6 décembre 2016

Je ne répèterai pas ce qu’il advint dans les transports… journée noire encore pour les usagers, pour ceux qui se rendaient à leur travail, quoique…

Comment passer sous silence les mots d’un jeune homme désabusé :

“Je ne suis plus crédible auprès de mon employeur !”

Un autre avait répondu d’un haussement d’épaule…

“C’est tous les jours pareil !”

Tous les jours… et même nous, qui ne faisions que nous rendre à la seconde et dernière journée de ce séminaire, nous étions partis plus tôt, espérant que cette fois le Lapin blanc ne serait pas de sortie…

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Nous fûmes en retard, bien sûr, malgré toutes les précautions prises, notre départ anticipé.

Ce jour-là, il était question de “fin de vie”, j’appréhendais, beaucoup.

Je devais me couler dans la peau de ceux qui pensent que c’est une vie, alors que je ne le crois pas.

Cependant, j’avoue que les mots des deux premiers intervenants résonnent encore en moi, comme s’ils avaient répondu à d’autres attentes dont je n’envisageais pas l’existence.

La mort est un bien grand mot, un mot qui fait peur, alors nous évitons de le prononcer, quand c’est possible.

Eux… ils parlaient de “fin de vie”, de “soins palliatifs”…

Je sais bien que je ne pourrai pas tout raconter, mais je sais que j’ai aimé leur approche, si différente.

Ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on se résume à être un corps, des analyses, une pathologie. La science a pris trop de place dans la médecine et ses applications. On a oublié l’humain, l’éthique.

Une psychologue, un médecin, tous deux sachant convaincre, apaiser, trouver les mots qu’il fallait pour dire…

Ma voisine murmura :

“Si je dois mourir, j’irai à l’hôpital Albert Schweitzer… ”

J’étais d’accord avec elle. J’avais enfin devant moi des personnes qui ne pensaient pas uniquement au protocole, aux traitements médicamenteux, qui posaient les limites en terme de “bientraitance”, et, non pas de la maltraitance mais de l’inacceptable.

Il y avait les gestes souhaitables, ceux interdits.

Il y avait de l’humain, enfin.

On prenait soin de la personne en fin de vie, mais aussi de son entourage, de sa famille…

Je les écoutais parler de ce vide qui arriverait, inexorablement, pour ceux qui pendant des années s’étaient organisés autour de la personne handicapée, des équipes aussi qui l’avaient suivie, qui s’y était attachée, même si…

Je les écoutais parler du “Répit d’équipe”…

C’était comme si tout s’éclairait enfin.

Je n’étais pas coupable de n’avoir pas su garder près de moi ma fille… il arrivait même aux spécialistes de devoir passer la main à d’autres…

Il leur arrivait d’avoir besoin de souffler, de prendre des distances ?

Moi… je n’avais pas su. Je n’avais pas pu.

Chaque jour, depuis trente-six ans, je pensais à cette enfant que je portais, même quand elle fut enfin devant moi et que, jour après jour, je dus me contenter de ce qu’elle était, impuissante devant sa maladie, ses cris… ne guettant plus que les pas qu’elle faisait en arrière alors que je la poussais en avant.

Ainsi donc, même le corps médical pouvait penser aux autres, aux parents, aux familles ?

Ça existait ?

M’étais-je enfermée dans une bulle dont les parois m’avaient rendue aveugle et sourde ?

M’étais-je tellement heurtée à une administration implacable, à des médecins imbus de leur savoir, de leur pouvoir, que j’avais généralisé sans même envisager qu’ils n’étaient pas représentatifs d’une globalité ?

La question était posée…

(À suivre)

43 commentaires à propos de “6 décembre 2016”

  1. Bonjour Quichottine, ah il fait avoir eu un enfant lourdement handicapé pour comprendre ce qu’endure les familles et l’enfant lui-même, même si on croit qu’il ne se rend compte de rien… !! Quelle malchance dans la vie pour les uns et les autres, alors oui des soins mais aussi de la compréhension humaine et parfois envisager certaines « solutions »… merci, bises

  2. Le sujet est si complexe, à la fois personnel et comportant une dimension universelle, qu’il serait insensé de prendre position de façon définitive.
    Chacun fait comme il peut en fonction de sa charge physique et émotionnelle du moment.
    Je comprends que tu t’intéresses fort à ce sujet et que ce colloque puisse t’aider à encore mieux l’appréhender.
    Bon dimanche à toi, chère Quichottine.
    eMmA

  3. nul n’est en droit de juger une personne-
    il fait le vivre pour comprendre- il ne faut pas culpabiliser— je crois que tu culpabilises—
    non ne te gâche pas la vie- facile à dire oui je sais-
    un colloque éprouvant— comment rester sereine ?? impossible-
    ils remuent le couteau dans la plaie-
    c’est pourquoi je me demande si c’est bon d’y assister-
    je t’embrase-

