Henri Meschonnic

Aujourd’hui, c’est jeudi…

Jeudi… je redeviens adolescente, je retrouve mon amour immodéré… pour la poésie… qui ne nourrit pas son homme comme chacun sait.

J’aurais pu vous parler de Victor Hugo, de Jacques Prévert… ou même d’Antonio Machado, de Federico García Lorca… Je vous en parlerai, plus tard… (Je ne mets pas de lien, ils viendront lorsqu’il le faudra.)


Aujourd’hui, je m’offre une récréation :

Henri MESCHONNIC, Nous le passage,
Verdier, 1990

Je l’ai emprunté à la bibliothèque, peut-être pour rechercher dans les poèmes ce que le linguiste y aurait oublié (c’est un éminent professeur de linguistique… un traducteur de langues anciennes – il a traduit le « Cantique des Cantiques » de la nouvelle version de la Bible…)

Peut-être mon goût de la contradiction m’a-t-il conduit à penser qu’il ne serait pas aberrant de déposer un peu de rêve au milieu de tout ce sérieux, de lire un poème, ou deux, peut-être trois… Pourquoi pas ?

la main qui est forte
n’est pas celle qui tient le présent
c’est la main vide
qui montre l’avenir

et celui qui parle
n’est pas celui qui est le maître des mots
c’est celui qui transforme le silence
avec ses mots
et qui transforme les mots
par son silence

(27)

les intervalles entre les coups du cœur
ne sont pas vides
les intervalles entre les mots ne sont pas des blancs
ce sont des presque mots des
presque gestes
du plus que se taire
et du moins que dire

(32)

je connaissais des réponses
mais les questions me connaissent
mieux car jour nuit elles
m’inventent

(61)

Des poèmes sans majuscules, sans ponctuation, sans phrases…

Du moins si l’on considère la définition que l’on apprend à l’école…

Une phrase commence par une majuscule
et se termine par un point.

Cette définition ne change guère du CE1 au CM2, même si on lui apporte des nuances, il y est toujours question de « signes de ponctuation » de l’écrit.

La linguistique (quel mot barbare !) n’a pas modifié encore cette première approche grammaticale de l’école élémentaire.

Il n’y a pas de majuscule, pas de point,
seulement des mots, et des absences de mots.

Les « blancs » dont Henri Meschonnic parle si souvent, auxquels il attribue tant de sens.

Des passages à la ligne qui sont autant de « blancs » immenses, qui obligent à une gymnastique oculaire, qui invitent à la réflexion. Ils nous laissent le temps de penser, d’espérer éventuellement autre chose.

Mais le poète joue avec celui qui le lit.

Quelle lecture linguistique Henri Meschonnic ferait-il de lui-même ?

Je ne sais pas.
Je ne veux pas non plus le savoir.

J’ai lu ce livre, comme on lit des poèmes, en me laissant prendre à la magie des mots.

J’avais le temps : j’avais décidé que c’était l’heure de la récréation… et qu’à l’image des récréations de printemps, lorsque, entre deux averses, après de longs mois d’hiver, nous nous laissons aller à une récréation un peu trop longue, parce que le soleil brille enfin, et qu’il n’est pas sûr qu’il dure…

J’ai décidé d’en recopier trois, en ne respectant pas ce que l’auteur voulait, puisqu’il n’en a mis qu’un par page, ce qui laisse de grands « blancs »…

Trois poèmes donc, qui m’ont plu.

Mais celui que je préfère, je le garderai pour moi…
…ç’aurait été un quatrième… !

60 commentaires à propos de “Henri Meschonnic”

  1. J’adore !!!!….le "plus que se taire" et le "moins que dire "
    C’est vrai!…….moi, par exemple, quand je me tais, c’est très, très mauvais signe !!!!!………toutes les personnes qui me connaissent le savent !!!!!
    Le silence est plein, plein de mots !

    • Je crois que c’est pour tout le monde la même chose… enfin, je ne devrais pas généraliser, mais, quand je me tais, ce n’est pas bon signe !!!

      Merci pour ta visite matinale…

  2. lire entre les mots,lire entre les lignes…faire comprendre son émotion ,emmener le lecteur et le laisser à son propre sentiment…ne rien imposer…VITA

  3. C’est vrai qu’à l’école, on ne joue pas trop avec les blancs en grammaire. En revanche, on aime bien travailler sur des textes "réticents". C’est à dire entre autres, des textes avec des blancs, où chacun peut interpréter le passage manquant à sa manière.
    A partir de tels textes, nous avons des débats passionnants avec les élèves car chaque interprétation est écoutée et surtout acceptée…

    • Oui… des textes où l’on peut inventer du moment que l’on respecte la consigne « rester cohérent » avec ce qui l’entoure, ce passage manquant.

