Le grand Meaulnes

Samedi dernier, j’étais à Montluçon… accompagnant mon époux qui avait une réunion. Tout près de Montluçon, il y a Épineuil… et à Épineuil, vous savez quoi ? Il y a une école, aux murs couverts de vigne-vierge, une école pas tout  fait comme les autres… une école où la maîtresse fait entrer des enfants… qui n’en sont plus vraiment !

Nous étions là, une quinzaine, un peu tremblants… impressionnés sans doute par cette maîtresse d’école qui nous regardait, soupesant notre savoir… le savoir d’élèves de son âge !

Cette école n’accueille plus d’enfants, enfin, presque… elle sert de musée, elle a repris l’allure qu’elle avait en 1891.

À cette époque-là, l’Instituteur c’était monsieur Fournier… Je suppose que ce nom-là commence à évoquer pour vous des choses… Sa femme était institutrice, elle avait été nommée là, en tant qu’adjointe, contre l’avis de la commune qui ne voulait pas de femme dans une école de garçons !

Parce que vous ne savez pas ? Si, bien sûr !
La plupart de mes visiteurs le savent !

Dans le temps, et il n’y a pas si longtemps encore, les filles et les garçons n’allaient pas à l’école ensemble.

  • Ça permettait aux garçons de penser que les filles étaient fragiles et qu’elles avaient bien des secrets… 
  • Ça permettait aux filles de penser que les garçons ne pleuraient jamais !

Les garçons étaient forts, ils savaient grimper aux arbres et jouer aux billes. Les filles jouaient à la balle le long d’un mur et à la corde à sauter.

Les garçons ne jouaient pas à la balle, ils jouaient au ballon… parfois… mais surtout ils savaient faire tout ce qu’on interdisait aux filles : siffler, courir, se battre aussi, comme des chiffonniers, et jurer comme des charretiers !

Sauf le fils de l’instituteur, celui du maire et du curé !

  • Oups ! Mais non, le curé n’avait pas de fils voyons ! Qu’est-ce que je raconte, moi !

Le notaire en avait un qui lui succéderait un jour…

L’instituteur, le notaire et le curé, c’étaient les trois personnalités d’un village.

On saluait les trois, les hommes ôtaient leur chapeaux… les dames inclinaient la tête, avec grâce, les villageoises faisaient la révérence…

  • Eh ! Alors ! Ne te laisse pas emporter, Quichottine, nous ne sommes plus au Moyen Âge !

Pas de révérence, donc, mais un « Bonjour monsieur l’instituteur » qui montrait que l’on était quelqu’un.

Donc, que se passait-il pour les pauvres enfants de ces gens-là ? Ils ne fréquentaient pas n’importe qui… ils restaient à la maison, et devaient bien se tenir, ne pas jurer, ne pas cracher, ne pas courir les filles et surtout, ne jamais se salir !

L’école du Grand Meaulnes, c’est celle ou Henri Fournier, celui qui deviendrait plus tard Henri Alain-Fournier, est allé en classe dans les pires conditions qui soient… Fils de l’instituteur, et de l’adjointe !

La maîtresse qui nous accompagnait, ne savait pas que j’allais écrire cette histoire un peu détournée de notre futur écrivain…

Moi, je l’y imagine… J’ai pris plein de photos… et surtout j’ai pensé à ce petit garçon qu’on empêchait de lire trop souvent, trop longtemps… parce que la lecture ça abîme les yeux !

Mais lui, l’enfant, l’aîné, il a une petite sœur et il lui lit les livres que les autres vont avoir en prix… Il en a bien de la chance, lui, il a des parents instituteurs… vous croyez que c’est de la chance ?

À sept ans, on l’envoie dans la mansarde… Il va quitter la chambre de ses parents, il logera au-dessus, et grâce à un immense bâton, bien trop grand pour le petit garçon il pourra les appeler pendant la nuit en frappant le plancher… la porte de la mansarde grince, le lit métallique est bien froid… et la lucarne est si petite que la lumière qu’elle projette sur les murs entraîne l’enfant dans des cauchemars éveillés.

Pourtant, c’est là qu’il emmagasine toute la matière de son seul roman. Henri Alban Fournier, qui transforma son nom pour en faire « Alain-Fournier » à cause d’un coureur cycliste… va vivre là toute son enfance, ensuite, il ne fera que se remémorer les jours vécus à Épineuil-le-Fleuriel… la cour de récréation, les voyous qu’il ne devait pas aimer… et qui vont peupler son chef d’œuvre :

Le Grand Meaulnes, 1913

70 commentaires à propos de “Le grand Meaulnes”

  1. J’ai gravi l’escalier des articles en sens inverses! Mais cela m’a vraiment intéressée. Douce soirée Quichottine

  2. Merci beaucoup ….. Un livre unique mais quel livre….. Il a habité mon enfance…… Je me rappelle aussi de la version cinématographique……
    Comme Alain Fournier n’a écrit qu’un seul livre on le connaît mal, merci de nous raconter un peu de son histoire.

