Il y a bien longtemps que je vous ai promis la suite… et j’ai laissé mon héros préféré quitter tout seul l’auberge qu’il avait prise pour un château…
Aujourd’hui, il fait gris, mais derrière le vitrail qui éclaire en douceur le recoin préféré de ma bibliothèque, il fait un peu meilleur. Alors, je reprends mon grand livre d’images et je vais poursuivre mon récit.
Don Quichotte rentre chez lui. Il doit y compléter son maigre bagage et trouver de l’argent et des chemises de rechange. Il est tout guilleret, souvenez-vous ! Il vient d’être armé chevalier et plus rien ne pourra donc lui résister désormais.
C’était environ l’aube du jour quand don Quichotte sortit de la taverne, si content, si gaillard et si réjoui de se voir faire chevalier que la joie lui sortait par les sangles de son cheval ; mais, se remettant en mémoire les conseils de son hôte touchant les préparatifs si nécessaires de ce qu’il devait porter avec soi, spécialement de l’argent et des chemises, il s’en résolut de s’en retourner à sa maison et s’accommoder de tout, et par même moyen d’un écuyer, faisant état de prendre un laboureur son voisin, qui était pauvre et avait des enfants, mais fort à propos pour l’office d’écuyer de chevalier. En cette pensée, il guida Rossinante vers son village, qui, sentant presque son écurie, commença à cheminer de si bonne volonté qu’il semblait qu’il ne mît pas le pied à terre.
Je pourrais broder sur cette image, me demander pourquoi ce laboureur, présenté comme « pauvre et (ayant) des enfants » sera parfait pour le rôle d’écuyer que notre héros lui destine. Je voudrais savoir dessiner pour croquer cet homme qui chevauche une haridelle tellement heureuse de retrouver son écurie que ses sabots ne touchent plus le sol… mais comment représenter la joie qui transpire de l’ensemble, même « par les sangles de son cheval » ?
Mais Cervantès ne le souhaite pas. A peine a-t-il franchi quelques lieues, le voici devant ce qui pourrait être un nouveau choix : « entrer ou ne pas entrer dans la forêt ?« .
Le héros n’a pas le choix, il rend grâce au ciel de lui proposer si vite de quoi montrer sa valeur. Il se rue vers les cris qu’il a entendus.
Gustave Doré a fort bien illustré la scène… Je n’ai donc pas besoin de la décrire. Don Quichotte interprète les faits à sa façon. Il ne se demande pas si la punition est méritée, si le jeune homme est oui ou non un infâme garnement, si le laboureur est un maître floué ou un affreux tortionnaire. Il a tranché en la faveur de celui qui était dans la plus mauvaise posture.
Infâme vilain ! dit don Quichotte ; par le soleil qui nous éclaire, je suis sur le point de vous percer de part en part avec cette lance. Payez-le sur l’heure sans plus de réplique, ou bien, par le Dieu qui nous régit, je vous châtierai et vous anéantirai sur le champ. Déliez-le promptement.
Qu’auriez-vous fait à la place du laboureur ? Il délie le garçon et attend bien gentiment que le chevalier soit parti pour reprendre l’action :
Le laboureur le suivit des yeux, et quand il vit qu’il avait dépassé le bois et ne paraissait plus, il se retourna vers son valet André et lui dit : « Venez çà, mon fils, je veux vous payer ce que je vous dois, suivant ce que ce défaiseur de torts m’a commandé. »
Le passage du chevalier n’a servi à rien, si ce n’est à décupler la colère du laboureur qui roue de coups André avant de lui rendre la liberté.
Mais enfin il le délia et lui donna congé d’aller chercher son juge, afin qu’il exécuta la sentence prononcée. André se départit quelque peu mal content, jurant d’aller chercher le valeureux don Quichotte de la Manche, et de lui raconter de point en point ce qui s’était passé, et qu’il lui ferait payer au centuple ; mais, nonobstant cela, partit en pleurant, et son maître demeura riant. Voilà comment le valeureux don Quichotte défit ce tort, très content de ce qui était arrivé.
Les coups, donnés ou reçus sont un des artifices du rire dans le théâtre de Guignol, dans les histoires que nous content les clowns de nos spectacles enfantins… Don Quichotte ignore tout de la correction que vient de recevoir André. Il est sur un nuage, très loin de la réalité. Il y a rejoint Dulcinée, la Dame de ses pensées. Il lui dédie ce qu’il croit être une victoire, car c’est ainsi que doit faire un chevalier errant, vous savez bien !
C’est alors qu’il rencontre une troupe de marchands. Il veut les contraindre à se plier à son rêve.
« Que tout le monde s’arrête, si tout le monde ne confesse qu’il n’y a pas en tout l’univers plus belle damoiselle que l’impératrice de la Manche, la non pareille Dulcinée du Toboso. »
Il veut que tous se rangent à son avis, sans la connaître… faute de quoi il les défiera en combat singulier… ou non. Don Quichotte sait qu’ils peuvent l’assaillir tous ensemble mais il reste confiant, il a « la raison de (son) côté« .
Mais le destin, lui, ne l’est pas. Rossinante tombe et met donc son cavalier à la merci de ses agresseurs. Les valets brisent sa lance et don Quichotte est roué de coups à son tour… pour la première fois de notre histoire. Il ne peut plus se lever, l’armure est bien lourde et il est tout moulu. C’est grâce à un laboureur qui passant par là le reconnaît qu’il peut rentrer chez lui, juché sur l’âne qu’il chevauchait.
