Parenthèse sous-marine, avec Siratus

Je me suis souvent demandé ce qu’il se passait loin, très loin, dans les profondeurs de l’océan.

Y avait-il, là-bas aussi, un petit lutin bleu capable de mille facéties autant que de prodiges ?

Je sais bien que je n’irai jamais, car, à ma grande honte, ou plutôt à mon grand regret, je ne sais pas nager, je n’ai pas d’ouïes ou de pieds palmés.

Il me serait donc impossible d’aller vérifier si tout ce que dit mon amie Siratus est vrai.

Je ne peux que la croire, sur paroles et images : elle sait trouver pour nous des merveilles, là où nul d’entre nous n’est jamais allé.

Aujourd’hui, pourtant, pour Cricri et tous ceux et celles qui sont dans la peine, qui souffrent et qui essaient malgré tout de sourire à ceux qui les entourent, je me suis décidée et j’ai rejoint mon Amielle* près de Siquijor, l’île au sorcières, où même les sirènes dansent à la nuit tombée.

080413_Siquijor_Siratus

Vous venez ?

Je ne doute pas que certains plongeront avec délice dans cette eau magnifique…. Il fait si chaud !

Moi, je suis sur la plage, je reprends inlassablement la construction de mon château de sable, à chaque marée dévasté.

Je le construis comme je le rêve, mais ça, vous le savez déjà. 🙂

Je le construis et je rêve, à ce tout petit lutin que j’ai aperçu un jour, émergeant à peine d’un sommeil tranquille… Là-bas, il sait qu’il ne craint rien. Il vaut mieux ne pas le croiser, et surtout ne pas lui faire peur car sa piqûre alors est mortelle.

© Siratus, 2015, Poulpe à anneaux bleus
© Siratus, 2015, Poulpe à anneaux bleus

Il s’éveillait à peine, tous les sens en alerte. Il avait entendu du bruit.

Une petite nudibranche se rebellait.

© Siratus, 2015, Trapania Naeva
© Siratus, 2015, Trapania Naeva

– Je ne veux pas, moi, rester toujours là, collée ! J’ai envie de voir la vraie vie, moi, je veux être libre, moi ! Je suis forte, moi, déjà grande…

– C’est ça… Tu vas ajouter que tu es aussi grande que moi ? Mais regarde-toi !

– Pas aussi grande que toi, non… mais presque. Bientôt je te dépasserai, tu verras ! Et puis… je suis courageuse, moi, je ne crains rien du tout !

– Tu ne crains rien… Allez, tu me fais penser à la petite chèvre de Monsieur Seguin… Tu te souviens ? Je t’ai raconté son histoire un million de fois !

– Pas vrai ! Pas un million de fois… je ne suis pas encore assez grande pour ça !

– Tu vois bien ! Quand ce sera le cas, tu pourras t’en aller… et encore, pas trop loin !

La petite nudibranche bougonnait, pas dans sa barbe, non, mais elle s’agitait tant et plus, tirait pour se défaire de la “presque main” qui la maintenait.

Un coquillage les interpella, il faisait de gros yeux, il était furieux d’être ainsi dérangé à l’heure de sa sieste.

© Siratus, 2015, Conus
© Siratus, 2015, Conus

– Vous n’avez pas honte de faire autant de bruit ? Par toutes les sirènes et les tritons de notre monde, il ne mérite plus le titre de Monde du Silence qu’on lui donnait autrefois ! Si vous, les nudibranches, vous vous y mettez aussi, rien ne sera plus comme avant !

– Mais…

– Taisez-vous ! Et laissez-moi dormir en paix ! Vous avez brisé un très beau rêve où je rencontrais un magnifique Bénitier géant ! Nous montions un orchestre…

– Un orchestre ? Mais vous auriez donc fait du bruit aussi ?

– Il suffit ! Vous ne méritez pas mon attention ! Filez, avant que je ne me plaigne à Poséidon !

Pendant l’altercation, notre petite nudibranche s’était échappée, souple et rapide, silencieuse, comme elles le sont toutes quand elles n’ont rien à dire, quand elles sont occupées.

Elle fit en chemin de nombreuses rencontres, amicales pour la plupart.

