pas personnellement et je n’ai pas lu ses autres livres.

      Tes élèves aiment-ils ce coquelicot ?

  11. Il y avait 13 messages dans la Bibliothèque…

  12. Ah, il va falloir que j’augment encore ma liste de livres à lire!

  13. tu voie ce petit jeu, est en meme temps un test, il prouve deux choses

    les gens lise trop vite, ou ne prenent pas le temps de lire

    les gens oublie très vite ce qu’il ont appris

    mes questions sont parue au moins 10X depuis la création du blog

    bonne journée

    • Heureusement que je ne les ai pas encore vues dix fois… il n’y a pas si longtemps que je passe chez toi.

       

      Passe une belle journée, René.

  14. Ce coquelicot devient visiblement poète…

    Et l’homme, ce grand benêt, parfois, mais pas toujours, s’avisera de découvrir cet unique coquelicot, (ma fleur préférée…), et alors…

    Surtout qu’il ne le cueille pas! Il retrouvera le chemin de l’émerveillement…

    Je t’embrasse fort, Quichottine.

    • Je ne cueille pas les coquelicots, ils sont trop fragiles et ne résistent pas dans un vase… mais j’en ai quelques uns en images. J’aime.

       

      Je t’embrasse fort, Hélène. Merci pour ta présence.

  15. Je pars quelques jours, alors je te souhaite un bon début de semaine !
    J’ai programmé des articles quotidiens … au cas où tu t’ennuierais …
    Bisoux et à bientôt.

      

    • Tu as eu raison de me prévenir, Dom. J’en ai profité pour m’abonner… un peu de rire chaque matin, ça fait du bien ! Bisous et bon début de semaine à toi.

  16. tu sais s’il est vraiment tout seul : j’irais bien lui tenir la main, je serais un peu au calme…

  17. Le temps de la lecture de ce livre est du pur bonheur … à consommer sans modération!!

    • Sans modération… tu me fais penser qu’il faut que je regarde si tu as remis ton billet chez toi… pour mettre le lien ici.

  18. Un peu de temps avant d’aller parler à la terre du jardin…. vrai je fais comme le coquelicot je parle aux plantes… tout doucement pour que les rares passants ne me prennent pas pour la dingo du coin! celle à qui je parle le plus est l’ortie que je vénère…. une feuille sous chaque petit plant!

    La richesse que tu nous apportes avec tes coups de coeur livresque est un petit bonheur pour moi chaque fois que je viens là. J’aime beaucoup l’aquarelle de couverture et l’idée d’illustrer les cinq sens!

    Merci à toi et belle journée

    Bises

    Dany

  19. J’aime beaucoup lorsqu’on a suffisament d’ imagination pour donner la parole a un élement de la nature car on pourrait supposer que toutes ces choses qui nous entourent ont un droit à la pensée, et j ‘imagine que nous ne pourrions qu’être surpris

    bises Quichottine , merci à toi

     

    • Je crois que tout est possible… même notre surprise.

      Il suffirait de regarder.

      Bises à toi aussi, Canelle. Merci pour ta présence.

  20. un bien gentil ptit coquelicot…..  j’aime bien la couverture

    très bonne semaine Quichottine……

  21. le coquelicot

    est comme la pourpre d’un coeur

    il émane de lui

    sérénité

    et bonheur

    j’ai eu des problèmes d’ordi longtemps

    mais me voici « neuve » …!!!!!

    je t’embrasse

    • Avec un nouveau blog… et un nouveau pseudo.

      Tu es la bienvenue ici et tu le sais.

      J’espère que tout va bien pour toi, je t’embrasse.

  22. Effectivement le texte a beaucoup de rythme ce qui fait penser à une chanson. A lire à voix haute. Absolument .

    • C’est vrai… On peut aussi.

      Mais il n’est pas interdit aux muets de le lire. La musique est aussi dans l’écriture.

      Merci, Liza.

    • Une pluie où il n’est pas nécessaire d’avoir un parapluie… au contraire !

      Je t’embrasse tout plein. Merci !

  23. Voilà tu m’as ramzné loins en arrière du temps ou Mouloudji chantait un poème de Raymond Asso > Comme un p’tit coquelicot, mon âme, un tout petit coquelicot > …

    Bisous Qiochyottine

    nettoue

  24. Coucou Quichottine, j’aime bien cette idée du coquelicot solitaire et la façon dont tu nous en parles.

    Bon début de semaine et à bientôt,

    Bises,

  25. merci de ta visite Quichottine ! bonne semaine à toi aussi – bizz

  26. Il est 10 h et le coquelicot dort dans son champ, la tête penchée, lourde du soleil de la journée, de ses émotions et il rêve.  Il rêve aux rencontres qu’il a faites, aux paroles échangées avec le vent, avec la mauvaise herbe, celle qui fait le sillon de long en large en accrochant le passant, avec le nuage si pressé de se tricoter un cache nez.

    Il a le ventre plein, d’avoir trop mangé de sucs de cette terre, d’avoir respiré cet air un peu sec et déjà chaud.

    Il ne sait pas que bientôt, il va lancer dans l’azur une série de graines noires, projetées au loin et que, dans quelques semaines, ou l’an prochain au plus tard,  tout le champs sera couvert d’un tapis rouge à rendre jalouses les marguerites.

    Mais qui se souviendra du coquelicot qui était tout seul au milieu d’un océan aussi vert que la mer est bleue.

     

    Le grillon  qui a vu fleurir les coquelicots dans son jardin cette semaine

    • Qui se souviendra ?

      Peut-être cet enfant qui est passé par là et ne l’a pas cueilli.

      Il regardera émerveillé la prairie et il la trouvera jolie.

       

       

      Passe une belle journée, Christian.

      Merci pour tout.