Don Quichotte était sorti au petit matin rappelez-vous, par la petite porte de la basse-cour. Il va rentrer à la nuit tombée, parce que le laboureur est inquiet.
(…) ils arrivèrent à leur domicile à l’heure que la nuit approchait ; mais le laboureur attendit qu’il fit un peu plus noir, afin que l’on ne vît point ce pauvre froissé gentilhomme en si mauvais équipage.
Don Quichotte est donc rentré chez lui… mais que va-t-il y trouver ?
Vous le saurez… un autre jour,
Don Quichotte est comme de nombreux livres,
il se savoure, au jour le jour !
Cette épisode nous donne, en suivant ta lecture, deux facettes de DonQuichotte…
La première, la redresseur de tord idéaliste, et surtout « crédule »…
Perdu dans son monde « d’honneur », il ne perçoit pas combien l’engagement pris par le laboureur l’engage à peu…
Il Croit…
La seconde, l’éternel amoureux qui ne peut imaginer qu’on puisse manquer de respect à une dame et surtout à sa Dame…
Il aime…
Et en fin de compte, pour nous qui le regardons avancer,
il Rêve…
Croire en l’amour, aimer… c’est peut-être cela, rêver !
Il croit en lui aussi, en la possibilité de changer le monde qui l’entoure, et moi, je suis persuadée qu’il le voyait comme il était dans la réalité et que seuls ses mots avaient, effectivement, ce pouvoir.
C’est mon rêve à moi, je crois en lui.
Il est bien naif le pauvre Don Quichotte pour un chevalier. Bonne journée à toi.
En l’occurence, oui.
Mais il arrive aussi qu’il ne le soit pas.
Bonne journée à toi aussi, Solange… et pardon d’avoir mis tant de temps à te répondre. Merci de tes visites fidèles…
smack
Parfois, je me demande si je ne préfère pas lire don Quichotte commenté que l’original …
Mais, chut, sacrilège …
Bisou-sourire
Non, pas de sacrilège…
Je me demande si ce que j’aime, ce n’est pas le temps passé avec une autre qui m’expliquais alors ce que je ne comprenais pas.
Chut, c’est un secret…
Bisous sourire pour toi aussi.
Je commence à comprendre un peu mieux la « psychologie » de Don Quichotte qui paraît naïf à première lecture. En réalité, il est à la fois rêveur et lucide.
Bises et bonne nuit, Quichottine !
Martine
C’est un rêveur qui sait qu’il rêve… je crois que c’est ce que nous sommes aussi ici.
Merci !
Passe une bonne soirée. Je t’embrasse.
si, ton pauvre laboureur chavauche une haridelle, cela me semble normal qu’il transpire, et qu’il ait des enfants…en ce temps lointain : la pillule n’existait pas… j’adore tes commentaires… Donc, quand Don Qui Rotte est arrivé chez lui, je confirme : Il trouve une haridelle les quatres pattes en l’air… bises de la nuit
Ah… c’est bien parce que c’est toi que je ne dis rien !
merçi de me guidé, pour le problème des dates, j »essayerai, mais je n’ai vraiment rien trouvé, en suivant ton conseil des jours passés à propos des FAQ…Pour l’agapante : j’en vois vraiment beaucoup au bord de mer. Cette fleur Trés courageuse, trouve vraiment le moyen de fleurir en plein courant d’air, et je n’y croyais pas. Comme quoi la nature est extraordinaire, il faut apprendre à observer, cela rendrait « l’être » plus humain, et plus respectueux.
Je suis d’accord, Pat, nous avons beaucoup à apprendre de ce qui nous entoure.
A ces redressurs de torts, perclus de bonnes intentions… Un peu comme cette grande firme de lait maternisé qui a envoyé naguère des boîtes de lait lyophilisé aux enfants d’Afrique qui n’avaient pas d’eau potable pour le reconstituer…
On continue Quich’, on continue.
Roland
Je vois que tu es là, fidèle au poste et dans tes résolutions…
Roland !
Lentement mais surement
Chi va piano… je suppose que tu connais la suite… Ne vas pas trop vite, chevalier, il faut ménager ta monture !
Bon, je plaisante… ça me fait très plaisir que tu tiennes parole…
Tu produis plus vite que je ne peux lire. Alors, plutôt que de survoler 50 articles, je préfère lire à fond un article sur 2 .
C’ est l’ apanage des doux rêveurs que de vouloir ajuster le monde à leur réalité, à leur utopie.
Les interventions de D.Q. sont plutôt « à côtè de la plaque » mais, l’ intention est tellement louable, que nul (lecteur) ne peut lui en vouloir.
Bisous sœurette et bonne journée 🙂
Merci… Ne t’en fais pas, Clo.
Cette frénésie de production ne vas pas durer…
Je reviendrai au rythme normal d’un article nouveau tous les deux jours la semaine prochaine.
Pour don Quichotte, je pense comme toi.
Bisous à toi aussi… belle journée
Il faudra que tu me racontes d’où te viens cet engouement pour Don Quichotte ! bises à toi
Je l’ai déjà raconté, je pense…
http://quichottine.over-blog.com/article-don-quichotte-le-livre-bleu-de-quichottine-49499226.html
Bises et belle journée à toi.