  4. Cette deuxième journée a dû être à la fois particulièrement difficile sur le plan de l’émotion et enrichissante par le partage d’expériences. Bisous

  5. Coucou Quichottine,
    Un texte très fort que tu partages avec nous et que je comprends parfaitement bien.
    C’est tellement réconfortant de rencontrer de telles personnes avec cette vision des choses. Je suis vraiment contente que cela ait pu t’apporter ce réconfort.
    J’ai accompagné ma Maman ce 26 octobre dernier dans ses derniers instants, et je ressens également les choses de cette manière. C’est fantastique quand on la la chance d’avoir auprès de soi une équipe formidable.
    Je t’embrasse.

  6. Je suis heureuse que les rencontres que tu as faites au cours de ce colloque aient pu un peu t’apaiser et te déculpabiliser…Je t’embrasse très fort

  7. Certes ma Quichottine, la question reste posée.
    Au risque de te choquer, comme j’ai pu te l’expliquer pour le cas de l’un de mes proches, très handicapé, qui a gardé toute sa tête, je sais très bien qu’il n’acceptera pas de devenir un légume et prendra la décision qui s’impose, « quitter ce monde » avant d’intégrer une structure spécialisée.
    C’est aussi la question qui se pose aux familles qui se retrouvent avec des proches ayant passé ce cap et devant survivre malgré les protocoles et les soins palliatifs mis en place par la médecine. Une question d’éthique pas facile à trancher en France, alors que d’autres pays européens, plus précurseurs, autorisent d’abréger les souffrances pour des cas irrémédiables.
    Ne m’en veux pas, mais c’est un sujet trop grave, et je ne peux m’empêcher de réagir en exposant franchement mon sentiment.
    Néanmoins, je sais que tu as du courage et que ces 36 ans sont vécus comme un calvaire !
    Je t’embrasse affectueusement ma douce amie.

  8. Bonjour Quichottine,
    enfin des mots, des paroles de réconfort venant d’une équipe qui a su vous entourer. Il ne faut pas culpabiliser, Quichottine. Tu as porté ton enfant et tu la soutiens encore. Ces épreuves sont si dures pour une maman, car c’est la pire des choses que de voir son enfant ainsi. Ce colloque a dû t’apporter beaucoup. Je pense beaucoup à toi et t’embrasse bien affectueusement. A bientôt

  9. Ma douce Quichottine..arriver à l heure avec la Sncf Est un mot qui devrait sortir du vocabulaire. Une journée bien éprouvante pour vous sans doute enrichissante mais qui je pense t oblige à te culpabiliser..ce qu il ne faut absolument pas faire (facile à dire….). Mais cela t a ouvert des portes…
    Pour ma part quand l heure sera venue j espère pouvoir le décider.
    Toute mon amitié et mes meilleures pensées avec de gros bisous. Chatou

  10. Au début une maman culpabilise à fond mais si elle trouve les bonnes personnes sur sa route cela s’arrange. Certes l’enfant quelque part reste un « fardeau » au cœur et le jour de son départ pose encore quelques questions et, là aussi il faut qu’il y ait les bonnes personnes.
    Ce colloque a du être passionnant, ouvrir des portes… démontrer d’autres aspects.
    Amicalement à toi.

  11. J’espère que tu as pu trouver des réponses à tes questions Quichottine.
    Aucune mère n’est responsable du handicap de son enfant, il est parfois impossible de s’occuper d’une personne ayant un lourd handicap, je connais des aidants familiaux qui malgré toute leur bonne volonté et l’amour qu’ils avaient pour leur proche ont été dans l’obligation de mettre leur proche dans un centre.
    Tu as eu de la chance de rencontrer des médecins et des soignants qui savent visiblement ce qu’est le respect de la personne mais crois-moi, je viens d’en faire encore l’amère expérience, c’est de plus en plus rare.
    Bon dimanche
    Bises

  12. …au début de ma carrière de soignante et malgré le fait d’avoir une soeur handicapée, j’avais la vision du « fardeau »qu’il fallait porter toute une vie. J’avais un tas d’idées préconçues: pas de réanimation à outrance, choix de sa fin de vie etc… et puis, j’ai beaucoup appris au contact des familles, des collègues de travail et des malades eux-mêmes. Il faut accompagner la vie jusqu’au bout dans le respect de chacun(e).
    Gros bisous de Mireille du Sablon

  13. Quichottine pourquoi souffrir autant et s’être si longtemps heurtée à cette muraille inflexible alors qu’il existe quelques personnes intégrant l’humain dans leurs rapports… toute la question est posée et c’est bien d’avoir enfin pour toi trouvé une approche pour tenter d’aprivoiser ta souffrance.
    Je t’embrasse chaleureusement

  14. heureusement qu’il existe (encore) des personnes qui pensent à l’humain avant les « gros sous » et
    « les règles ou autres !  » au moins j’espère que cela vous a un peu aidés à continuer peut-être différemment, de tout coeur avec toi et eux !
    bisous, MIAOU !!!!

