Caprice

Quelqu’un qui m’est très cher, même si je ne le lui montre pas toujours,  se demandait hier ce qu’auraient pensé ses parents de ce qu’il était devenu.

C’est vrai. Certains d’entre vous ne se posent pas ce genre de question. Les parents, lorsque l’on est petit, ce sont des êtres infaillibles, ils savent tout, on ne peut jamais les prendre en défaut, on ne peut jamais leur dire qu’ils ont tort

D’ailleurs, le temps se charge le plus souvent de nous montrer qu’ils avaient raison.



Mais pour d’autres… ce sera toujours une interrogation.


Qu’auraient-ils pensé de moi ?

Que m’auraient-ils dit ?
Quels conseils aurais-je pu ne pas suivre ?



Les parents, quand on est un peu moins jeune, on voudrait qu’ils ne soient pas là… et, un jour, en grandissant, en vieillissant, s’ils ne sont vraiment plus là, leur absence nous pèse plus que ne le ferait leur présence.

On a envie de les entendre, de les écouter pour une fois, on voudrait leur dire ces choses qu’on ne leur a jamais dites, on voudrait qu’ils puissent à leur tour nous confier tout ce qu’ils auraient dû nous expliquer « lorsque nous serions grands« .

Dans mon tiroir aux secrets (vous saviez que c’est le jour ?), j’ai retrouvé une page d’un journal intime….


Ce pourrait être le début d’un roman, qui sait ?

Le titre ?
Un ami me l’a suggéré,
mais je le garderai pour moi.
(Sourire…)

 

 

Il avait dix ans et moi quinze quand nos parents sont morts.
Il était le « petit » dont nous étions jaloux et moi le « chouchou » dont ils étaient jaloux, eux, les autres de la fratrie.
On lui pardonnait tout… et moi, je voulais tout.
Je piquais des colères épouvantables, qui se terminaient le plus souvent au lit, sans dessert, après une bonne raclée.

C’était comme ça, dans le temps,
les colères des enfants, on les appelait « caprices »
et il ne fallait pas les laisser passer.


Lorsque, enfin calmée, je laissais mes larmes couler, avec de grands hoquets silencieux, maman venait me border, me caressait la joue, le plus souvent sans rien dire, et elle me donnait l’oreiller salvateur que je posais sur mon ventre où la grosse boule que j’avais auparavant dans la gorge était enfin descendue.

Maman…
Vous savez ce que c’est que de dire « maman »
avec la voix d’une fillette de cinq ans ?

Ce jour-là, j’en ai voulu à mon frère… il était tout petit, bébé, et maman me l’avait donné à garder, le temps de préparer son bain.

Moi, je ne sais plus pourquoi je ne l’ai pas surveillé comme j’aurais dû le faire, je ne sais même plus ce que j’ai fait !

Lui, il est tombé par terre, et ce n’était pas la faute à Voltaire, ce n’était pas non plus dans le ruisseau, c’était là, sur le sol, et il saignait très fort.

Il est parti à l’hôpital, ce soir-là, et moi,
j’entends encore les reproches,
je sens encore sur moi les coups que je n’ai pas reçus
et que je méritais sans doute.

 

 

Souvenirs ?

 

Que deviennent les souvenirs
quand personne n’est là pour vous détromper,
quand personne ne peut vous dire
« Ce n’était pas ta faute. » ?


Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’il ne servirait à rien de faire ce soir un caprice, car, qui m’écouterait ? Au fait, est-ce pour cela que les adultes ne font pas de caprice ?

Ils n’ont personne qui viendrait leur apporter dans la nuit ce petit oreiller qui, seul, pourrait apaiser leur chagrin.