      On fait la même chose avec les images… interpréter ce qu’on voit, imaginer ce qui se passe, ce qu’on se dit, faire dire, donner son point de vue, se mettre à la place de… Au fait, il faut que je regarde… Tu as écrit la fable du point de vue du fromage ??? Nous en sommes à J-2 !

      J’ai vérifié… Tu l’as bien fait.

      Ta fable est là

  4. kikou quichottine, je vais faire lire à l’ado ce poeme tel que, je pense que cela va lui plaire cette facon de l’écrire
    bisous

    • La poésie est un merveilleux passeur de pensée, d’images… moi, j’en suis tout à fait persuadée.

    • De rien, Fancri… ce sont seulement des coucous en passant. Tu m’as beaucoup aidée quand j’en avais besoin. Je suis contente de te compter parmi mes « blogopotes ». En plus, j’adore ta collection d’escaliers ! C’était une bonne idée de les réunir sur un blog !

  5. ça y est, j’ai fait un chti poème sur la boîte Caran d’Ache!!
    Bisous et bonne nuit!

  6. Le dernier me touche beaucoup… je l’imagine seul sur sa page, et oui, il doit y gagner en profondeur…
    gros bisous miss et à bientôt!

    • Je suis d’accord avec toi… Ce qui est impressionnant avec les poèmes tels que les présente Meschonnic, ce sont ces grands « silences » de l’écriture.

  7. Merci de m’avoir donné la référence…ça me plaît bien..il faut absolument que je découvre ce poète…Je croyais que c’était difficile à lire , alors je ne m’en approchais pas…Merci!

    • La partie « essais linguistiques » de son œuvre est un peu difficile, je l’avoue.. mais pas entièrement.

      Ses poèmes sont très beaux.

      Merci à toi.

  8. Je suis peut-être un peu nunuche mais j’aime bien les petites poésies sans ponctuation, reprendre son souffle de dfifférentes façons peut donner un autre sens insoupçonné!

    • Non, tu n’es pas nunuche, Lhuna.

      Moi aussi j’aime bien et je trouve que ces poèmes sont magnifiques. J’avais seulement été surprise, au départ. Parce que tu vois, ce grand monsieur qu’est Henri Meschonnic, c’est aussi un défenseur de la langue française, et, au départ, je ne pensais pas qu’il pourrait écrire ainsi… si… enfin, c’est idiot. Tu vois, moi, aujourd’hui, je ne trouve pas mes mots !

  9. Superbe ces poemes 

    "la bonne nature nous a donné 1 bouche et 2 oreilles pour qu’on se souvienne tous les matins en se levant qu’il faut ecouter 2 fois plus qu’on ne parle "

    Felix

    • Merci Felix. Je ne te connaissais pas. Je découvre ton blog aussi. Et les citations que tu y as mises m’ont beaucoup « parlé » ce matin. Je reviendrai.

  10. Quand j’ai vu le nom d’Henri Meschonnic, cela m’a fait bondir,car il y a quelques mois, j’ai enregistré et imprimé un long article de plusieurs pages sur sa Poétique du traduire . 
    Je vais le relire en pensant à toi .
    Et puis je vais revenir lire ton article, car ce commentaire a été écrit sous le "choc" de voir que tu parlais de lui . Bises du matin !

    • Ah… C’est amusant.

      J’ai découvert Meschonnic à l’université, lors d’une conférence. Il faudra que je vous en parle.

      Ensuite, j’ai acheté Poétique du traduire, j’aime bien ce qu’il écrit de son métier de traducteur. Moi, maintenant quand je traduis, je ne sais plus ne pas penser à ce qu’il dit.

      Bises du matin à toi aussi, Clerval

  11. Les silences…cela me fait penser aux silences sur une partition de musique . A ces silences qui apportent une respiration à la musique…qui prolongent une émotion…qui retiennent un élan ou en annoncent un autre . Dans le langage écrit ou parlé , c’est la même chose .
    Merci pour ces poèmes . Je ne les connaissais pas . Ma rencontre avec Meschonnic s’est bornée à sa conception de la traduction.
    Pardon d’avoir été si bavarde ! Ton sujet d’aujourd’hui m’a inspirée !