    • Oui… moi, j’ai beaucoup appris en écoutant la « maîtresse », je crois que je vais faire une annexe avec ce qu’elle a raconté… et ce que j’ai vu dans cette magnifique école !

      Bonne journée, Martine

  3. Belle rencontre, cette école d’Epineuil, d’une part à cause du Grand Meaulnes, et d’autre part, parce que Montluçon, au secours 😉

    Effectivement, une classe de cette époque ne ressemblerait guère aux nôtres. La classe unique était la règle dans les campagnes mais pourquoi ne verrait-on pas ça comme une mutualisation des connaissances ? En lisant ton billet, Quichottine, on sent l’odeur de l’encre et on entend le bruit de la craie. Brrr 😉

    • Il y a de jolies choses à Montluçon, tu sais ? Je ne m’y attendais pas, c’est un peu perdu au milieu de nulle part, mais on y fait des découvertes.

      L’école, je l’ai trouvée superbe… et j’ai beaucoup appris !

      Le bruit de la craie sur le tableau… tant qu’elle ne grince pas… Ne me dis pas que tu n’aimais pas l’école ? Moi, j’apprends beaucoup chez toi. 😉

  4. C’est formidable de retourner avec toi dans l’école de Monsieur Fournier. Pour son fils, ce ne devait pas être drôle tous les jours.
    Le Grand Meaulnes…encore un livre à relire !
    Belle journée, Quichottine 

    • Si tu savais le nombre de livres que je dois relire ! … et tous ceux qui me restent lire !

      Nous devrions nous relayer toi et moi et que chacune raconte à l’autre… mais surtout pas en fait ! je veux pouvoir continuer à me perdre parmi tes coquillages, tes nudibranches (j’adore ce mot !!!) et toutes ces merveilles dont j’ignorais l’existence !

      Belle après-midi, Siratus…

  5. Quel bonheur de te lire… gros bisous miss!

    PS : « grâce à un immense bâton’(à rajouter)(tu peux effacer ce com si tu le souhaites!) lol

    • Merci Sophie ! Grâce à toi j’ai corrigé ma coquille !

      Ca ne m’étonne pas ! mes « à » me fuient parfois… et je retrouve après un double espace qui n’avait pas lieu d’être…

      Pourquoi effacerais-je ? Si l’erreur est humaine, on a le droit de souligner celles que je fais ! Merci pour ton intervention amicale… Passe un bon après-midi, Sophie !

  6. Bonjour ! C’est qu’on lui donne du travail à la pauvre Quichottine pour nous éviter de lire ou relire les grands classiques. J’aime bien les petits résumés qui se lisent comme des petits pains. Merci tout plein et gros bisous. Passe une belle soirée et un bon dimanche. Je m’en vais de ce pas écrire mon article …!!! chao

    • Travaille bien, Christine ! Là… je me suis seulement donné l’envie de relire aussi !

      Passe une belle soirée

  7. Ben voila encore un livre que je découvre en passant ici. Enfin je connais le nom mais jamais lu! Grâce à ton article, j’ai enfin pu lire un petit bout de texte. merci.
    Et bon week end.

  8. depuis que ma soeur m’a passé le livre pour je le lise, j’ai adoré
    coucou quichottine,! Comment vas-tu depuis le temps?  Je ne savais pas que cette école puisse donc encore exister, cette histoire est si belle, avez-vous vu le film? Il est aussi beau! enfin,
    gros bisous quichottine!!
    juju

    • Coucou Juju ! Je n’ai pas vu le film… mais j’ai lu le livre ! Et là, vois-tu, je l’ai découvert sous un jour nouveau…

  9. Quelle belle remontée dans le temps… pouvoir retrouver Sainte Agathe.. la ferme de la Belle  Etoile.. le café Daniel… ont-ils changé ou sont ils restés identiques à ceux de mon souvenir ? J’aurais aimé visiter cette école avec toi.. Bonne soirée Quichott’

    • Je ne peux pas répondre à ta question, mais, j’aurais aimé que tu sois là… Tu aurais adoré la maîtresse !!!

      Bonne nuit, kinou

  10. je le redis… tu as un talent incroyable, j’adore ton écriture; moi ce lire je ne l’ai pas lu… Et je ne crois pas que j’en trouverai le temps, mais tu décris l’ambiance d’une manière incroyable.