  15. Ma meilleure amie a donné naissance à un enfant handicapé à cent pour cent. J’ai suivi ses difficultés, ses souffrances, c’est assez tôt qu’elle a confié son enfant dans un hôpital spécialisé où il a vécu vingt ans, le mieux entouré possible car les soins médicaux étaient importants. Elle ne regretta pas d’avoir fait ce choix, Nicolas était bien soigné. Elle et son mari sont juste partis vivre près de lui, près de Toulouse. Elle ne m’a jamais parlé de culpabilité.
    Cette réflexion sur ce sujet est très intéressante. Etre accompagné pour ce voyage … c’est tellement important.
    A bientôt pour la suite …
    Gros gros bisous

  16. Quand la peur, l’angoisse, la colère, la révolte, le désespoir, l’anéantissement dépassent tous les mots existants, il y aura sur notre chemin des personnes qui comprendront notre désarroi et qui en prendront une partie; tu les a rencontrées Quichottine , tu les as entendues.

  17. La médecine ! J’ai beaucoup à dire aussi !
    Je me souviens avoir rendu la dernière visite à mon Papa, en phase terminale
    Rencontrant le chirurgien qui s’occupait de lui, je lui demandait de tout arrêter, je me suis faite incendier. Non ! Je ne demandais pas l’euthanasie, mais l’arrêt des médication qui tentaient de sauver un homme pour qui plus rien n’était tentable, ma sœur et moi demandions qu’il parte dans la dignité, si tant est qu’il lui en restait encore, nous lui demandions d’arrêter l’acharnement médical. Le combat n’a pas été simple, il y avait sans doute encore de l’agent à gratter sur le dos du contribuable.
    Heureusement que dans cette médecine il y a des personne qui sont humaines avant d’être médecin, j’aurais aimer en rencontrer une …
    Je t’embrasse

  18. Les équipes de soins palliatifs sont formidables, et font passer l’humain avant le reste, autant pour le soigné que pour les familles, et sont à l’écoute des souffrances.
    Mais hélas, il en existe encore bien trop peu.
    J’espère que leurs mots t’ont réconforté. Tu as surement fait tout ce que tu as pu pour ton enfant.
    Bisous et bonne soirée

  19. Bonsoir Quichottine
    Je t’accompagne le long de ces lignes…. et je me tais.
    je t’embrasse fort
    Dany

  20. Tu ne dois surtout pas culpabiliser, tu fais ce que tu peux, personne n’est en droit de juger qui que ce soit.
    Il y a des équipes extraordinaires, qui savent entourées patient et famile. Je viens de perdre mon Papa qui est resté 3 semaines en soins palliatifs, ce n’était que douceur autour de lui et de nous.
    Le handicap doit être très difficile à vivre au quotidien, je pense fort à toi, à toutes tes épreuves, j’espère de tout coeur que ce symposium t’aura apporté de la sérénité.
    Je t’embrasse
    Danièle

  21. Il y a toujours possibilité de se trouver sur le chemin de personnes qui savent faire naître le positif…

  22. Tu sembles avoir trouvé une réponse. Est l’essentiel est là…

  23. Si ton âme et ton coeur ont trouvé un écho dans ce qui s’est dit, alors je suis heureuse pour toi. Puisse-t-il en avoir été de même pour d’autres. Finiras-tu par de délester des selles de plomb de la culpabilité que tu t’es forgée ? Je t’embrasse, amie.

  24. Bonsoir Quichottine
    Très gros dilemme j’en conviens et c’est à chacun de faire de son mieux et pour la personne handicapée et pour les familles …
    Heureusement qu’il y a des equipes medicales formées pour ça ..
    Gros bisous ma douce Quichottine

  25. J’espère que ce séminaire t’a apporté quelque réconfort . Tout ce que tu dis résonne fort en moi .
    Douces pensées .

  26. Il y a encore des personnes qui savent tout donner en exerçant leur travail et ça, c’est réconfortant.
    Ce séminaire semble t’avoir fait du bien et mis un peu de baume sur tes blessures …
    Merci de partager.
    Bon début de semaine dans la grisaille complète !
    Bisoux doux, ma quichottine

  27. Je ne souhaite qu’une chose : que ce séminaire ait pansé un peu tes blessures… Remettre l’humain à sa juste place, enfin… Bisous doux.

