Semeur de lumière, avec Gérard Méry

Le lutin bleu s’était attardé devant la fenêtre de la Bibliothèque, scrutant l’horizon en soupirant.

Le ciel était désespérément gris.

Il ne s’appelait pas Anne, et bien qu’il fût au sommet de la plus haute tour du château, il n’aurait pas pu dire qu’il voyait l’herbe verdoyer ou le soleil poudroyer.

Juste de la grisaille, à perte de vue.

Les arbres de la Quichottineraie se prélassaient dans une étrange atmosphère où ils disparaissaient doucement.

C’est alors qu’un des oiseaux de nuit qui s’endormaient d’habitude dans la quiétude du grenier frappa du bec au carreau avant de prendre son envol.

Courte apparition blanchâtre… Le château était-il hanté ?

Le Lutin bleu ouvrit la fenêtre. Un souffle glacial pénétra jusqu’à se heurter à la chaleur du foyer.

Frissonnant sous la houppelande rapiécée, le lutin bleu découvrit sur l’appui deux photographies.

– Bizarre, bizarre…

Quichottine avait-elle décidé de s’absenter plus longtemps tout en lui confiant de quoi écrire de nouveaux contes ?

Les photos étaient signées, et le Lutin bleu connaissait depuis longtemps le photographe.

– Voyons, voyons… Combien y avait-il déjà d’images de Gérard dans le grand cahier de Quichottine ?

Si elle avait été présente, elle aurait répondu que ce n’était pas le plus important, qu’elle ne comptait jamais, pour ne pas risquer d’établir des préférences, toutes étaient si jolies… Oui, mais elle brillait par son absence.

Il se pencha sur les photos… Tout devint évident.

C’était l’histoire du Semeur de lumière, tout à fait ce qu’il fallait quand la grisaille envahissait à la fois le ciel, les pensées, et parfois, aussi, les cœurs.

Le lutin bleu s’assit devant le grand cahier et se mit à écrire.

Vous me direz que c’était difficile, puisque le crayon qu’il utilisait était bien plus grand que lui… mais non !

Il se contentait de dicter, et les mots s’alignaient sans lui, noircissaient la page blanche.

On dit…
On dit qu’il y a bien longtemps, avant que les grands-parents de vos propres aïeux, leurs parents aussi, aient même songé à lire au lieu d’écouter…

On dit qu’un tout petit enfant fut enlevé au cœur de la nuit.

Il disparut soudain, et ce fut pour ses parents comme s’il n’avait jamais existé.

Pas de pleurs, pas de cris… juste l’absence, un vide dont ils ignoraient la cause.

On dit…
On dit que dans la même nuit, la mer ouvrit un passage jusqu’au fond de l’océan pour que celui qui l’avait pris puisse s’y installer.

Celui… ou celle… il y eut de longues discussions sur le sexe du coupable. Pourquoi un homme enlèverait-il un enfant si petit, un bébé dont nul ne pouvait prédire le destin ?

Une femme ? Mais pourquoi une femme ferait-elle tant de mal à sa semblable ? C’était tout à fait impensable… à moins que…

On dit…
On affirma que ce n’était pas l’enfant qui intéressait l’inconnu mais ce qu’il était censé devenir.

Peu importe ce qu’on avait dit et redit. Une légende naquit ce soir-là et se transmit de mère en fille, de père en fils aussi. Elle franchit les âges, s’embellit de nouveaux mots.

On dit…
On disait que l’enfant avait grandi sans jamais quitter le fond de l’océan, bercé d’abord par les sirènes, gardé ensuite par les tritons qui l’empêchaient de quitter sa geôle sous-marine.

On dit…
On dit que devenu adulte le chant des sirènes perdit de ses attraits, que l’être qu’il était devenu avait soif de liberté.

On dit qu’il avait aperçu dans la nacre d’un coquillage une lueur différente, comme un clin d’œil qui l’invitait à aller voir s’il n’y avait pas mieux ailleurs.

Il profita d’une nuit de tempête pour échapper à ses gardiens. Il franchit la barrière dressée par les vagues en aspirant sa première bouffée grisante d’oxygène.


La lune se baignant à cet instant avait distrait le monde marin mais il avait dû apprendre à gravir les marches d’un incroyable escalier, sans pouvoir prendre le temps d’apprécier ce nouvel élément.

Au matin, il avait découvert que le soleil existait, que ses rayons avaient le pouvoir de réchauffer son corps et de faire éclore les fleurs sur son chemin.

Il se cachait encore, et se cache aujourd’hui, alors qu’il a perdu peu à peu les écailles de l’armure qu’on lui avait forgée.

Mais…

On dit…
On dit que vous pourrez le croiser un jour ou l’autre, à travers champs et que vous ne pourrez pas ne pas le reconnaître.

Où qu’il soit, ou qu’il aille, il laisse derrière lui des sillons de lumière.