  11. J’ai connu un peu le temps où les filles et les garçons allaient à des écoles différentes.
    Je pouvais quand même communiquer avec ma soeur puisque leur cour de récréation n’était séparée de la nôtre que par un mur d’1 mètre environ.
    Fin du radotage…

    C’était un grand Monsieur qu’Alain Fournier et un livre superbe que « Le Grand Meaulnes ».

    Bon week-end

    • Seulement avec ta sœur, Alphomega ? Si l’on écoute ce que dit l’auteur du Grand Meaulnes, il regardait par le trou de la serrure de la grande porte qui le séparait du jardin des religieuses pour apercevoir celle qu’il croyait être la plus belle fille du pays…

      Fin du radotage ?

      Je suis d’accord… c’était un clin d’œil taquin ! J’ai appris beaucoup en allant visiter cette école, tu sais, je trouve qu’il devrait y avoir dans tous les musées, dans tous les lieux de mémoire, des personnes passionnées comme elle !

      Bon dimanche à toi…

  12. Bonne nuit Quichottine.
    J’ai beaucoup aimé Le Grand Meaulnes, lu et relu il y a longtemps. J’ignorais tout ce que tu nous apprends sur la vie d’A. Fournier à Epineuil-le -Fleuriel. Jusqu’en 6e, j’étais dans l’école des filles, nous portions des tabliers, roses une semaine, bleus la semaine suivante…
    Bonne nuit Quichottine. 

    • Ah… que de souvenirs…

      Moi, j’avais un tablier bleu et un autre à petits carreaux roses et blancs, en alternance…

      Je vais continuer un peu la visite de l’école… Je t’y inviterai demain.

      de la nuit, Siratus…

  13. Quelle chance! Toute ces fleurs dans les commentaires que tu reçois. 
    Quand j’étais petite, j’allais dans une école de fille et on jouait à la balle au mur, au ballon prisonnier, à la corde à sauter… Tous ces jeux sont moins répandus de nos jours et c’est bien dommage!
    Je mettrai bientôt une vieille photo de classe dans mon blog d’instit avec l’uniforme et tout et tout…
    Bonne nuit!

  14. J’avais bien aimé ce livre, mais j’aime bien aussi ton écriture, ta façon d’amener le sujet, ça donne envie.

  15. J’ai beaucoup aimé ce livre, plein de douce nostalgie, et emprunt à la fois de mélancolie et de tristesse.

    • Après avoir fait un petit tour chez toi, je me dis que je suis contente de t’avoir trouvée chez moi. Merci de ta visite… et bienvenue dans la bibliothèque.

  16. Coucou du soir rigolotte ! Effectivement ça me rappelle de bons souvenirs d’enfance ce « Grand Meaulnes ». Ra la la le bon vieux temps ! Bisou du WE

  17. J’ai gravi l’escalier des articles en sens inverses! Mais cela m’a vraiment intéressée. Douce soirée Quichottine

  18. Belle rencontre, cette école d’Epineuil, d’une part à cause du Grand Meaulnes, et d’autre part, parce que Montluçon, au secours 😉

    Effectivement, une classe de cette époque ne ressemblerait guère aux nôtres. La classe unique était la règle dans les campagnes mais pourquoi ne verrait-on pas ça comme une mutualisation des connaissances ? En lisant ton billet, Quichottine, on sent l’odeur de l’encre et on entend le bruit de la craie. Brrr 😉

  19. C’est génial de découvrir ton article ce matin car l’autre jour j’ai pensé à ce livre, « Le Grand Meaulnes », me disant que j’aimerais bien le relire un jour ou l’autre …
    Et me voilà ici, à lire ce petit billet plein de nostalgie et de tendresse.
    Merci Quichottine.
    Bises,

    • De rien Muad… Tu vois, j’ai adoré la visite que j’ai faite là-bas… je voudrais pouvoir tout raconter !

      Bonne journée, Muad

  20. Ah,Le grand Meaules, toute une époque. Tant de souvenirs que tu me permets de retrouver. Alain Fournier vu par Quichottine : j’aime bien. Bonne journée à toi en ce samedi matin. Bises. Chana

  21. Bonjour, de passage chez Clerval, je te découvre … avec beaucup de plaisir, je reviendrais lire d’une manière plus tranquille (les enfants galopent autour de moi !) .. à bientôt

    • Bienvenue, Plume ! Bonne journée à toi aussi… profite bien de tes enfants, ils grandissent trop vite !

  22. « …bien se tenir, ne pas jurer, ne pas cracher »… et pour les petits bretons: interdiction de parler breton… Comment faire quand on ne parle pas français?…
    Le grand Meaulnes… un livre à relire effectivement. Merci de le rappeler à notre souvenir. Bonne journée.

