Quelques extraits du livre dont je n’aurais pas dû parler. Ce sont des citations d’auteurs dont Pascal Quignard cite le nom mais rarement l’œuvre.
Suetone :
Dans sa retraite de Capri, Tibère imagina d’aménager une pièce garnie de bancs pour ses désirs secrets (arcanarum libidinum). Là, il rassemblait des troupes de jeunes filles et de jeunes débauchés pour des accouplements monstrueux qu’il appelait spintrias (sphincters), qu’il mettait en scène suivant une triple chaîne, et qui se prostituaient entre eux pour ranimer par cette vision ses désirs défaillants (deficientis libidines). Il orna des chambres d’images et de statuettes représentant les tableaux et les sculptures les plus lascives (tabellis ac sigillis lascivissimarum picturarum et figurarum), auxquelles il avait joint les livres d’Elephantis pour que chaque figurant trouvât toujours le modèle des postures (schemae) qu’il ordonnait. il appelait « petits poissons » (pisciculos) des enfants de l’âge le plus tendre qu’il avait habitués à se tenir et à jouer entre ses cuisses pendant qu’il nageait pour l’exciter avec leur langue et de leur morsure (lingua morsuque). Il donnait en guise de sein à têter ses parties naturelles à des enfants non encore sevrés afin qu’ils le déchargeassent de son lait. C’est ce qu’il préférait. Dans les bois et les bosquets de Vénus, il fit disposer des grottes et des cavernes dans lesquelles les jeunes gens de l’un et l’autre sexes s’offraient au plaisir en costumes de Sylvains et de Nymphes (Paniscorum et Nympharum).
Horace :
Tu oses, femme qui es une ruine centenaire, dont les dents sont noires, dont le front est labouré de rides, toi dont bâille entres les fesses décharnées (aridas nates) un trou plus répugnant que le cul (podex) d’une vache qui chie (crudae bovis), tu oses me demander pourquoi mon sexe ne bande pas (enervet) ? Parce qu’on voit chez toi des ouvrages stoïciens (libelli Stoici) traîner sur des coussins en soie (sericos pulvillos), crois-tu que mon sexe sache lire ? Crois-tu que les livres l’excitent ? Crois-tu que mon fascinus (fascinum) en soit moins paralysé (languet) ? Si tu veux qu’il se dresse bien haut sur mon aine dédaigneuse : suce ! (ore !)
Ovide (Amours, III, 14)
Il est un lieu où la volupté est un devoir. Ce lit, fais-en l’asile de toutes les jouissances (omnibus deliciis). Là, la pudeur (pudor) doit être bannie. Mais quand tu en sors, reprends ta pudeur et laisse au fond de ton lit (in lecto) tes crimes. Là, tu dois enlever sans pudeur ta tunique. Tes cuisses (femori) doivent soutenir celles de ton amant. Là, qu’une langue se cache entre tes lèvres rouges (purpereis labellis). Là, laisse les corps inventer les façons de s’aimer. Il faut que les mouvements du plaisir (lascivia) fassent craquer le bois du lit. Après, reprends tes tuniques. Après, reprends un visage effrayé (metuentem). Après, que la pudeur désavoue ton obscénité (obscenum). Je ne demande pas à une femme d’être pudique (pudicam). Je lui demande de paraître pudique. Il ne faut jamais avouer. Une faute qu’on peut nier n’existe pas (non peccat quaecumque potest peccasse negare). C’est l’aveu qui fait la faute (culpa). Alors, quelle est cette folie qui pousse à raconter au grand jour ce que cache ta nuit ? Quelle est la folie qui pousse à raconter tout haut (palam) ce qu’on fait tout bas (clam) ? Avant de donner son corps au premier Romain venu, la louve tire le verrou (sera).
Il est vrai que ce ne sont que des « extraits » et qu’ils ne reflètent pas tout.
Quelques pages sur les 356 que comporte ce livre, que j’ai lu, en entier.