 

66 commentaires à propos de “Caprice”

  1. Malgré l’heure, très matinale aussi,, je vais te dire que tu as mis de nouveau le doigt sur…..une plaie pas trop bien guérie !
    Aie, aie, aie !!!!……la tienne semble assez guérissable, malgré tout……de la mienne, je ne sais meme pas si j’aurai, un jour, le courage d’en parler…..
    Ce dont je suis pratiquement certaine, c’est qu’on les a , le plus souvent, déçus…..n’importe quel parent reve , pour ses enfants, du mieux du mieux; et, les contenter n’est pas souvent facile..ni faisable….pour ne pas dire : impossible !

    • Oh ! Je suis désolée si je t’ai fait mal. Je n’aime pas faire mal…
      Que te dire ? Et surtout, comment me faire pardonner ?

  2. Les souvenirs d’enfance ne s’oublient pas : les bons faits de tendresse et d’amour et les mauvais faits de culpabilité…… Ces dernier on peut les garder très longtemps, trop longtemps. Bisous

    • Aucun souvenir ne s’oublie… Parfois, on croit les avoir ensevelis assez profondément, on se tranquillise… et puis ils rejaillissent, pour un mot lu, pour une image…

      Bonne journée, Martine

  3. La faute, la faute… S’il fallait  désigner un responsable, ce n’était certainement pas l’enfant de cinq ans qu’il aurait fallu choisir. M l’arbitre dit qu’il n’a pas fait faute.
    Bonne journée quichottine !

  4. Je m’en veux de tas de choses par rapport à mon frère. Quand je suis partie, il n’avait que 10 ans et je ne me suis pas aperçue qu’il avait beaucoup de peine.

    • Quand on part, on le fait pour une raison précise et il y a des milliers de raisons pour ne pas partir et dont on ne peut tenir compte.

      Belle journée à toi

  5. Je crois bien que j’ai commencé à avoir un noeud au fond de la gorge, lorsque j’ai lu, mot à mot, tes souvenirs… voilà une situation, même si différente, qui est peut être survenue chez chacun de nous. Que l’on a connu. 
    Et on a envie de l’écrire, pour mieux mesurer l’impact qu’il a eu sur nous.
    Mais je pense, que lorsqu’on est enfant, on ne peut avoir l’esprit d’un adulte pour avoir une pleine conscience des responsabilités. Nous n’avons pas encore l’expérience d’un adulte. Ce qui limite la pleine compréhension à ce niveau, et le rélègue dans le domaine de l’enfance.
    Par contre, ce qu’un enfant peut comprendre, ce sont les choses qu’on a oublié de lui dire. Ou les violences qu’il ne comprend pas toujours. Ou ses erreurs, qu’il répête de nombreuses fois, mais qu’il a du mal à ne plus les recommencer
    L’enfance a besoin du temps des adultes. Et de leur patience.
    Et lorsque nos parents partent, ou que l’un d’eux est parti pour toujours, on aimerait lui poser plein de questions. Ces questions qui nous on poursuivies durant tant d’années. Et que l’on n’a pas osé posé, parfois…
    Pas toujours simple ce qui se passe avec notre tête

    • Tu as raison, un enfant a besoin du temps de l’adulte.

      En fait, j’aime beaucoup tout ce que tu dis, cela me touche beaucoup aussi. Merci.

  6. Ton texte est très beau… très émouvant. Tu vois, Quichott’ même lorsqu’ils sont encore là, on ne se risque pas à poser cette question… par peur de les mettre dans l’embarras,  oseraient-ils vraiment nous dire la vérité… les parents placent  la barre si haute pour leurs enfants qu’il est souvent difficile de l’atteindre. Que ta journée soit belle et je pense que la personne qui a suscité cet article passera également une agréable journée après t’avoir lue.

    • Il arrive que les parents placent la barre trop haut… mais je crois qu’il faut que cette barre soit haute… je ne saurais pas expliquer pourquoi. Peut-être parce que ce qu’ils veulent pour nous nous oblige à fournir des efforts et que je crois que l’importance dépend de l’effort qu’on a fourni… je n’arrive pas à expliquer mais je pense que tu comprendras.

      Merci, Kinou.

