Don Quichotte, première partie, chapitre XVIII (fin)

Le chapitre XVIII
a eu plusieurs pages.

L’entretien… Il était question du titre, et de ce début de conversation que don Quichotte eut avec Sancho. Je l’ai revu, un peu, en faisant hier une parenthèse.

Les chevaliers errants… Là, nous entrions dans le vif du sujet (de la conversation bien entendu, personne n’y était taillé en pièces ! … quoique…)

Les deux armées (1)… Je vous y montrais une image. Et je m’interrogeais sur l’opportunité de continuer ou non mon histoire. Parce qu’après tout, pour ceux qui n’ont pas le temps de lire, une image qui dit tout, ça suffit, non ?

Les deux armées (2)… Je continuais à raconter ! C’est vrai… et je vous parlais de l’épée d’Amadis, le chevalier Français, celui que l’on surnommait « le beau ténébreux« … Cette épée qui serait bientôt celle de don Quichotte (C’est du moins ce qu’il racontait à Sancho !). Je racontais, comme je le fais d’habitude, sans regarder ma montre. Et, bien entendu, quand la cloche a sonné, nous ne venions qu’apercevoir, de très loin, deux armées !

Les deux armées (3)… Forcément ! Lorsque deux armées se trouvent face à face, avec don Quichotte au milieu, il ne peut y avoir d’autre solution que d’invoquer Victor Hugo ! Je ne vous avais pas raconté Waterloo, mais presque !

Les deux armées (4)… Nos deux armées se retrouvaient brusquement réduites à deux troupeaux de moutons accompagnés de leurs bergers ! Le choc sanglant attendu se résumait à l’intervention quichottesque de notre héros au grand coeur pourfendant, en invoquant sa dame, Dulcinée, des moutons qui ne lui avaient rien fait ! Pauvres moutons… et pauvres bergers ! Ils n’eurent d’autre alternative que de lapider don Quichotte, pour lui faire lâcher prise et cesser le carnage dans leur troupeau !…

Don Quichotte (première partie, chapitre XVIII)… Je devais me dire que ce serait le dernier billet concernant ce chapitre ! C’était sans compter sur ma tendance naturelle à la digression… Nous n’avons presque pas avancé notre lecture… et il restait si peu ! J’aurais pu faire un effort, vous ne pensez pas ? Nous avons seulement vu Sancho descendre de la colline pour aller porter secours à son maître… et, à la fin de mon billet, il était brusquement question de dents !

Nous en sommes restés là… et vous avez attendu une journée de plus que ce qui était prévu.

La scène qui suit pourrait être digne des meilleurs farces… au moment où chacun se bat à coup de tarte à la crème, où tout le monde s’enduit des matières les plus diverses. Ce pourrait être « jouissif »… (c’est moi qui dis ça ?).

En fait, âmes sensibles, abstenez-vous de lire cette citation. et, passez directement à un autre article, plus ragoûtant !

[…] Approche et regarde combien il me manque de dents ; car je crois, en vérité, qu’il ne m’en reste pas une seule dans la bouche. »

Sancho s’approcha de son maître, et si près, qu’il lui mettait presque les yeux dans le gosier. C’était alors que le baume venait d’opérer dans l’estomac de don Quichotte ; au moment où Sancho se mettait à regarder l’état de ses mâchoires, l’autre leva le coeur, et, plus violemment que n’aurait fait une arquebuse, lança tout ce qu’il avait dans le corps à la barbe du compatissant écuyer.

« Sainte Vierge ! s’écria Sancho, qu’est-ce qui vient de m’arriver là ? Sans doute que ce pécheur est blessé à mort, puisqu’il vomit le sang par la bouche. »

Mais dès qu’il eut regardé de plus près, il reconnut, à la couleur, odeur et saveur, que ce n’était pas du sang, mais bien le baume de la burette qu’il lui avait vu boire. Alors il fut pris d’une horrible nausée, que, le coeur aussi lui tournant, il vomit ses tripes au nez de son seigneur, et qu’ils restèrent tous deux galamment accoutrés.

Je ne vais pas commenter la scène… Je relève seulement que les images sont magnifiques… Sancho qui met presque les yeux dans le gosier de don Quichotte (lequel se tranforme en « arquebuse » pour renvoyer au visage de son écuyer ce qu’il venait d’avaler), et qui vomit (à son tour) sur le chevalier… C’est horrible !

