Mai (Le Voyage, 5)

Mai
Photographie © AA

Il entra dans la montagne en longeant la rivière.

Les gorges étaient impressionnantes. Les rochers tentaient de lui cacher le bleu profond du ciel. Aucun nuage ne venait troubler l’horizon du mois de mai.

Depuis quatre mois, il avait parcouru bien des chemins, cherchant inlassablement le sien. Il avait voyagé sans vraiment profiter des paysages que le destin lui faisait traverser. Il ne les voyait que lorsque ses jambes refusaient de le porter davantage et qu’il s’abandonnait enfin, au détour d’un chemin, le long d’un ruisseau ou au cœur d’une forêt trop sombre.

Son corps demandant grâce, son esprit curieux se mettait en campagne. Ses yeux s’accrochaient à une image, cherchaient à la capturer vivement comme l’aurait fait l’appareil du photographe. Il regardait autour de lui, trouvait son point de vue et il s’abandonnait alors à une rêverie dont nul n’aurait pu l’extraire. Le plus souvent, il s’attachait à un détail, un rien. Une feuille légèrement différente, une fourmi qui essayait de transporter un fardeau bien trop grand…

Il l’imaginait parvenant au bout de son voyage. Il lui donnait une vie, un nom parfois, une histoire. Il créait pour elle des compagnons. Certains d’entre eux se réjouiraient de son exploit, d’autres riraient de ses efforts.

Il y avait toujours dans ses histoires l’attente et le pardon.

S’il avait voulu les écrire, pour pouvoir les relire ensuite et les analyser, il aurait trouvé mille indices confirmant que son amour n’était pas mort et qu’il ne pourrait jamais l’ensevelir. Il n’écrivait pas. Il engrangeait des impressions, des visions paisibles ou tourmentées selon la couleur du ciel. Il le regardait souvent et les nuages guidaient ses pensées et ses rêves.

Lorsqu’ils foisonnaient, il s’abîmait dans leur contemplation tout en guettant le tout petit coin de ciel bleu, le moindre rayon de lumière. Les nuages qu’il préférait portaient liseré d’or…

Lorsque le ciel était serein, bleu comme celui qu’il apercevait au-delà des rochers, il cherchait et s’accrochait au moindre lambeau de nuage comme s’il ne pouvait pas vivre sans.

Un observateur avisé dirait que Clément ne savait pas ce qu’il voulait. Il était comme beaucoup d’entre nous, incapable de profiter du quotidien sans arrière-pensée.

Il lui arrivait pourtant de ne plus penser à rien.

Parfois il s’arrêtait devant un buisson, quelques bourgeons à peine entrouverts, ou même devant une toute petite fleur cachée sous la verdure. Il se penchait vers elle ou s’allongeait dans l’herbe pour se mettre à sa portée, l’admirer plus à l’aise.

Les fleurs avaient le pouvoir de le détendre, de le faire rêver à des jours meilleurs. Il les aimait et ne pensait jamais qu’elles étaient éphémères et que même les immortelles mouraient.


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