© Quichottine, novembre 2018 pour le texte.
© Gérard Méry, mai & novembre 2018 pour les images.

Merci à Gérard pour ses images que vous pourrez voir en grand chez lui d’un simple clic sur chacune d’entre elles.

Merci à vous qui me lisez.

62 commentaires à propos de “Semeur de lumière, avec Gérard Méry”

  1. coucou un joli Lutin et de belles images pour illustrer – pas souvent présente mais la maman de Gérard est à l’hôpital – bisous Mamy Annick

  2. Je me souviens de la première photo sur l’espace de Gérard.
    Comme a ton habitude, tu as écris un très joli texte pour illustrer ses photos, et j’ai pris plaisir à te lire une fois de plus.
    Merci pour ce très agréable moment passé sur ton blog.
    Bises et bonne journée

  3. Ah oui alors… deux photos mystérieuses pour une très belle légende Quichottine, merci, bise

  4. Je suis sous le charme des photos dans leur écrin de mots

  5. Tu nous emportes dans une bien belle histoire encore une fois, et les photos sont très belles. J’aime particulièrement la 2eme
    Bisous et bonne journée

  6. L’eclairage Quichottien de ces deux photos mystérieuses les fait entrer directement dans le royaume des contes et légendes…

  7. Oh c’est ravissant, Quichottine! Tu as le don de nous ouvrir un univers auquel on ne peut que croire et moi j’y crois à ce merveilleux semeur de lumière, on en a tant besoin.
    Merci pour cette très jolie page.

  8. Quelle belle histoire , exactement comme je les aime avec du mystère et de l’espoir . ! Et de superbes photos ! Un beau moment! merci!
    Bises et bonne journée !

  9. Je crois connaître l’endroit où cette belle photo à été prise. Nous sommes presque voisins avec Gérard. J’aime ton texte qui vient très bien à ce que cette photo m’inspire. Bisous

  10. je découvre la légende de cet enfant qui fut enlevé , et tu l’as raconte si bien 🙂
    un semeur de Lumière , comme c’est joliment dit ! comme je ne connais pas Gérard je vais aller lui rendre visite
    je t’embrasse belle conteuse

  11. C’est vrai que les photos de Gérard que je ne connais pas sont très belles et tu les a habillés de jolis mots pleins de lumière…
    Bises et douce après midi

  12. Comme tu as trouvé -encore- les mots justes pour nous conter l’histoire de cet Être mystérieux que Gérad a surpris dans son chemin de lumière.
    MERCI
    je t’embrasse Quichottine

  13. En lisant le début j’ai pensé que tu nous offrais un remake de l’histoire de Jésus…..quoique c’est peut-être ça tout compte fait…Le cliché est magnifique. Bisous Quichottine

  14. Des sillons de lumière. … Mon ami Journée est parti pour la lumière….

  15. Une magnifique photo de Gérard que tu as su embellir encore grâce au talent de conteur du lutin bleu.

  16. Merci pour ce joli récit poétique qui met en lumière de jolies photos avec un grand coup de cœur pour moi, pour la dernière que je trouve particulièrement sublime. Je vais aller voir de ce pas le blog de Gérard…Bisous et une douce journée

  17. les photos sont très belles ( je suis passée sur son blog pour les regarder en grand) et l’histoire qui les englobe, magnifique

  18. Merci beaucoup pour ce merveilleux conte dicté par le lutin bleu, j’aime ton semeur de lumière et les merveilleuses photos qui l’illustrent .
    Bonne soirée
    Bisous

  19. Le première photo est un peu inquiétante mais le deuxième est extraordinaire et cette histoire est merveilleuse. Bises et bonne soirée

  20. ah oui, Gérard présente toujours des photos inspirantes, contre jours et ambiances mystérieuses, passants solitaires, je comprends que ton imagination galope – pas sur que cette histoire finisse bien, la petite sirène elle même n’a pas eu d’happy end – quand installes- tu ton iconographie sur calameo? bonne soirée, Quichottine…(où dort le lutin bleu ?)

  21. Un très joli texte, comme d’habitude, et de merveilleuses photos en noir et blanc( j’aime beaucoup) Je vais aller voir ce semeur de lumières; Gros bisous, Quichottine, et douce soirée

  22. Merci pour cette histoire merveilleuse qui accompagne si bien ces jolies photos !
    Bravo à vous deux pour cette si douce évasion !
    Bises et bonne soirée !