(Vous avez le droit et même le devoir de sortir de la bibliothèque
si vous voulez vous soulager. J’ai oublié d’apporter des serpillères…)

Sancho court jusqu’à son âne pour chercher de quoi se nettoyer un peu et ne trouve pas son bissac. Vous pensez que ce n’est pas grave ? Mais si ! La preuve… c’est qu’il envisage de tout laisser tomber, même son île ! C’est vraiment la seule chose à laquelle il pense en ce moment douloureux.

[…] ne trouvant plus le bissac, il fut sur le point d’en perdre l’esprit. Il se donna de nouveau mille malédictions, et résolut, dans le fond de son coeur, d’abandonner son maître pour regagner le pays, dût-il perdre ses gages et les espérances du gouvernement de l’île tant promise.

Don Quichotte, lui, ne pense qu’à ses dents !

Don Quichotte se leva cependant, et, tenant ses mâchoires de la main droite pour empêcher de tomber le reste de ses dents, il prit la bride de Rossinante, lequel n’avait pas bougé des côtés de son maître, tant il était fidèle et loyal serviteur ; puis il s’en alla trouver son écuyer qui, la poitrine appuyée sur son âne et la joue sur sa main, se tenait comme un homme accablé de tristesse.

Il est évident que le chevalier va essayer de consoler son écuyer… mais il ne sait pas d’où vient la tristesse de Sancho.

[…] tu ne dois pas t’affliger outre mesure des disgrâces qui m’arrivent, puisque tu n’en prends aucune part.
– Comment non ? répondit Sancho ; est-ce que par hasard celui qu’on faisait danser hier sur la couverture était un autre que le fils de mon père ? Et le bissac qui me manque aujourd’hui, avec tout mon bagage, était-il à d’autres qu’au même ?
– Quoi ! tu n’as plus le bissac ? s’écria douloureusement don Quichotte.

La perte du bissac émeut profondément don Quichotte. Cervantès le dit en trois mots « s’écria douloureusement« .

(Pour être honnête, ce n’est pas Cervantès qui le dit, c’est Louis Viardot, le traducteur, qui se laisse entraîner et qui traduit un mot « répliqua » par ce « s’écria douloureusement »… C’est vrai, mais je dois avouer que je préférais ces trois mots qui rendaient mon héros plu
s humain !)

Le reste n’avait pas vraiment d’importance. Ce qui est à noter, c’est que la perte du bagage ne le gène que parce qu’ils ont ainsi perdu ce qui aurait pu améliorer leur ordinaire. Pour une fois, il a faim ! (Et ça, c’est même dans l’original !)

Ils décident de se mettre en quête d’un logis pour la nuit… mais, auparavant, il faut quand même que Sancho accomplisse son devoir et fasse ce que don Quichotte lui a demandé : compter ses dents !

« Mais, avant tout, donne voir ta main, et tâte avec le doigt pour savoir combien de dents me manquent de ce côté droit de la mâchoire supérieure ; car c’est là que je sens le plus de mal. »
Sancho lui mit la main dans la bouche, et tâtant de haut en bas :

« Combien de dents, lui demanda-t-il, aviez-vous l’habitude d’avoir de ce côté ?
– Quatre, répondit don Quichotte, sans compter l’oeillère, toutes bien entières et bien saines.
– Faites attention à ce que vous dites, seigneur, reprit Sancho.
– Je dis que j’en avais quatre, si ce n’est même cinq, répondit don Quichotte ; car en toute ma vie, on ne m’a pas tiré une dent de la bouche, et je n’en ai perdu ni de carie ni de pituite.
– Eh bien ! à ce côté d’en bas, dit Sancho, Votre Grâce n’a plus que deux dents et demie, et, à celui d’en haut, ni demie ni entière : tout est ras et plat comme la paume de la main.
– Oh ! malheureux que je suis ! s’écria don Quichotte aux tristes nouvelles que lui donnait son écuyer ; j’aimerais mieux qu’ils m’eussent enlevé un bras, pourvu que ce ne fût pas celui de l’épée : car il faut que tu saches, Sancho, qu’une bouche sans dents est comme un moulin sans meule, et qu’on doit mille fois plus estimer une dent qu’un diamant. »

Nous saurons donc tout sur l’état de la dentition de don Quichotte, et avouez que le dialogue est savoureux…

Regardons-les s’éloigner vers la prochaine aventure : Sancho précède don Quichotte, pour une fois, et, tout en cheminant, il lui raconte quelque chose, qui est censé le distraire du mal que lui causent ses mâchoires… C’est donc Sancho, qui mène la danse, mais, nous sommes déjà bien trop loin pour les entendre…

Il faudra attendre le chapitre suivant !
 

