Les chevaliers errants

Je sais qu’en ce moment ma lecture n’est pas très régulières… je vous comprends lorsque vous me regardez incrédules :

Comment ? Tu vas nous parler de ton grand livre, sans nous en faire un petit résumé avant ?

Don Quichotte par Gustave Doré

(Gravure de Gustave Doré)

Non, pas de résumé aujourd’hui, ce n’est pas nécessaire.  Ce que nous allons apprendre pourrait faire partie de n’importe laquelle des aventures passées ou à venir.

(Là, j’exagère tout de même un peu.)

Nous en étions au début du chapitre dix-huit de la première partie. Don Quichotte s’excusait presque de n’être pas venu au secours de son écuyer, Sancho Pança, alors qu’il se faisait malmener dans la cour de l’auberge qu’il avait prise pour un château par quatre méchants drapiers voyageurs…

(Je suis sûre que vous ne connaissiez pas cette nouvelle sorte de ramiers…)

Les excuses du chevalier… Sancho n’en a cure  ! La seule chose qu’il voit, qu’il sent, bel et bien, ce sont ses membres qui le font souffrir, sa tête toute endolorie, son corps qui lui rappelle qu’il n’est qu’un  pauvre paysan et non pas, comme son maître un chevalier errant, qui peut en un instant retrouver santé et vigueur…

Nous en étions là. Sancho n’est pas content, il le dit, et il précise même ce qu’il veut !

(Je crois bien que le valet a tout compris
… ça arrive, parfois, que ce ne soit pas le héros qui ait raison.
Là, Sancho joue un nouveau rôle, celui de Jiminy, le criquet de Pinocchio.)

C’est la voix de la raison.

Quant à moi, ce que je tire au clair de tout ceci, c’est que ces aventures que nous allons cherchant nous mèneront à la fin des fins à de telles mésaventures, que nous ne saurons plus reconnaître quel est notre pied droit. Ce qu’il y a de mieux à faire et de plus raisonnable, selon mon faible entendement, ce serait de nous en retourner au pays, maintenant que c’est le temps de la moisson, et de nous occuper de nos affaires, au lieu de nous en aller, comme on dit, de fièvre en chaud mal, et de l’alguazil au corrégidor.

Il faut se rappeller que Sancho est en fait un brave paysan, qu’il a délaissé sa ferme, sa femme et ses enfants, pour suivre le gentilhomme sur les routes. Ce qu’il commence à ressentir, c’est qu’il n’en tirera aucun profit, et qu’il vaudrait sans doute mieux s’en retourner au logis. Ce n’est pas l’avis de Don Quichotte, vous pensez bien ! Il va lui faire un cours sur la chevalerie errante

– Que tu sais peu de chose, Sancho, répondit don Quichotte, en fait de chevalerie errante ! Tais-toi, et prends patience : un jour viendra où tu verras par la vue de tes yeux quelle grande et noble chose est l’exercice de cette profession. Sinon, dis-moi, quelle plus grande joie, quel plus doux ravissement peut-il y avoir dans ce monde, que celui de remporter une victoire et de triompher de son ennemi ? Aucun, sans doute.

C’est bien ce que je pensais. Le chevalier ne trouve rien de mieux à dire que « Sois patient » ! Toujours la carotte agitée sous le nez de l’âne pour le faire avancer. Oui, mais Sancho est loin d’être un âne. Il n’a pas appris dans les livres, c’est certain, d’ailleurs, il ne sait pas lire, mais, il a des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et surtout, ce corps qui depuis le début de leurs aventures n’a cessé de recevoir des coups !

– Cela peut bien être, repartit Sancho, encore que je n’en sache rien ; mais tout ce que je sais, c’est que, depuis que nous sommes chevaliers errants, ou Votre Grâce du moins, car je ne mérite pas de me compter en si honorable confrérie, nous n’avons jamais remporté de victoire, si ce n’est pourtant contre le Biscayen : encore Votre Grâce en est-elle sortie en y laissant une moitié d’oreille et une moitié de salade. Depuis lors, tout a été pour nous coups de poing sur coups de bâton, et coups de bâton sur coups de poing ; mais j’ai reçu, par-dessus le marché, les honneurs du bernement, et encore de gens enchantés, dont je ne pourrais tirer vengeance pour savoir jusqu’où s’étend, comme dit Votre Grâce, le plaisir de vaincre son ennemi.

Sancho est loin d’être sot, et il a bonne mémoire ! Il se souvient de l’aventure du Biscaïen.

(Grâce à lui, nous avions renconté un historien…
Non, pas Gabriel Hanotaux, non, celui-là, il n’est pas arabe, il est Académicien !
Je sais, ça n’a rien à voir !)

