Anselme Kiefer, Nebelland, 1997

Pour Melly et sa communauté « le Tableau du samedi »… la rediffusion d’une page que j’ai aimé écrire, au début de mon blog.

Je me demandais où j’allais vous en parler. Ce n’était pas si simple.

Contrairement à ce que vous pourriez penser, moi, je n’y connais rien en tableaux, en peinture, en art… Je ne suis pas un pilier de musée.

Pourquoi ? Eh bien, parce que je fais partie des gens qui traversent les salles à toute allure, le regard en alerte, comme si je devais emmagasiner le tout en un minimum de temps. C’est vrai. La plupart du temps, je ne lis même pas les titres des tableaux, les commentaires. Je suis un vrai-faux touriste. Je cours. Comme si j’avais hâte de retourner au grand air.

Et puis, brusquement, je m’arrête. Et là, je peux rester des heures, sans bouger. Devant l’œuvre qui m’attendait.

Coup de foudre ? Sans aucun doute.

Je fonctionne ainsi, au « coup de cœur ».

Devant un texte, devant une image. Il faut que je ressente.

C’est charnel, inexplicable.

Donc, je suis une ignorante. Mais, ce dont je suis sûre, c’est que les sentiments que j’éprouve alors sont bien réels. Je peux y revenir vingt fois, cent fois, sans jamais me lasser… jusqu’à en être totalement imprégnée.

Aujourd’hui, il s’agira d’Anselme Kiefer

Pas de celui dont tout le monde parle, celui dont l’exposition vient de s’achever… Monumenta… au Grand Palais. Non, pour celui-là, je ne ferais qu’un article de plus, inutile.

Je vais vous parler de l’Anselme Kiefer de Maître Po.

Je ne sais pas qui est Maître Po… mais il fait de belles photographies, et il avait un très beau chat… un chat qui voulait être écrivain… ça il faudra aller le lire, chez lui. Aujourd’hui, je voudrais vous montrer ce que peut le regard porté à un instant précis sur un tableau.

Nebelland… le pays du brouillard. C’est une toile immense, certains l’ont sûrement déjà vue.

1997 : « J’ai vu le pays du brouillard, j’ai mangé le cœur du brouillard.« 

Le tableau, sur la Toile, ça donne ça :

kiefer-pyramide

Lorsqu’on va sur le blog de Maître Po, tout change. Je me suis arrêtée, je suis restée, longtemps.

Je me suis demandé… plus que cela encore.

Il y avait dans ma tête la musique lancinante de « Nuit et brouillard« … il y avait des tonnes de silence aussi.

Puis, devant cette photo magnifique, je me suis dit que ce qui comptait, ce n’était plus tant la toile accrochée au mur du Grand Palais, c’était l’ensemble qu’elle formait tout à coup devant l’objectif du photographe avec ceux qui la regardaient.

Il y a la toile bien sûr, encore que coupée parce qu’elle est trop grande pour entrer toute entière dans le viseur.

Mais il y a une femme, accroupie à côté d’un enfant.

La mère (?) soutient l’enfant ?
Peut-être pas. Il faut tout regarder.

L’enfant baisse la tête. Il est concentré sur ce qu’il écoute et ne veut pas voir. Il attire notre regard, avec son T-Shirt orangé. Son regard, lui, pourrait nous désigner le gisant sur la toile. Mais on ne sait pas vraiment ce qu’il regarde.

La mère a la tête levée. Elle fixe le haut du tableau, ou son ensemble.
Mais elle est en équilibre précaire.

(Avez-vous déjà essayé de garder cette position ?
Le sang ne circule plus…
Lorsqu’on se lève, on a vieilli d’au moins dix ans !)

Ici, la mère et l’enfant sont intimement liés à la toile exposée à travers leur attitude et la couleur de leurs vêtements. Le noir et blanc de la femme, le gris du pantalon du garçon… qui se fond avec le gris du sol… Quant à l’orangé du maillot, on peut en trouver, sur le tableau, comme un reflet ensanglanté.

Voilà ce que j’ai vu chez Maître Po, voilà pourquoi je m’y suis attardée, pourquoi j’y reviens, comme pour y retrouver une histoire…
que je n’aurais sans doute pas pu lire ailleurs.

Pour voir l’image et l’article de Maître Po, cliquer ici.

(Rediffusion d’un article paru le 17 juillet 2007, à commenter si vous le souhaitez, ici.)