Il était trois images, chez Annick de Guyane

Annick doit piaffer d’impatience.

 

C’est toujours comme ça quand je demande des images… je les prends, je les garde, je les mets en réserve parfois, pour un moment plus calme, un moment où les visiteurs de la bibliothèque s’installent sur les coussins, sortent des livres d’enfants, des poèmes, ou se contentent parfois de regarder le lutin bleu d’un air inquiet ou réprobateur.

 

Il y a ceux qui pensent – et qui se le disent entre eux, à mi-voix, en hochant la tête…

 

« Le pauvre ! Quichottine n’arrête pas de lui demander d’écrire, de raconter… il n’a même pas droit aux RTT ! Pas de congé payé… C’est une honte ! »

 

Il y a ceux – moins nombreux – qui lui murmurent en passant (tout bas, pour que je ne les entende pas) :

 

« Tu n’as pas honte de lézarder comme ça ? T’as rien foutu depuis des lustres ! Ne nie pas ! Tu restes dans ton coin, bien caché, mais nous savons bien que tu es là ! Quand vas-tu te mettre sérieusement au travail ? »

 

Ensuite, ils passent leur chemin en grommelant comme de vieux barbons… ou de jeunes cons.

 

(Je plaisante bien sûr… mais dites-moi s’il est normal que les barbons grincheux soient toujours « vieux » et les « cons » le plus souvent « jeunes » dans la bouche de ceux qui s’en plaignent ?)

 

 

Un jour que je lui rendais visite, j’ai trouvé chez Annick un superbe mur peint, de ceux qui racontent une histoire…

 

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Elles étaient nombreuses, je ne voulais pas tout prendre… Même si j’ai fait un montage ici de celles que je préférais.

 

J’ai gardé la première, la dernière… et ce montage pour une triade nouvelle.

 

Je les ai données au Lutin bleu…

 

On dit…

On dit que là-bas, très loin, très très loin

Un jour où il s’était égaré

L’Explorateur trouva une immense forêt.

 

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(Je sais que ce n’est pas facile à croire… les explorateurs ne se perdent jamais.) 

 

– Jamais ? Mais il faut bien se perdre pour se retrouver ! Comment apprendre sinon ?

 

Chut ! Quichottine ! Enfin ! C’est à moi de parler…

 

 

On dit…

On dit qu’il avait oublié son nécessaire de survie,

son couteau à dix lames,

et même la vieille boussole qui lui servait de GPS !

 

 

(Il avait retourné toutes les poches de sa saharienne, fouillé au fond de son chapeau, et même quitté ses chaussures… au cas où il y aurait caché un plan, une carte secrète… un numéro de téléphone d’urgence…)

 

– Tu rêves, là… il n’y aurait pas de réseau ! Et je ne vois pas de téléphone portable sur l’image.

 

M’enfin ! Tu ne veux pas que je termine l’histoire ? Regarde ! Les autres sont sages ! Il n’y a que toi pour faire du bruit ici, pour poser des questions ridicules !

 

 

On dit…

On dit que la forêt, malicieuse, multipliait à l’infini les pièges,

ouvrait des chemins neufs,

les refermait ensuite en un incroyable mouvement de branches,

de feuilles, de fleurs…

 

On dit que l’Explorateur, muni de l’unique outil dont il disposait,

– une vieille paire de jumelles dont il venait de briser l’un des verres –

S’adressa même aux oiseaux pour leur demander son chemin.

 

 

(Les explorateurs sont pleins de ressources, ils connaissent de nombreux langages et celui des oiseaux est pourtant difficile, je vous le dis en confidence. J’ai mis plus de mille ans pour le comprendre !)

 

Quichottine haussa les épaules… Qui donc se souvenait de l’âge du lutin bleu par ici ? Certains réagiraient sûrement, et il faudrait qu’elle leur explique qu’un lutin est immortel, ou presque, et que le sien avait maintenant près de deux mille ans !

 

Le lutin, mine de rien, continuait son histoire, ouvrant de temps à autre une parenthèse, pour que les visiteurs, du moins, ceux qui écoutaient, n’en perdent pas le fil…

 

 

On dit…

On dit que l’oiseau persifleur se fit un peu prier…

Il aimait se sentir important, indispensable.

