J’étais sur la route du retour. Je rentrais. Chez moi, bien sûr, après une journée ordinaire, pendant laquelle j’avais accompli sans grand mérite un travail tout ce qu’il y a de plus routinier. J’étais content d’avoir fini. J’espérais seulement que le dimanche qui m’attendait serait un peu plus riche en surprises de toutes sortes. J’étais las de cette vie terne que je menais. Je voulais… de la nouveauté !
Il aurait sans doute fallu ne pas m’arrêter. Mais je n’ai pas l’habitude de croiser des ombres. Celle-ci me surprit.
Mon itinéraire passait par un petit bois. Qu’on ne me demande pas quelles en étaient les essences. Je n’ai jamais su distinguer un platane d’un marronnier ! Je sais seulement que ce n’étaient pas des sapins ou de ces espèces d’arbres à épines que l’on croise parfois en montagne. La plaine s’étendait tranquillement, et la rivière qui s’y prélassait n’avait pas besoin de franchir de lourds rochers. Elle murmurait dans la nuit des histoires un peu tristes. J’aimais m’arrêter sur ses rives, descendre de voiture pour un instant qui parfois pouvait durer des heures. J’écoutais. Avez-vous déjà essayé de fermer les yeux près d’une rivière, un torrent, un simple ru dans la campagne ? L’eau nous parle si l’on s’en inquiète, elle nous raconte ce qu’elle a vu ou entendu. Il suffit, là aussi d’être attentif, d’écouter.
J’avais donc encore une fois coupé le moteur et je m’apprêtais à descendre de voiture. Je n’en fis rien. Là-bas, près de l’eau, adossée à un arbre, une ombre se découpait dans la nuit. La pâle clarté de la lune dessinait une frêle silhouette. Le vent soulevait de longs cheveux d’argent. Je m’adossais à mon siège. J’avais peur d’attirer l’attention par un geste trop vif ou par un bruit inopportun.
J’essayais d’imaginer. Je le faisais souvent. Il me suffisait de croiser quelqu’un dans la rue ou dans un magasin, d’apercevoir, de loin, la moindre forme sur l’un des bancs du jardin public où je me rendais parfois, pour que j’invente des événements qui n’avaient sans doute rien voir avec la réalité des personnes concernées. Un regard triste suscitait chez moi des images un peu folles d’amours incomprises, de rendez-vous manqués. Au contraire un sourire lointain – sourire « aux anges » – évoquait la plénitude du retour après une longue absence, des joies partagées, des avenirs communs. La solitude, c’était cet homme endormi sur le banc, sans plus d’attente, sans plus de rêve ou cette femme recroquevillée sous un porche, le regard vide, qui vous tend une main décharnée, ou qui ne le fait plus mais vous abreuve d’injures avinées !
Là, je ne voyais pas. La forme entraperçue n’avait pas de visage. Il n’y avait que ces cheveux argentés caressés par le vent. De jour, ils seraient sans doute blonds, ou très clairs. Je ne les pensais pas blancs. Je ne savais pas s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. À demi dissimulée par le tronc d’arbre, il était difficile de se rendre compte de la réalité de cette silhouette. J’avais pensé tout d’abord à une femme, mais je n’en étais plus très sûr. Ce pouvait être un jeune homme. Cette pensée m’ennuya. Pourquoi la femme pouvait-elle être âgée et pourquoi pas l’homme ? J’avais imaginé une femme sans lui donner d’âge… Brusquement contrarié, je me mis à essayer de superposer l’image d’un vieillard à celle du jeune homme. Ce fut impossible. Face à lui, une multitude de visages féminins vinrent docilement habiller l’ombre, lui donner vie.
J’arrêtais mon choix sur une femme entre deux âges. Deux petites rides au coin des yeux pour la vraisemblance. C’était parfait !