  7. Oui Quichott’  …les parents placent la barre très haut en sachant bien que nous ne l’atteindrons pas, mais ils nous obligent  ainsi  à nous surpasser et  nous apprenons alors que dans la vie pour obtenir qqchose il faut fournir des efforts… rien n’arrive aisément…
    Bonne soirée… à plus tard 😉

    • J’étais en retard pour mon article du jour… merci d’être passée, Martine.

      Bonne journée à toi aussi

  8. J’arrive de chez Muad pour découvrir ton site … Ce texte est beau et nous plonge tous dans la nostalgie … Je me suis rendu compte en discutant avec des amis de ce qu’était une blessure d’enfant et de ce qu’elle pouvait pourrir la vie de l’adulte et c’est un thème qui me tient à coeur … Je reviendrai de temps en temps te dire bonjour … Bonne journée Quichottine !

    • Tu es la bienvenue, Bandolera. Tu pourras toujours, lorsque tu reviendras, aller voir mes anciens articles… en attendant que je revienne !

      Belle journée à toi aussi

  9. Oui, les parents peuvent parfois être agaçants, mais on ne leur dit sans doute pas suffisamment qu’on les aime.

    • Je pense qu’ils le savent, mais que, comme toujours en amour, ils aimeraient aussi qu’on le leur dise et redise encore !

  10. Parents?!
    C’est pas facile.
    Mais bien qu’on ne soit pas toujours en accord, c’ets bon de les avoir, de pouvoir aller se ressourcer..
    Enfin, …j’aimerais.

  11. Très belle histoire de souvenirs qui réveille en chacun de nous des bons et des moins bons… Bonne journée.

  12. ou lala si tu commences à nous réveiller des émotions …moi qui – n’ait besoin que d’appuyer sur le bouton ( que je cache bien) pour qu’elle démarre cette sensibilite – ou sensiblerie – comme disent ceux qui n’en auraient soi – disant – pas …
    eh oui on en a tous des questions en tous les cas moi j’en ai une et jamais je ne la poserai je n’aurai donc jamais la réponse mais c’est un choix bisous /IRIS

    • Oops ! désolée… Je ne cherche pas à vous mettre mal l’aise… et je crois sincèrement que nous avons en chacun de nous des émotions qui ne demandent que l’occasion de nous montrer que nous sommes seulement « humains »… donc, sensibles !

      Iris, passe une belle soirée…

  13. J’adore ton tiroir à secrets… vivement la prochaine fois que tu l’ouvres. Je serais par là :p

    • Je crois que tu n’es pas l’unique… mais il faut que je le ménage ! il est très vieux, tu sais, il est fragile aussi… il ne faudrait pas le briser.

  14. Très émouvant chaque fois que tu ouvres ton tiroir à secrets, Quichottine. Ici, beau début de roman !
    Les souvenirs sont avec des facettes différentes pour chaque enfant. Quand nous confrontons les notres entre frêres et soeurs (nombreux), ils ne sont jamais identiques. Nous n’avions pas le droit de faire de « caprices » non plus…
    Pourquoi culpabiliser ? Au lieu de penser « à qui la faute ? », j’essaye plutôt de me demander « quelle était la raison ? »
    A plus tard, Quichottine

  15. ton texte m’ a beaucoup émue… Un enfant de 5 ou 10 ans n’ a pas être responsa ble d’ un bébé. Excuse- moi, mais je dis NON.
    En outre, j’ ai l’ impression que nous ne nous pouvons REELLEMENT prendre conscience de notre  « adultitude «   seulement et seulement quand nos parents ne sont plus là, et ce quelque soit notre âge.
    Bisous Quichottine

  16. Ton texte m’a émue aux larmes ! Difficile d’évoquer des souvenirs avec une maman qui perd la tête peu à peu ! On est partagé entre le désir de lui dire ce qui nous a fait mal pendant l’enfance et le désir de la laisser vieillir en paix ! Mais parfois, on n’y tient plus! Alors ça sort, on ne sais pas trop comment , on se dit, c’est maintenant ou jamais ! Mais  c’est trop tard, désespérément trop tard ! J’espère de toutes mes forces que mes filles ne vivront pas cela et en même temps je me dis que de toute façon, être parents c’est être coupables !