54 commentaires à propos de “Don Quichotte, première partie, chapitre XVIII (fin)”

  1. Moi aussi Mariano, j’adorai, ce reportage m’a permis de retrouver la personne qui s’occupe de sa tombe, et son homme à tout faire, un plaisir

    françoise

  2. Dis moi Quichottine  Crois tu  que si à l’époque de Cervantes il y avait eu des prothèses dentaires cela aurait modifié du tout au tout l’histoire du Chevalier érrant à la triste figure…..
    Bonne journée à toi .Fait attention aux ailes du moulin avec ce vent.

    • Je ne l’imagine pas vraiment avec des dents étincelantes, comme celles qu’on montre sur les publicités qui vantent tel ou tel produit dentaire…

      … Don Quichotte avec un appareil… il y aurait à faire côté BD ou dessins annimés ! J’imagine déjà le héros courant après son dentier…

      Non, je plaisante ! Mon moulin aujourd’hui s’appelle « Orange »… il m’a refusé la moindre connexion depuis cette nuit… j’avoue que ça fait réfléchir !… dix-huit heures sans connexion… sans blog, sans message… sans rien.

      Bises, Guthin… passe une belle soirée…

  3. Un petit passage en vitesse, la nuit fut courte , je reviendrai lire quand je serai moins fatiguée. Triste lundi. Bises et bonne semaine

    • Ballotage… je ne sais pas le score des verts… je ne sais rien en fait : je n’avais plus de connexion !

      Tu me diras, je vais aller voir chez toi et je saurais tout !

      A tout de suite !

  4. Le modernisme de certains épisodes est renversant. Ceux qui pensent que les américains sont les protagonistes de l’humour trash devraient jeter un oeil sur cet extrait. Je n’en suis pas plus fier mais moi ça me fait rire.
    Sancho comprendra-t-il un jour que la curiosité est un vilain défaut  ? Mais ça, c’est une autre histoire…

  5. Deux dents et demi en moins, cela doit faire un sacré vide dans la bouche…
    Je reconnais que ce passage m’a étonnée et amusée.
    Bonne semaine Quichottine.

    • Je suis souvent étonnée, lorsque je me plonge dans mon livre…

      Merci pour ton passage, Val’r ! Bonne semaine à toi aussi

  6. PS: ne t’en fait pas pour la sarpillère, j’ai pensé à tout et j’ai pris des sac en papier pour tout le monde!!!
    hihi

  7. Les dialogues sont précis et la plume diserte sur l’anatomie mandibulaire de ce pauvre Don Quichotte.
    Tout dans la dentelle et la finesse.

    Bonne soirée

    • Dentelle et finesse, dans l’écriture, sûrement…

      … Merci d’être là, Alphomega.

      Bonne soirée à toi

  8. Fichier hébergé par Archive-Host.comhier, je n’ai pas réussi à mettre de com sur cet article, ils ne me proposaient pas de code pour la publication…J’étais très peruturbée avec ton histoire de dents, j’ai très souvent fait ce genre de cauchemard, perdre toutes mes dents et les cracher une par une…c’est une horreur….je repasserai lire ton article du jour….gros bisous…bonne journée…

  9. Dis quichottine, tu abuses, je viens de lire à l’instant les effets ravageurs du baume dans l’estomac de ton préféré édenté. Dur, dur…
    Santounette 

    • Tu as raison… mais ce n’est pas ma faute ! C’est Cervantès qui m’a forcée à vous en parler…

      (morte de rire… j’espère que tu ne m’en veux pas !)

  10. euh…mais présenté avec tant de « prévenance » et d’humour….
    ça va, pas besoin de serpillère !!