Je la voyais maintenant très bien, svelte, sportive. Son sourire m’échappait encore. Je ne savais pas s’il répondrait au mien ou si au contraire il se fermerait. J’essayais de lui donner un regard et j’espérais qu’il serait plein d’espoir. Perdu dans ma rêverie, j’avais omis de continuer à fixer l’objet de mes pensées. Lorsque j’y revins, ce fut pour constater, à ma grande surprise, que l’ombre s’était dissoute dans l’aube qui pointait. Il n’y avait plus rien près de l’arbre, rien du tout. Et je n’avais rien senti, rien entendu, rien vu. Sa disparition avait été soudaine et définitive.
Avait-elle vraiment existé ?
Si vous avez raté le préambule (clic)
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Tu me diras comment revenir en ce lieu à partir de ton blog STP…je dois y revenir
Je t’ai donné le chemin… Je ne sais si tu reviendras, mais j’étais contente que tu sois là. Merci.
J’écoute le bruit de l’eau…
Je vois cette silhouette disparaître…
Quelle conteuse, quelle écrivaine !
Sourire… Merci, Lmvie.
Les mots nos prennent par la main et peu importe les arbres que nous entourent… nous te suivons avec ta sensibilité. Misterio que cautiva
Il paraît que j’ai le don des mots…
Mais ce que certains ne savent pas c’est que j’ai aussi très peur de ce que je leur confie.
No hay misterio tan grande que no tenga su llave.
Je t’embrasse, S.YO.
Moi, j’ai rien raté dou tout…….
GO !
Tu ne vas rien rater, je le sais (sourire)
Bisous, Chris !
mais si toi aussi tu te mets à écouter l’eau, comme moi la mer…tu vas tout comprendre de cette vie sur terre, et c’est pourquoi je préfère le printemps à l’automne, car le froid et le brouillard de ce soir, feront-ils revenir l’ombre adossée à ce tronc d’arbre???va savoir!!!!!!!!!
Je ne sais pas… Peut-être.
Il faut attendre un peu pour le savoir. (sourire)
Passe une belle journée, Pat !
Il y a un lien mort dans ton sommaire’ Elle ».
Et tu as supprimé un billet? Non?…. celui qui était daté de ..je ne sais plus d’aillleurs et puis ça n’a pas d’importance. Et puis quelquefois les coms ne passent pas… et merci pour ton long commentaire au sujet de mes deux questions…
quel style j’ai là… Je suis un peu déboussolée par mon article « humeur » sans doute… tu verras, je t’ai répondu.
Et décidemment, je ne comprends rien à la nature humaine. Je n’aurais pas dû mettre ça ici . Je suis hors sujet… Bon samedi Quichottine, et merci d’être là-bas…
Merci, Petite-Elfe, c’est corrigé.
Non, je n’ai rien supprimé… pour le retrouver, tu cliques sur « la suite »…
Merci de m’avoir répondu aussi
Sensibilite , beaucoup !
J aime, beaucoup !
Je suis contente que ça te plaise, Vagabond !
Merci…
le clair obscur laisse libre court à l imagination et ton texte l illustre avec beaucoup de bonheur et de sensibilité.
Bienvenue au jardin, Kéline. Tu as trouvé la bonne entrée !
Merci.
chuttt, je triche, j’etais trop bien installée dans mon fauteuil pour m’en aller si vite….
En montagne, je m’arrête souvent… écouter le silence… et là, la nature parle.. par le frémissemnt des feuilles, les roucoulades du ruisseau, les pépiements des oiseaux…
Je comprends cette façon de « rêver » la vie des gens… cela m’arrive si souvent…J’aime leur inventer une vie, les imaginer vivre derrière les fenêtres éclairées…
La suite…ce sera vraiment un peu plus tard…
Je t’imagine ainsi dans tes montagnes…
Ce silence qui est plein de vie, ces moments où tout semble si grand et nous si petits.
Merci d’avoir lu…
Un vrai régal cette lecture du 1er chapitre. Cette atmosphère de mystère qui nous enveloppe au fil des mots. Vite, je vais lire la suite.
Sourire…
Tu sais, ce soir je suis allée chez toi, lire la suite de la Rémige bleue.
Ce que j’ai préféré, ce sont ces objets qui prennent vie… Les pierres auraient-elles aussi un cœur ?
Merci d’être là…