    • On se débrouille je crois… Mais c’était dur ! Tu sais, il arrive qu’on ressente la même chose quand on arrive dans un pays dont on ne sait rien et qu’il faut tout de même se faire comprendre. La seule façon de s’en sortir : écouter, essayer de comprendre et retenir le plus possible, très vite, tout ce dont on a besoin !

      Bon après-midi, Eolina !

  23. Le Grand Meaulnes…une belle histoire d’amitié dans un cadre féerique.
    Et que dire du sort parfois « enviable « et souvent délicat à vivre des enfants d’instituteurs…cela confère un statut bien particulier qui isole parfois des autres. Je le sais.
    Et ces petites écoles au charme désuet …je connais aussi .
    Merci Quichottine pour cette belle évocation .
    Bonne journée, bisous .

    • Oui… ces enfants ne sont pas toujours aussi heureux dans ce rôle… je le sais aussi.

      J’avais envie d’en parler… maintenant, il faudra aussi que je vous en montre un peu plus… Moi, j’ai beaucoup aimé !

      (et mon récit doit beaucoup à une certaine maîtresse… Merci à cette passionnée qui a si bien su partager avec nous ses découvertes !)

  24. Hihi! Dans ta réponse à Siratus, il manque aussi un « à ».  😉
    Et oui, tu vois j’ai soif de te lire jusque dans les commentaires!

    Bon week-end Quichot’
    Bisous

    • Quand je te disais que mes « à » me fuyaient… !!!
      Celui-là, je vais le laisser s’échapper. Je sais que Siratus ne m’en voudra pas… et puis je dois dire qu’en lisant ton commentaire, j’ai ri aussi !

      Tu sais, je suis contente que mes réponses servent aussi !

      Bon WE, Cali-nous… un grand merci à toi !

  25. Hihi! Dans ta réponse à Siratus, il manque aussi un « à ».  😉
    Et oui, tu vois j’ai soif de te lire jusque dans les commentaires!

    Bon week-end Quichot’
    Bisous

  26. je pense qu’il y a encore des endroits ou ce trio notable est encore considéré ainsi ..enfin j’en connais moi-même encore ..mais bien sur celà se perd …quant aux pratiques d’autrefois en ce qui cncerne l’école si c’est pour devenir alain fournier et si c’est pour garder ces valeurs peut etre devraient-ils ces messieurs et dames ministres se pencher un peu plus dessus pour les faire rentrer à l’école et dans les foyers …non ? 
    bon week end a bientot /IRIS

  27. Bonsoir Quichottine, si tu savais ce que représente le Grand Maulnes pour moi.. j’ai connu l’école des filles… les garçons nous avions à peine le droit de leur parler… mais l’odeur des bureaux de bois, de la craie, des livres entourés d’un ruban que l’on recevaient à la remise de prix.. l’odeur de notre enfance.. quoi.. mais Ce livre si attachant devrait être lu dans les écoles… mais ils ne savent pas qui est Alain Fournier.. Merci à toi mais j’aimerais beaucoup que tu nous parles de ce qu’à raconter la maîtresse.
    Quelle belle façon de reconter.. un vrai plaisir.;
    bisous
    chantal

    • Il y a tant de livres qui devraient être lus dans les écoles… Mais je suis d’accord avec toi. Celui-là sans nul doute devrait l’être !

      Ce qu’a raconté la maîtresse ? Mais si je dis tout, plus personne n’aura à y aller ! … j’ai déjà beaucoup montré… Or, il faut y aller, pour l’écouter, justement, parce qu’elle est vraiment merveilleuse !

      Chantal. Passe une belle soirée.

  28. Coucou Quichottine, en parcourant ton blog au hasard et cette rubrique des livres lus, j’ai eu envie de me replonger dans cette ambiance particulière du roman d’Alain Fournier.
    Tu vois, dans mon souvenir, il y avait une photo de l’intérieur de sa maison mais c’était peut être dans un autre article.
    Je te souhaite une très agréable soirée.
    Gros bisous,

    • Tu as raison, Muad… Tu connais bien la bibliothèque.

      Dans l’article suivant, tu as un lien vers la page que je faite avec les photos de l’école du Grand Meaulnes.

      Merci, d’avoir visité ce billet, il faut que je supprime les liens, les sites que j’indiquais ont disparu.

      Gros bisous et bonne nuit…

  29. Me voilà d’un seul coup plongée dans mon adolescence. J’ai beaucoup aimé ce livre où certains passages m’ont donné beaucoup d’émotion. Bises Quichottine