Le temps avait passé.
Clément avait trouvé une chambre dans un gîte. On le logeait et le nourrissait en échange de travaux d’entretien. Cela ne le changeait guère de la vie qu’il avait menée auprès des moines. Il se disait que c’était du provisoire, que cela lui permettrait d’attendre d’avoir trouvé quelque chose de mieux.
Le dimanche, il partait. C’était son seul jour de repos et il en profitait pour renouer avec la marche dans de longues randonnées dont il rentrait épuisé mais heureux.
Il pensait souvent à l’année qui venait de s’écouler, aux êtres qu’il avait croisés et qui lui manquaient.
Il écrivait en rentrant chez lui, dans un grand cahier à la couverture verte. Il l’avait acheté en quittant le monastère. Il se disait que c’était important, que ce serait une façon de ne pas oublier.
Quand il franchissait le seuil de sa chambre, une fois sa journée achevée, son premier geste était de sortir ce cahier, de l’ouvrir sur une nouvelle page. Il savait bien qu’il ne serait jamais écrivain, parce que ce n’étaient rien que des souvenirs, ou de courtes histoires, à peine des poèmes, des chansonnettes de rien du tout. Mais écrire lui procurait un bonheur indicible, une véritable jouissance.
Le dimanche, en rentrant de promenade, le plus souvent, il s’affalait devant la petite table et lisait ce qu’il avait écrit pendant la semaine. La plupart du temps, il se prenait au jeu, comme s’il n’était pas l’auteur des lignes qu’il faisait semblant de découvrir.
Il avait trouvé une raison d’exister, un équilibre, fragile encore, mais qu’il consolidait au jour le jour.
Un après midi de janvier, le paysage qui s’ouvrit devant lui le surprit à tel point qu’il ne put que s’asseoir, souffle coupé.
Clin d’œil du destin, le décor avait de nouveau l’apparence de la photographie qu’il avait depuis plus d’un an dans sa poche, au fond d’un portefeuille craquelé. Ce jour-là, il s’en était allé, silencieux… Aujourd’hui, il aurait sans doute laissé quelque message, aurait tenté de s’expliquer, de se défendre.
Le ciel était lumineux et ce qui lui avait alors semblé éteint l’aveuglait.
Comme l’aiguille de l’horloge qui rêvait dans son salon, il avait marqué de ses pas le temps dans la montagne. Il avait suivi la course des nuages dans le ciel, comme eux, il s’était laissé porter par le vent.
Il avait fui, tel un enfant devant le danger, il n’avait pas osé l’affronter, lui dire avant de partir combien elle comptait pour lui.
Clément n’avait pas marché en vain. Il avait mûri. Il pouvait désormais s’arrêter, il avait pris la décision de vivre, d’assumer ses différences.
Ses pas le ramenaient vers elle.
Elle était au bout de son voyage, il avait toujours cru qu’il ne reviendrait pas et qu’elle se moquait bien de son absence.
Il avait tort.
Elle l’attendait.
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