  23. Il en est des mots comme des images, certain(e)s touchent plus que d’autres, et quand les mots caressent les images qui se fondent en eux, cela donne un petit conte mystérieux comme le dessous des vagues et doux comme ces pinceaux des dunes habiles à effacer les traces de qui veut s’y cacher…

  24. J’aime bien quand tu prêtes ton crayon au lutin qui connait si bien ton bel univers et nous fait partager celui de gérard, avec ces deux belles photos.
    Merci pour cette belle histoire, j’adore le semeur de lumière.
    Bon mardi …
    Marre de ce temps.
    Pour ma thyroïde, le taux a un peu baissé, avec le médoc.
    Bisoux doux, ma quichottine ♥

  25. Bonjour Quichottine. Ces deux photos sont très belles et tu as brodé un joli conte autour. Je vais aller voir le blog de Gérard. Bonne journée et bisous

  26. Merci pour cette histoire Quichottine, les photos sont très belles, gros coup de coeur la deuxième
    Gros bisous & douce journée

  27. Quelle belle légende tu as construit pour illustrer ces magnifiques photos… tu as don inimitable ma Quichottine.
    Douce journée et gros bisous.

  28. il est fait de belles photos…et toi…. des beaux textes…. !!
    l’article du 24 11 1979…??
    39 ans que maman est partie…
    accident de voiture…ma soeur avait 6 ans !!!

  29. Cette photo est magnifique et tu l’as très bien nommé… »Le semeur de lumière » quel joli nom !

  30. le lutin est ta plume, et il est talentueux !
    une très belle histoire avec la mer- la mère–
    la première photo le danger est imminent- la deuxième l’homme a fait son chemin il est d’âge mûr-
    bravo à Gérard pour ses photos et à toi pour tes mots-
    gros bisous-

  31. belles photos et il est des destins qui ne sont pas « normaux ». Des enfants abandonnés, des enfants malmenés ; ce soir une enfant d’environ 4 ans dormait dans une poussette pendant que son jeune père demandait une pièce. Elle dormait comme un ange, elle était un ange. J’espère qu’elle fleurira sans trop de difficultés.
    Bises et porte toi bien et merci pour tes visites.

  32. Quel beau conte ! Tu ne pouvais trouver une meilleure période pour nous présenter ce semeur de lumière: novembre est un mois qui incite à la mélancolie avec ses jours sombres . Je crois que le semeur de lumière nous en a envoyé un peu car la journée promet d’être belle après toute la pluie qui ne veut ps nous oublier.
    Les images sont belles aussi . Il a un bel avenir s’il n’a pas eu une enfance normale et heureuse…
    Bisous

  33. Semeur de lumière, quelle belle expression. Et quelle belle histoire ! Et Gérard a une capacité étonnante à voir les choses de la vie, comme personne.

  34. Flûte, mon com n’est pas passé… ou alors plus tard, tu enlèveras celui-ci 🙂

  35. Merci Lutin Bleu. Tu m’as enchantée. Enchante le monde qui en a bien besoin.
    Les photos sont très belles et donnent envie de rentrer dedans.
    Quel semeur de lumière !
    Bisous Quichottine

  36. que ces photos sont belles, tout autant que cette histoire ; j’envie le talent du photographe, que je m’en vais visiter de ce pas. Douce soirée à toi, Dame, reste au chaud

  37. Superbes photos pour documenter ton sublime conte ; c’est simplement prenant en te lisant ; quel merveilleux conte ; merci Quichottine !
    Bonne journée ; Bises

  38. Magnifique Quichottine, j’ai lu ton histoire le sourire aux lèvres, j’étais sous le charme de tes mots. Et les photos de Gérard vont si bien avec.

  39. Un joli de moment de partage en tes lignes et photos de Gérard, merci à tous deux. Bises !

  40. coucou les photos sont superbes
    c’est très gentil de me proposer tes restes de matériel; je veux bien , merci ; biosus

  41. deux si belles images et un si beau titre pour qu’une histoire si triste ne reste pas accrochée au désespoir. douce journée Quichottine avec la lumière de ce vendredi Bises

  42. De bien étranges photos pour cet homme de l’Atlantide.
    J’ai adoré ton histoire Quichottine.
    Bonne soirée
    Bises

  43. Bonsoir Quichottine, Le lutin bleu aurait pu se dire « Anne , sœur Anne ne vois tu rien venir ? ».Encore un beau récit tiré d’un imaginaire foisonnant avec cette phrase incroyable :  » Les arbres de la Quichottineraie se prélassaient dans une étrange atmosphère où ils disparaissaient doucement. »

    CHAPEAU Madame !

  44. Deux photos magnifiques où vibre la lumière et un si joli conte! merci à vous deux pour ce moment .
    Bises Quichottine et beau week-end

  45. Salut
    Le temps est maussade.
    Pluie , vent et froid sont au rendez vous.
    Je plains les gilets jaunes.
    Bonne journée

  46. Quelle belle aventure que cet enfant de lumière… on le croise sans le voir, je crois qu’il s’installe en nos cœurs quand ils breloquent.

    J’aime beaucoup cette idée de lumière, on en a tellement besoin.

  47. Oh ! la merveilleuse histoire
    Le lutin bleu a bien appris de sa bibliothécaire, son histoire m’a entousiasmée, merci
    Je t’embrasse