    • J’aime bien quand tu es bavarde… les mots, ça peut être important aussi.

      Si un jour tu en as l’occasion, va écouter l’une de ses conférences. c’est un être très abordable (mais attention, il faut l’écouter pour ne pas en perdre une miette, si tu le laches un instant, il s’envole et tu ne peux plus le suivre !).

      Il sait parler encore mieux qu’il écrit et s’adapte à merveille à son auditoire… je dirai qu’en plus de linguiste, de poète, de traducteur, c’est un véritable homme de théâtre !!!

  12. Je trouve ça plaisant le fait que la ponctuation ne soit pas présente. Après tout comme ça on le lit comme on le sent et on le ressent chacun à sa manière.
    Pourquoi nous cloisonner dans un rythme de lecture alors que chaque individu est unique, qu’il respire à son rythme, et qu’il ne ressent pas les meême choses aux même mots ?
    Et le fait qu’il n’y ai pas de point donne l’impression que le poème n’est pas terminé et qu’on peut nous même imaginer sa suite…

    Grosses bises Quichottine

    • Je suis d’accord avec toi… Là, seulement les blancs et les passages à la ligne nous obligent à respirer au niveau de notre lecture. Moi, j’aime bien !

      Bisous à toi aussi, Rainette !

  13. Kikou Quichottine 😉

    L’absence de ponctuation laisse la libre interprétation au lecteur. A chacun(e) sa propre lecture.*
    Heureux de te lire…
    Bonne journée et bises du jour.
     @ bientôt…

  14. En poésie, tout est permis, ou presque et c’est ce qui me plaît.
    Je joue  parfois aussi avec les mots quand l’inspiration est là… et en ce moment, elle est assez absente. C’est un était d’esprit, une communion avec quelque chose (lieu, objet…) ou … quelqu’un et pour ma part, le personnage qui m’a inspiré, n’est plus là…  Alors, exit la poésie, du moins pour quelque temps et pourtant, comme tu dis, c’est une récréation, mais pas toujours… Bonne journée Quichottine.

    • La récréation, c’est quand tu rêves sur les mots des autres… quand ce sont tes mots, c’est souvent une déchirure… Bisous Eolina ! Bonne journée à toi.

  15. J’aime bien les textes sans ponctuation. Tu déplaces une virgule, un point, un soupir et c’est tout le texte qui change de sens. Le lecteur devient acteur, le texte se transforme au gré de nos réflexions, rien n’est figé!

    Bisous toi
    Bon aprèm’

  16. J’aime bien les textes sans ponctuation. Tu déplaces une virgule, un point, un soupir et c’est tout le texte qui change de sens. Le lecteur devient acteur, le texte se transforme au gré de nos réflexions, rien n’est figé!

    Bisous toi
    Bon aprèm’

  17. la force du language non-verbal. Attention aux non-dits, moisissures pourisseuses de situation hasardeuse.

    • Comme tu dis… tout dépend de ce que tu mets dans tes silences et ce que tu ajoutes, le décor, le contexte… Les mots qu’on ne dit pas, ce peut être des gestes. La tendresse n’a pas besoin de mots, Seb !

      Bisous… pour le reste, je suis d’accord avec toi !

  18. Coucou Quichottine, je suis vraiment ravi de découvrir grace à toi le talent de ce grand Monsieur.
    Ces trois poèmes sans fioritures nous laissent pourtant entrevoir tout un monde d’une richesse incroyable, un monde où les mots s’animent au gré de leur fantaisie …
    Merci Quichottine.
    Bonne soirée,

    • Tu sais, je crois que je ne l’ai jamais tant aimé que dans ces poèmes que j’ai découverts alors que je faisais une étude très sérieuse de son œuvre… C’est quelqu’un de génial, et encore mieux que ça… Pourtant, il sait rester très sobre dans ses poèmes…

      Tu vois, lorsque je vois tes photographies, les sujets que tu choisis, je me dis que tu es poète, et je ne m’étonne pas du tout de ce commentaire… Merci Muad !

  19. Au diable la linguistique! laissons-nous porter par les mots à notre guise! Laissons la réflexion de cpoté pour laisser place aux sensations. Merci. Bonne nuit

    • Je pense aussi… Et tu vois, je crois que ce que je pourrais appeler le « côté obsur » de Meschonnic, de ce chevalier de la langue… et bien ce ne sont pas ses poèmes… Il les dit divinement bien !