    à plus !

  11. De bon matin à la fois écoeurée et morte de rire.
    Le lundi commence très bien, merci Quichottine.
    Bisous pour ta journée.

  12. Même pas eu de haut de coeur!
    J’ai savouré un bon moment!
    Tout simplement excellent!
    Belle journée
    Dany

  13. Je dois dire qu’expliquer comme ça, la scène est plus savoureuse et intéressante.

  14. Les dents !Symboles de La vitalité d’après l’analye des rêves de Freud ! Avant !Représentation de la nourrtiure- vitale certes – et parfois rare pour cause de famine endémique !!! Et puis il y avait les loups … qui pouvaient tout dévorer … LIZAGRECE

    • Merci, Maikresse, pour cette cloche qui me manquait !

      Tu as raison, c’est l’heure !

      (Je file chez toi… j’ai un devoir à faire… ça fait trop longtemps que je me débine !)

  15. Voui la vaisselle!! C’est le problême auquel j’ai été confronté …
    :$
    Un petit commentaire qui ma fait bien rire, et qui était particulièrement bien trouvé!!
    Un gros bizou à toi Quichottine!!
    Passe une très bonne soirée, et encore, merci pour ton passage!!

  16. Si on m’avait raconté Don Quichotte de cette façon, je pense que j’aurais beaucoup mieux compris ! Chez nous l’arquebuse, c’est l’absinthe et  quand on prend un petit coup d’arquebuse, c’est pour éviter d’avoir mal au coeur !

    • Ah ? Je ne savais pas ! Merci !

      … C’est amusant… je me demande si Louis Viardot le savait, lorsqu’il a traduit « escopeta » par « arquebuse » !

      Merci d’être là, Azalaïs !

  17. Je trouve attendrissants les hommes qui ont des âmes de Don Quichotte 😉 Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense … Bonne soirée Quichottine !

    • Je suis d’accord avec toi… mais ils sont plus ou moins passionnés et aveugles.

      Bonne soirée à toi aussi, Bandolera. Merci d’être là.

  18. Coucou Quichottine, c’est génial mais tu aurais du faire parrainer ton article par une grande marque de dentifrice …
    Je te souhaite une très bonne soirée.
    Bises,

    • …. Je suis morte de rire, Muad !

      Merci. J’aurais dû y penser ;-)))))))

      La prochaine fois, je t’engage comme conseiller !

      …. euh, en attendant, je t’embrasse très fort ! Merci pour ce rire du soir !

  19. Moi qui ai l’estomac sensible à la moindre image, évocation ou vision de « vomi », là ça va, j’ai tenu le coup et pourtant je viens de prendre mon petit-déj. Quel est ce miracle ? Oh ben c’est tout simplement Quichottine qui explique Quichotte à sa façon et quand c’est elle qui digresse, raconte et commente, tout devient digeste.
    J’ai souri, mais avec beaucoup de tendresse, en lisant que Don Quichotte s’affole de savoir qu’il ne lui reste qu’une dent et qu’il eut préféré qu’on lui arrachât un bras. Coquet le Quichotte. Remarque, les dents sont loin d’être un point de coquetterie à l’époque. Il ne faudrait pas oublier qu’elles servent d’abord à mastiquer. A manger quoi ! Cela dit, je comprends Don Quichotte. Comment poursuivre ses chimères sans son sourire « Email diamant » ?
    Je t’embrasse très chère Quichottine.
    P.S : que peut bien raconter Sancho à Don Quichotte pour faire passer la douleur ? Existe-t-il des propos antalgiques ?

    • Merci, Chana !

      Je n’avais pas osé parler du sourire « Email Diamant » ! Voilà qui est fait !
      …Pour les propos antalgiques, nous verrons la prochaine fois (sourire)

      Je t’embrasse aussi, Chana, très fort !

  20. Mdr !!!!
    Si je ne me trompe pas, c’ est la seconde fois qu’ on assiste aux effets ravageurs de ce merveilleux baume ?
    Messieurs, un peu de retenue dans son utilisation. La gastrite vous guette !!!

  21. Chic alors !
    Pas besoin d’ avoir 10 bons points pour avoir une image ? C’ est génial !
    Tu es merveilleuse !
    Bisous du soir