Elle posait toujours la même question :

– Connaissez-vous le Lutin bleu ?

© Siratus, 2015, Trapania Naeva et éponge
© Siratus, 2015, Trapania Naeva et éponge

– Le Lutin bleu ? Non, je ne connais pas le Lutin bleu… Essaie plus loin, murmura une éponge, attendrie par le joli minois de son interlocutrice.

Mais plus la nudibranche s’éloignait, plus elle ressentait en elle quelque chose d’étrangement dérangeant.

Un sentiment diffus… un questionnement de plus en plus insistant.

– Existe-t-il vraiment, ce petit Lutin bleu dont on dit tant de choses ?

Elle avait beau persister dans sa foi, son envie de l’avoir face à elle, elle ne pouvait pas résister à la tristesse qui l’envahissait quand elle pensait aux siens.

– Papa, maman… vous reverrai-je un jour prochain ? Le Lutin bleu existe-t-il ailleurs que dans nos rêves ? Les réalise-t-il sans savoir qui nous sommes, qui les garde au plus profond de soi, comme un espoir, une attente, un brouillon à recopier ?

Et soudain, sans qu’elle sache comment, alors que de grosses larmes jaillissaient de ses yeux gonflés, sa famille fut là, comme toujours, attentive… et tendre, si tendre !

Quelque part, pas très loin, un petit Lutin bleu regardait fièrement trois petits dalmatiens de l’océan danser ensemble gaiement le retour de l’enfant prodigue.

© Siratus, 2015, la famille Trapania Raeva
© Siratus, 2015, la famille Trapania Naeva

© Quichottine, Juillet 2015 pour le texte
© Siratus pour les images

* Amielle : vocable quichottinien, nom propre réservé à Siratus, amie et jumelle de Quichottine.

Merci à Siratus qui m’a donné la possibilité d’écrire ce conte en m’offrant ses images.

Passez une douce journée.

45 commentaires à propos de “Parenthèse sous-marine, avec Siratus”

  1. Vous faites un couple d’amielles absolument divines. Quel merveilleux dépaysement vous nous offrez-là !
    Merci.
    Bellle semaine,
    eMmA

  2. Quel joli conte marin!
    J’ai été éblouie par les photos superbes, que tu présente, ton lutin bleu fait des merveilles!
    Bises et bonne journée

  3. Voilà un joli conte marin et rafraichissant de surcroît !
    Belle journée à toi
    Amités

  4. Quel joli conte d’été ! Plein de fraîcheur et de douceur… Les images de Siratus sont exceptionnelles.
    Entre parenthèses, je sais nager mais je crains les profondeurs… J’ai tenté, il y a longtemps, le masque et le tuba mais j’étais terriblement angoissée…
    GROS BISOUS ma Quichottine et belle journée.

  5. Ce sont des créatures vraiment étranges, encore quelque chose que j’aurais adoré faire, me balader ainsi sous l’eau à la recherche de merveilles! Dans une autre vie peut-être?
    Je ne savais pas qu’il y avait aussi des lutins au fond des eaux mais ton histoire est très rafraîchissante
    bises et bonne journée

  6. Bonjour Quichottine, de petites merveilles sous-marines ce matin… vrai que la balade au fond de l’eau, c’est moins courant vais-je dire, merci à vous, bon lundi, bises de JB

  7. Un merveilleux conte et des images sublimes…Je les ai savourées avec délices car moi aussi je ne sais pas nager et j’arpente ce monde mystérieux qu’à travers films et images…

  8. une merveilleuse histoire que cette plongée virtuelle dans l’océan …
    bises et belle journée Quichottine

  9. Ton billet me touche énormément, Amielle Quichottine. Ce conte me parle tant !
    Tu as le talent d’illustrer à merveille les images de tes amis.
    Le petit poulpe à anneaux bleus m’a charmée mais pas mordue. Il est vrai que je suis très occupée, silencieuse trop loin des amis-blogs auxquels je pense si souvent. Furtivement, je leur rends visite.
    A l’occasion, je leur dis mes aventures sous-marines, la magie de mes rencontres comme celles avec la rare famille de Trapanies dalmatiennes… mais mes images et vidéos sont encore dans la soute de ma galère. Il est grand temps que je les partage sans crainte (crainte, vu mes compétences nulles en informatique) ! Merci de m’y encourager !
    Je t’embrasse très fort.