Nous avions rencontré Cid Hamet Ben Engeli, l’historien maure qui prend soudain la place de Cervantès pour nous parler plutôt cruellement de Dulcinée…

Sancho se souvient de tout ce qu’il a vu… Des moulins, et de tout le reste, et il ne comprend pas ce que son maître peut trouver de plaisir dans ces aventures qui pour lui n’ont ni queue ni tête.

C’est normal, non ?

Que feriez-vous en pareil cas ?

64 commentaires à propos de “Les chevaliers errants”

  1. Et Ran ! … prends ça pauvre Sancho !…
    Air rend … point l’homme de la Manche
    Qu’après s’y est cogné!…
    l’Oraison du sage,
    Ne vaut la raison du fou…
    L’un aime les voyages
    Et l’autre compte les coups

    Farfanter du Son de l’Âne
    Grand écuyer de Don Carotte de la Planche ….

    • Lucquiaud, décidément ! J’écrirais mes épisodes rien que pour tes commentaires s’il le fallait !

      Merci Bisous aux Farfadets ! (et très bon anniversaire à ton blog !)

  2. Bonjour de Canton en Chine,ma petit lecture habituelle, mais j’arrête de cliquer sur tes liens, car ensuite je sais plus où j’en suis dans l’histoire, je reviendrais , bonne journée bye

  3. Il y en un autre don quichotte des temps modernes qui fait beaucoup de vent comme les moulins et qui a à ses basques de nombreux sancho espérant…… espérant quoi ?

  4. Bonne journée, Quichottine. Je pars au travail mais repasserai peut-être par ta bibliothèque dans la journée.

    • Je ne t’en voudrai pas si tu n’as pas le temps, Pivoine, le travail, c’est important !

      Bonne journée à toi

  5. Je pensais, là, que ça dépend de quel point de vue on se place : celui du héros ou celui de l’auteur ?

    Parceque les écrivains sont les plus magnifiques représentants des chevaliers errants…..en ce cas, c’est Don Quichotte qui voit juste !!!!!

    • Tu as raison, Chris, tout est une question de point de vue.

      Personnellement, j’aime bien celui de don Quichotte, tu le sais… mais il arrive qu’il faille épouser celui de son valet.

  6. En pareil cas, je regarde (inlassablement) tourner les ailes des moulins… quand elles tournent !
    Poétobisous

  7. vivement que ma vie me laisse du temps pour lire plus de ton petit coin de paradis….. bonne journée

  8. Fichier hébergé par Archive-Host.comoh là là je crois que j’aurai trouvé Don Quichotte un peu félé moi si j’avais été son valet…je l’aurais respecté mais en me disant que ce type avait un grain…MDR….Bisous..bonne journée Quichottine…

  9. La ptite-ptite fillotte de Don Quichotte, découpe tellement merveilleusement le récit que les dialogues prennnent des dimensions de monologues : Sancho se plaint que son corps en prends pour son grade, malgré qu’i n’est pas Chevalier et d’un autre côté le Don Quichotte lui demande de patienter pour voir de quoi est capable un Chevalier, c.à d. lui ! La dernière partie est même un rappel de cela, puisque Sancho, c’est vrai a bonne mémoire, puisqu’il rappelle à son maître tout ce qu’il n’a pas fait ! marrant non ?

    • Oui, c’est très drôle. Merci pour cette appréciation, Madame Yoyo.

      Je suis contente de pouvoir partager avec vous ma lecture… et que cela vous plaise.

  10. coucou dame quichottine, la voix de la raison m’entra^ne souvent vers des histoires qui n’ont ni queue ni tête !!!

    béa

  11. pourquoi vouloir que les choses aient un sens « ni queue ni tête »,c’est certainement ce qu’il y a de plus « sensé ».VITA

  12. Sancho rouspète, mais il continue car il rêve, lui aussi, d’une belle promotion. A+

  13. Après un temps de découragement, peut-être que… Je finirais par me ressaisir et puis j’irais… Tiens, j’irais me battre contre les éoliennes (après tout, c’est des moulins à vent encore plus grands !) !…
    Bises à toi, Quichottine !

  14. Voici une reprise rondement menée. Quel plaisir !
    Et que d’humour !
    Je reviendrai demain (tout à l’heure !), Quichottine…
    Gros bisous de la nuit 

  15. Si j’avais ni queue, ni tête, : je me mettrais en boule…

    • Tu écris à des heures impossibles, Pat ! Mais je suis heureuse que tu sois là… Tes images d’aujourd’hui sont magnifiques !