Mais… comme il n’était pas méchant,

il conduisit l’Explorateur au cœur de la forêt.

 

On dit aussi que là vivaient des hommes et des femmes

des enfants

qui écoutaient le soleil, la lune et les étoiles,

l’eau des torrents, des cascades

les arbres majuscules

et même les fleurs minuscules

et qui vivaient au rythme des saisons.

 

On dit qu’ils l’accueillirent de chants si beaux qu’il ne voulut jamais repartir.

 

On peut encore le voir aujourd’hui, là-bas.

Il a conquis le coeur de Leila-la-Brune.

 

Et si vous ne me croyez pas,

demandez aux quatre vents

 

Ils le disent encore à qui veut bien l’entendre,

Sur les chemins de Quichottinie.


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© Quichottine, juin 2012 pour le texte

© Annick-la-Guyanaise, avril 2011 pour les images

 

 

 

Merci à Annick pour les images qui ont donné naissance à cette histoire.

 

Et merci à vous qui venez de la lire.

 

78 commentaires à propos de “Il était trois images, chez Annick de Guyane”

  1. Magnifiques tableaux de la forêts d’Amazonie, admirablement commentés. Vous devriez toutes deux vous entendre pour composer des livres illustés à l’usage des enfants ; chez Bayard par exemple.

    • J’ai un livre en attente d’éditeur… Disons que pour l’instant, je me contenterai de celui-ci et de ce que je publie ici.

      Merci pour ce joli compliment.

  2. Murs peints de belle façon c’est super joli et merci pour tes contes les accompagnant, belles journée mesdames ! Bises de jill

  3. merci !! Bien sûr j’ai aimé… j’aime beaucoupces histoires qui mène à un monde meilleur…..

    belle journée chez vous avec bises de nous deux

    • Je suis ravie qu’elles te plaisent.

      Merci pour tout, Patriarch.

      Bises affectueuses et douce journée à vous deux.

  4. Revoilà les 3 images, disent les habitués en frappant des mains ! Une histoire verte à raconter à tous, pleine de couleurs, de chants d’oiseaux et de bruits d’eau… Si, si, je les ai entendus !

    • Merci !

      Les quichotrains ne sont pas terminés, mais ils vont un peu alterner avec autre chose. 🙂

      Douce et belle journée à toi.

  5. Quel accueil pour cet explorateur ! Pas étonnant qu’il soit resté dans cette forêt où vit un peuple au plus près de la nature.
    Jolies photos que celles d’Annick !
    ça me fait penser que je t’ai envoyé, un jour un moulin, photo que tu m’avais demandée. J’espère qu’elle est bien en ta possession ?
    Gros bisous Quichottine, passe un bon week-end !

    • C’est vrai… ton moulin, comme d’autres, attend patimment que je m’en occupe.

      Il est, en cinq images, dans mon dossier des « images à utiliser ».

      Pardon de ne pas avoir répondu à ton gentil message. Voilà qui est fait.

      Gros bisous et douce journée à toi.

  6. L’explorateur perdu a trouvé l’amour ;ce n’était pas Mac Gyver mais il s’en est sorti avec l’aide des oiseaux!
    Je confirme: le langage des oiseaux est incompréhensible! Bisous

    • Je ris… Il faut dire qu’un explorateur maladroit a besoin d’aide et qu’il n’y avait que les oiseaux pour s’apitoyer.

      Bisous et douce soirée. Passe un bon dimanche.

  7. Des images qui ne pouvaient que susciter le rêve… Je comprends l’explorateur qui s’est laissé séduire par cette nature sauvage et tous ses charmes.
    Bravo à l’illustratrice ainsi qu’à la conteuse et son tendre lutin bleu.
    Gros bisous

  8. je suis contente de retrouver tes histoires et le lutin bleu!
    les images sont de toute beauté aussi
    bises et bon week-end

  9. Je suis heureux de ce retour du « Lutin bleu » et en plus il ne confond pas (comme certains auteurs) la carte et le territoire. Il s’intègre dans son substrat : sources, humus, lianes, fleurs et faune… un vrai bonheur à voir et à lire. Merci pour cette atmosphère « Ambiental ».