    • Ton commentaire me touche beaucoup.. mais je ne sais pas si « être parent c’est être coupable »…

      Je vais y réfléchir…

  17. Touchant souvenir d’enfance !

    Bonne soirée …

    LIZAGRECE

  18. Tu sais Quichottine, la culpabilité de cette fillette de 5 ans s’est forgée dans les reproches qu’elle n’a pas du manquer de se faire et dans les non dits …
    Pourtant cette chute aurait pu survenir même si elle avait été plus présente à ce moment là.
    La mésaventure est arrivée à mon aîné, Antoine, j’étais pourtant là mais je l’ai vu partir en arrière, heurter le coin du mur et s’ouvrir le crâne …
    Je te raconte cette anecdote simplement pour rappeler que les parents ne sont pas infaillibles eux non plus et que lorsque le sort s’en mêle …
    Je ne suis pas forcément clair mais ce que je voulais dire c’est que l’adulte, au contraire de l’enfant, possède le recul nécessaire pour relativiser.
    Cette absence de recul de l’enfant est comme une brèche où peuvent s’engouffrer tous ces sentiments de culpabilité que tu décris si bien.
    Je t’embrasse,

    • Merci Muad… je crois que ça fait du bien de t’entendre partager un souvenir de parent. Tu es très clair…

      Passe une belle nuit…

  19. Très émouvant!
    Faute ? Non ! il n’y a pas faute !
    Je suis la drernière de toute une tribu  et souvent les aînés étaient chargés de me surveiller . J’ai honte de dire que je leur ai pourri l’existence avec mes bêtises toutes les plus incongrues les unes que les autres, jusqu’au jour où j’ai réalisé qu’ils se faisaient sermoner à cause de moi! crois moi j’étais déjà grande!
    mais j’étais une enfant exécrable!
    On me le reproche encore aujourd’hui c’est dire si j’ai pu exagérer! je pense qu’il aurait suffi qu’on m’explique au lieu de m’interdire de bouger en cas que …
    Bises Quicottine.

  20. Coucou Quichottine, Même si le métier de parent ne s’apprend pas(c’est la chose la plus difficile à réussir) la culpabilité est malheureusement souvent présente alors qu’elle ne devrait pas. La journée commence mais si j’avais lu ton article hier soir, c’est avec plaisir que je t’aurais offert un bel oreiller tout doux rien que pour toi. En tous les cas le coeur y est. Bonne journée à toi. Bises. Chana

    • La tour de Muad est magnifique… et l’escalier qu’il t’a confié très beau… merci Fancri, bon mardi à toi aussi

  21. Les coups que tu aurais du recevoir ? , m’enfin tu étais toute jeune sans doute…Même les parents font des erreurs. Bon je vais pas épiloguer, sur ma propre enfance, ni sur mes parents. Même , enfants mes soeurs et moi, on était plus adultes qu’eux lol

    C’est un très bel article, tout en pudeur. 😉

    • Merci Loralie… Tu as raison, j’aime bien ce que tu dis sur les parents ! 😉

      Passe une belle journée !

  22. Le jeu de Amstramgram m’a fait cliquer ici ….

    Je ne suis pas sûre que les adultes ne fassent pas de caprices.

    C’est moins visible, peut-être que chez les enfants ……

    Je te fais plein de bisous ma sœurette chérie.

    Et s’il te prend l’idée de faire un caprice, je t’apporterai l’ireiller salvateur 🙂

    mille bisous

    • Généralement, ils ne se roulent pas par terre…

      Je suis cependant d’accord avec toi.

      Plein de bisous pour toi aussi, ma Clo chérie. Merci pour l’oreiller… il m’arrive d’en avoir encore besoin.