  16. Je pense que comme Sancho j’aurais quelques petits moments de découragement Mais quand on est comme Sancho, fidèle à son engagement,on laisse passer et l’on se ressaisit … LIZAGRECE

  17. Ni queue ni tête? mais bon sang ça doit avoir un sens… comme l’utopie qui n’est pas un rêve irréalisable mais irréalisé….
    fan de Donquichotte!
    Une image pour ta collec!
    Si demain il ya encore une belle histoire de l’Homme de la Mancha, je t’en offirai d’autres!
    Bises Dany

    • Merci pour cette image, Dany.

      Normalement, la suite est bien pour demain… Tu en as beaucoup, des images ?

      Je plaisante… Mais pas pour la suite demain.

  18. C’est toujours un plaisir de te lire, pas de monotonie loin de là! J’aime ces liens interactifs

  19. Sancho me fait penser à tous ces hommes et femmes qui oeuvrent dans l’ombre des « grands de ce monde », faisant une croix sur leur vie privée pour se prendre des coups à longueur de journée !!! Don Quichotte est terriblement d’actualité !!! Bon mardi et gros Quichottine !

  20. Dans ce couple étrange, Sancho est certainement le plus réaliste.
    Mais en fait je le crois tout dévoué à son maître, il râle, rouspète mais continue sa route avec son idéaliste de maître…..
    Bonne journée Quichottine 

    • C’est vrai que le plus souvent on se demande pourquoi il reste, moi je pense que c’est parce que, quoi qu’il advienne, Sancho est un ami fidèle.

      Bonne journée à toi aussi, Clo

  21. J’ai les batteries à plat aujourd’hui mais tu vois, dans ces cas-là il n’y a rien de tel qu’une belle histoire comme tu sais si bien les raconter pour voir s’estomper un peu ma fatigue !

    Bisous ma belle

  22. Y’en a qui n’ont que des coups de bâton. Oui. Houlà ça se complique. Est-ce que le mot cid viendrait du mauresque sidi ? Et un auteur cité par un autre auteur. Pfff… Copie ou plagiat ? Moi qui suis allée chercher du coup Cavalier chez Blanche Neige. Je n’ai trouvé que Simplet. Donc lui ai posé quand même la question à tout hasard, sachant que « si Sancho n’était pas si sot »… bon. Simplet ne sait pas lire, et la mauresque encore moinsse.  Mais il m’a dit, d’une manière renversante, qu’un jour le prince Borges lui avait clamé haut et fort que :

    « Pourquoi sommes-nous inquiets que Don Quichotte soit lecteur du Quichotte et Hamlet spectateur d’Hamlet ? Je crois en avoir trouvé la cause : de telles inversions suggèrent que si les personnages d’une fiction peuvent être lecteurs ou spectateurs, nous, leurs lecteurs ou leurs spectateurs, nous pouvons être des personnages fictifs. »

    Personnages fictifs… personnages fictifs… pourquoi pas des pseudos aussi ? Moi, ‘ça continue je rends mon tablier. Pfff…

    Margot Bigouden, assistante

    • Pauvre Margot… Ne t’en fais pas. Dès que le Cavalier sera revenu de chez Blanche Neige, il arrangera tout ça !

  23. Coucou Quichottine, ce qui m’intrigue surtout c’est ce qui va bien pouvoir se passer ensuite car nous n’en sommes finalement qu’au tout début du roman.
    Les 2 personnages de Cervantes sont sur la route à la recherche de gloire pour le premier et de fortune pour le second  mais pour l’instant les revers de fortune s’accumulent sans gloire …
    Bonne soirée à toi.
    Bises,

    • Il faut attendre pour la suite, Muad. Nous n’avançons pas vite, mais nous avançons !

      Bonne soirée à toi aussi…

  24. oui, oui c’était bien moi!! désolée j’ai oublié de mettre l’adresse! pas très poli tout ça. biz

  25. Ma chère Quichottine moi qui prend un tel plaisir à te lire, je viens juste te faire un petit coucou car depuis deux jours la gastro-pode m’a frappée… et je commence juste à me lever un peu plus souvent… bon je ne veux pas te passer mes crobes.. je lirai donc plus tard..

    Je te fais plein de bisous

    chantal

  26. Je ne suis pas pauvre paysan, et pas de moissons à faire, alors peut-être bien que je vais le suivre encore.

    • Tu as déjà superbement avancé… Chevauchée digne d’un fidèle écuyer… ou d’un aspirant chevalier ! Bravo, Polly !

  27. Son maître n’est pas dans le plaisir, quich’.

    Il est dans la mission, dans la quête, dans le devoir.

    Sancho lui est dans l’attente de résultats. Mais pour Don Quichotte, peu importe que les résultats arrivent, il a déjà sa récompense…

    • Ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes… tu as tout à fait raison, leurs objectifs sont différents.