    • Merci, Pierre.

      Il passe et écrit quand il le désire… et je suis heureuse que cela te plaise.

      Douce soirée et belle journée à venir.

  10. désolée d’arriver aussi tard!
    merci pour cette belle interprétation » poétique » de ces images…
    je veux croire que cette histoire est vraie!
    la forêt guyanaise sait être cruelle: l’actualité de ces jours derniers….nous le confirme!
    mais elle est aussi pleine de magie….et d’amour!
    je suis contente pour mon explorateur qui y a trouvé sa « belle »
    bonne soirée de samedi, bisous.

    • Elle devrait l’être puis que le peintre l’a fixée sur ce mur…

      Merci encore pour ton prêt d’images, Annick.

      Bisous et doux dimanche à venir.

  11. Ces peintures murales sont très jolies.Tu nous amènes dans un pays de rêve et c’est un plaisir de te suivre.

  12. bonsoir et bravo !!
    je visite Annick aussi- elle a un beau blog interressant-
    longue vie au lutin bleu—
    bonne soirée-
    j’étais abste — en lorraine— en train et sans ordi !
    bisous !

    • Tu as bien fait de profiter de ces moments « sans ». Ils font aussi du bien.

      Bon retour, Lady Marianne.

      Bisous et douce soirée.

  13. Que je suis heureuse d’avoir retrouvé le Lutin bleu et ton art de transformer des images en histoires vivantes.
    Merci pour ce moment de rêve.
    Belle soirée, bises Quichottine et un petit bisou au Lutin bleu!

    • Il passe de temps en temps… il y a d’autres histoires en préparation.

      Merci, Erato. Bises et douce soirée à toi aussi.

      (J’ai bien reçu ton quichotrain… il sera dès que possible en gare de triage, je les publie dans leur ordre d’arrivée.)

  14. D’arbres majuscules en fleurs minuscules, guidés par le lutin couleur d’eau vive, c’était un doux voyage, dans le train coloré d’un récit foisonnant – comme une forêt de Guyane.

  15. La langue des oiseaux est souvent celle des rêves et un explorateur est bien placé pour en trouver la clé. Bises . A demain. VITA

  16. ON dit tellement, tellement de choses qu’il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux.
    Bonne soirée.

  17. C’est tout simplement magnifique à tout point de vue Quichottine (au fait à quand des nouvelles de tes écrits ???)

    • Merci !

      Pour l’instant, elles sont sur une page spéciale.

      Nous attendons toujours, et le temps qui s’étire vaut mieux qu’une réponse trop rapide.

      Douce journée à toi. Bisous.

  18. waouh, la belle histoire ! et les images font rêver et voyager, merci à toutes les deux

  19. Ah oui, un monde meilleur, où les gens des immeubles n’empêcheraient pas les autres de dormir, où tous les voisins se respecteraient … Nuit blanche et pas très en forme ce matin.
    Belle journée Quichottine et gros bisous

    • Pauvre Maychachat !

      Je te comprends tout à fait. Tes voisins avaient je l’espère quelque chose d’extraordinaire à fêter…

      Dure la vie parfois !

      Mais j’espère que ce n’est pas tous les vendredis comme ça.

      Prends bien soin de toi. Je t’embasse fort. Passe une belle journée.

  20. On dit que la vie est si jolie à travers les yeux d’un lutin bleu, qu’il fait bon s’asseoir au pied d’un mur (comme celui d’Annick de Guyane), et de l’écouter conter…
    On dit qu’en Quichottinie certains n’attendent que ces instants là et que d’autres les espère, et que le lutin bleu, fidèle à sa réputation attend le bon vouloir de Dame Quichottine…
    On dit…. Et on dit encore….
    Chut !!! laissez-vous porter par la magie de la Guyane et l’imagination du lutin bleu… Instant de magie et de rêve au cœur de la forêt…
    Bises à vous deux, pardon vous trois !!!

    • On dit qu’il y a des mots qui touchent infiniment la bibliothècaire, qu’elle en est rouge de confusion…

      Mais que ses yeux brillent en les lisant.

      Merci, ABC.

      Que ta journée soit belle !