      Bonne nuit à toi aussi, Céline.

  20. « la main qui est forte
    n’est pas celle qui tient le présent
    c’est la main vide
    qui montre l’avenir

    et celui qui parle
    n’est pas celui qui est le maître des mots
    c’est celui qui transforme le silence
    avec ses mots
    et qui transforme les mots
    par son silence »

    La main vide qui montre l’avenir: une main ouverte au monde…j’aime!

    Transformer les mots par son silences….Tu te doutes comme cela me..parle!!

    Je ne sais de quand datait cet article… je ne suis pas allée au bout de ma lecture, tu sais bien que je m’arrête d’abord sur ce qui « me parle » et le commente, peut-être trop vite?

    Allez, je continue…Bonne journée

    • Jamais trop vite, Mahina.

      Il faut que je remette les dates à mes articles, ne serait-ce que pour m’y retrouver, moi.

      Merci d’être là.

  21. « je connaissais des réponses
    mais les questions me connaissent
    mieux car jour nuit elles
    m’inventent »

    hum…je mets ce titre dans mon petit carnet, je m’en délecte d’avance…. Merci!

    • Tu étais de celles à qui je l’aurais conseillé… alors, je suis contente que tu l’aies trouvé toute seule.

      Merci à toi.

  22. J’erre sur ton,  tes blog(s) … à défaut d’errer sur le mien et sur les autres d’ailleurs… Et je découvre que j’avais commenté ce billet, sous un autre nom. C’est en suivant les liens des derniers commentaires postés que je suis arrivée sur celui-ci. Merci donc à Mahina qui m’y a envoyée.

    J’ai lu ton billet aussi à la bibliothèque sur ce poète que je ne connais pas du tout. C’est très profond ce qu’il a dit et ça me plaît beaucoup. Tu vois, je voudrais changer de registre dans mes écrits mais je ne suis pas assez douée pour ça…

    J’ai vu aussi que tu as mis une nouvelle page blanche. C’est une bonne idée.

    Bonne journée sous un beau soleil, probablement chez toi aussi…

    • Tu as toujours été là pour moi, Marie, depuis le premier jour ou presque…

      Même quand tu ne commentais pas.

      Je ne crois pas que tu aies raison lorsque tu dis « je ne suis pas assez douée pour ça »… Je crois que tu as seulement besoin d’avoir plus confiance en toi, et de trouver ce qui te plaît vraiment.

      Les images sont une grande partie de toi, tu es douée, très… Montre-les tant que tu ne sais pas ce que tu vas, ce que tu peux en faire. Lorsque les mots sont là, laisse-les se poser sur ta page, ils seront beaux pour ceux qui les liront et entreront en communion avec toi, quelle que soit la forme qu’ils prendront.

      Nous écrivons toujours pour quelques uns, parfois pour un seul… mais il ne faut pas être triste quand ceux ou celui pour qui nous écrivons semble rester indifférent, d’autres en seront touchés.

      Bonne journée à toi aussi, Marie. Il fait soleil, c’est vrai.

      Merci.

  23. Coucou par ici. Pourquoi? Parce que je viens de recevoir « Puisque je suis ce buisson »… Tout simplement génial!

    Ça paraît si simple! Mais quelle recherche dans la façon de dire ses mots! C’est surtout là qu’il est grand, très grand!!

    Un immense merci à toi pour m’avoir fait découvrir cet auteur!

    Bonne journée.

    • Il faudra que je fasse un tour à la bibliothèque…

      J’ai lu moins de recueils poétiques que toi, de lui. Beaucoup d’essais, mais je dois dire que c’était pour un travail que je devais rendre.

      Je suis heureuse qu’il te plaise autant… c’était un homme incroyable… une vraie figure, dans tous les sens du terme… et pourtant tellement abordable !

      Je le lirai aussi, et ce sera grâce à toi.

      Bonne journée, Marie. Je t’embrasse fort.

  24. Et sur mon article de ce jour, j’aurais pu mettre ceci de lui:

    on attend le

    temps

    et celui qui attend et

    celui qui vient

    c’est le même

    Et avec cette disposition, car je pense qu’elle est très importante pour lui…

    Bonne journée Quichottine.

    • Tu ne te trompes pas en disant que la disposition est très importante pour lui… tout l’est, depuis le choix des mots, les « blancs » du textes, ces « respirations » qui laissent à la voix le temps de la pensée…

      J’aime énormément ce texte.

      Merci, Marie… Bonne journée à toi aussi.