  28. Je suis heureuse que tu aies trouvé un certain réconfort lors de ce colloque qui, je le vois bien, a été très éprouvant pour toi, pour ton époux et toutes les familles présentes. C’est bien de voir que des équipes médicales peuvent parler autrement aux familles meurtries et leur apporter sinon des réponses au moins des solutions multiples qu’ils pourront envisager sereinement le moment venu. Je crois que les médecins s’éloignent de l’humain quand ils se blindent car sinon, comment feraient-ils pour vivre eux-aussi en voyant autant de détresse humaine (je ne les défends pas, je cherche juste à comprendre). Je pense bien à toi et je t’embrasse

  29. J’espère que ce cologue t’aura apporté la paix intérieure.
    Je dis toujours on plaint les malades c’est bien, mais il faut penser à la personne qui accompagne,
    elle souffre autant et n’a pas beaucoup de reconnaissance.
    Je pense que par ce cologue tu as pu trouver cette reconnaissance qui nous aide à avancer.
    Je ne peux te dire que , que je suis de tout coeur avec toi, j’admire ton courage.
    Je suis fière de te connaitre.
    Je t’embrasse très fort
    Maryse

  30. Trouver des soignants qui considèrent un malade comme un être humain, c’est inespéré. je ne pense pas que ce soit la majorité ,hélas.Mais lorsqu’on en trouve, c’est une chance.
    Je pense que cela t’a fait du bien d’entendre ces personnes car tu vis cela au quotidien.
    Le » vide « de l’après, je l’ai connu ,après avoir soigné , avec des aides ,mon mari à domicile ,pendent 10 ans et cela me parle.
    Tu ne dois pas avoir de regrets ,ni de remords: tu n’aurais pas tenu si tu n’avais pas placé
    ta fille . Je t’embrasse fort

  31. Les soignants sont aussi des humains même si certains l’ont oublié à force d’acharnement et de la peur de l’échec, un échec irrémédiable puisque c’est la mort. Pour nos sociétés de plus en plus techniques, de plus en plus technologiques à la recherche de la vie éternelle (élixirs en tout genre, crèmes miraculeuses, opérations pour l’apparente jeunesse, échange de morceaux de corps, robotisation…) le spirituel c’est la sorcellerie et l’Humain (et sa fameuse âme) disparaît alors que dans le même temps les animaux et les végétaux se voient reconnaître des capacités et des qualités supérieures. Il est des hommes et des femmes qui reconnaissent humblement leur Humanité et leur impuissance face à l’inéluctable et alors ne reste plus que la solution palliative d’accompagner la fin de vie pour la rendre aussi digne que possible.
    Toutes les statistiques (aïe LE mot est lâché) montrent que les soignants et aidants sont les premiers à souffrir de leur situation, voire même mourir d’épuisement, « mourir d’aimer » en somme. Alors toute aide est la bienvenue, c’est même une question de survie pour les aidants.
    Bon courage à vous

  32. C’est dit avec tant de pudeur, chacun porte sa croix mais celle là et bien lourde Quichottine. je me tais car toute parole est bien maladroite…
    Je t’embrasse

  33. Des moments difficiles mais adoucis si on se sent écouté et compris
    Je te souhaite une belle soirée Quichottine

  34. Ce genre de séminaire donne beaucoup de clés. J’ai eu la chance de suivre une session sur la fin de vie et les soins palliatifs, cloturé par un film tourné auprès d’une dame qui était en échappement thérapeutique et avait décidé de cesser tout traitement. Une journée extraordinaire de richesse et de partage. Cette journée d’information m’avait remuée mais donné aussi beaucoup d’énergie. Je comprends que tu aies pu entendre des propos constructifs et tangibles qui auront pu élargir ton chemin. Gros bisous

  35. Ce sont des moments si difficiles que l’on se renferme sur soi même, sans même imaginer qu’il y a des gens, soignants ou autres qui peuvent aider, et pourtant, oui, ils sont là, ceux qui aident en fin de vie, mais pas seulement ceux qui aident tous ceux qui ont un handicap, moteur ou cérébral. Et je pense plus particulièrement à Jean Vanier, fondateur de l’Arche, dont j’ai déjà lu tant de livres et que j’aimerai un jour rencontrer!! Il place la « personne » au centre de la vie, et il l’aime!
    Je pense fort à toi…. Ces moments ont dû être des moments fots d’écoute, de recueillement, de partage peut-être….

  36. Pour mon père, en février 2011, j’ai dû assister à la réunion des médecins et soignants pour préparer sa fin de vie. J’étais seule avec mon mari, je représentais mon frère et mes 3 soeurs. Il a bien fallu se préparer et surtout décider. Bonne soirée. Bisous.