  21. J’aurais préféré une fête … quelque part des chiens sont enfermés et ont hurlé d’ennui à partir de 22 heures hier soir, ils pleurent encore. Nos murs sont tellement en papier que je ne sais pas d’où çà vient mais je vais m’en occuper.
    Gros bisous Quichottine (je suis là tout l’été)

    • C’est ce que j’ai le plus de mal à supporter… Pourquoi prend-on des chiens en appartement alors qu’on ne peut pas s’en occuper correctement ?

      J’espère que tu pourras dormir cette nuit…

      Je t’embrasse très fort.

  22. coucou, je viens sur la pointe des pattes pour ne pas déranger le lutin qui raconte si bien, et admirer ces jolis
    tableaux, j’y resterai bien aussi dans cette forêt enchantée, merci Quichottine, bisous, bisous, MIAOU !!!

    • Nous serions plusieurs, je pense.

      Merci, Mistigris.
      Bisous et douce soirée à toi. Passe un bon dimanche.

  23. Une merveilleuse histoire où la Nature accueille et charme le visiteur…. j’aime cette manière d’écrire…. de raconter… on est ‘dedans’! Les images sont magiques! Que ça fait du bien de laisser la réalité pour basculer dans le Monde du Lutin bleu…. Merci Quichottine

  24. jolies ces images !!!! c’est un environement parfait pour un lutin !!
    bon we quichottine !!
    bisou

  25. Une belle histoire qui nous emporte loin à travers les tableaux verdoyant de ton amie Annick. Une belle découverte ce chemin de Quichottinie, merci aux quatres vents.
    Roger

  26. le lutin ne se laisse pas faire
    il a trop de choses à dire
    j’aime bien son côté pertinent
    bravo pour ce récit qui se laisse lire

    ti bo Quichottine

    • J’aime aussi mon Lutin bleu… Il est unique, même s’il y a sans doute de nombreux lutins bleus qui peuvent s’attacher à chacun d’entre nous.

      Merci, Sonya.

      Bisous et douce soirée.

  27. Merci à vous deux… Merveilleux.
    Merci aussi pour tes visites lors de mon absence.
    Très bon dimanche

  28. les explorateurs ne se perdent pas parce qu’il y a toujours un rayon de soleil ou une étoile pour les guider…et les étoiles : la nuit quand tu es loin en mer et qu’il n’y a plus de pollution lumineuse pour gêner le regard, c’est fabuleux.

  29. Je passe … je lis … je regarde … j’apprécie … et je te souhaite un bon dimanche!
    ( Un petit problème à la main m’empêche de pianoter comme je voudrais. Dsl pour ce copier-coller)
    Bizzz

    • Merci d’être passée malgré tout.

      Prends bien soin de toi, Kri, et surtout ne fais pas d’imprudence.

      Bises et douce soirée.

  30. Qui mieux que le lutin bleu peut savoir ce que raconte les quatre vents au coeur de la Guyanne ? Tu lui diras que c’est un merveilleux conteur, que je ne me lasse pas d’écouter (sans l’interrompre comme toi). Il a su me faire trébucher sur les bois tombés en travers du sentier, me faire éviter la branche épineuse que l’explorateur allait me lâcher au visage après son passage et entendre la réponse de l’oiseau persifleur.

    Pour un peu, j’arrivais à prêter mon téléphone à ce pauvre explorateur pour qu’il ne s’égarât point.

    Le voyage avait commencé avec les images relevées au petit matin par Annick, nées de la rencontre d’une volonté et d’un véritable artiste. J’imagine mon terrier ainsi rehaussé sur les quatre faces, chantant lui aussi la Provence comme ici la Guyanne !

    Ce fut un beau voyage immobile. Merci pour l’échange.

    Le grillon

    • Je le lui ai dit… Merci de l’avoir suivi pas à pas.

       

      Je suis heureuse que ce nouveau voyage t’ait plu.

  31. Il faut croire que les quatre vents ne sont qu’un seul individu. « Raconte » n’a pas voulu s’accorder ! C’est bien un signe ça !!

    Christin l’ortoghraphiste

    • Je ris… tu sais, cela m’arrive bien souvent.

      J’ai des lutins farceurs sur mon blog qui s’amusent avec certaines lettres.

      Douce journée à toi.