  10. Coucou Quichottine
    Quel plaisir de t’ecouter nous parler de notre amie Siratus ..
    Son monde est extraordinaire et elle en profite ..
    Merci pour ce doux partage Quichottine

    Je prends la route demain , et cela jusqu’a la fin du mois de juillet …Mamie est demandée ..
    Prends bien soin de toi
    Gros bisous

  11. C’est merveilleux, adorable !!!
    J’aime cette fin heureuse, mais en fait ce n’est pas une fin car la vie de la famille nudibranche continue, et la vie du monde marin aussi, bien heureusement.
    Les aventures de cette jeune nudibranche rebelle (ah, les ados … !) qui échappe à la  » presque main  » mater(pater)nelle me rappellent par leur symbolique l’histoire du jeune suricate Sunny parti à l’aventure par le vaste monde et écrivant à sa famille …
    Chers-Maman-et-Papa–Cartes-postales-du-suricate de Emily Gravett – Editions Kaléidoscope

    Bisous Quichottine et Siratus, pensées pour vous.

  12. Toi, tu plonges avec nous dans l’imaginaire aussi bien que Siratus le fait dans ses paradis liquides ! Quel plaisir de rester en apnée avec toi en contemplant son monde… Je vous embrasse toutes les deux. Petit rappel : Bztt a appris à nager mais n’a pas trouvé de tuba à sa taille !

  13. Des photos sublimes merci pour cette belle page Quichottine
    Je viens d’avoir un mail m’informant que ma commande était partie 🙂
    Bisous & douce journée

  14. Une petite histoire toute en tendresse avec les jolies photos de ton Amielle Siratus. J’aime tant me plonger avec elle à la découverte des trésors sous-marins. Mais sans me mouiller car, comme toi, je ne sais pas nager.
    Gros bisous et bonne fin de journée Quichottine !

  15. Je nage (assez) bien, mais je n’ai pas réussi à apprendre à (bien) plonger, sans faire des « plats » douloureux et ridicules …
    Mais que cela doit être merveilleux de faire le sous-marin pour observer les fonds … !
    LOIC

  16. J’ai adoré ce partage avec ton Amielle. Nous pensons tous à Cricri et à son mari qui sont dans une grande douleur.
    plein de bisous
    chatou

  17. Merci pour ce moment très frais, même si pour d’autres raisons (moi c’est la phobie des requins qui s’est déclenchée il y a trente ans), je reste avec toi sur la plage. Bien dommage, car ce doit être si beau en dessous.
    J’ai aimé te lire, ce fût très agréable, et au passage douces pensées à Cricri et tous ceux qui sont dans la souffrance et dans la peine.
    Bise et bonne soirée

  18. Bonheur du soir, petit régal sous marin, mais le lutin bleu sait-il nager?

  19. Quelle merveilleuse parenthèse tu nous offres là avec la complicité de cette chère Siratus. J’en redemande !
    J’avais déposé un petit mot dès midi mais, j’ai dû faire une mauvaise manipulation. Je préfère l’ordinateur à ce petit objet dont j’ai oublié le nom. Au moins, je ne suis pas coupée du monde…
    Je continue de me régaler avec « notre » merveilleux livre. Il est encore bien plus agréable que je l’imaginais, plein d’humour, de poésie, de tendresse.
    Je lui souhaite, pour les enfants, un beau succès.
    Merci et plein de bisous à partager.
    Cricri

  20. Heureusement qu’il y a des plongeurs(ses) audacieux pour nous montrer toutes ces belles images ;on découvre de drôles d’habitants dans les fonds marins!
    Un beau conte digne de la petite sirène mais qui finit mieux! Bises du soir

  21. Comme toi je préfère le bord de l’eau que les profondeurs des mers et océans… et je suis sûre que je ne serai pas la seule à tes côtés 🙂 Mais l’écume est bavarde et la nudibranche est une vraie pipelette, si amicale qu’elle a retrouvé son petit cocon familial. Un très joli conte aquatique. Gros bisous.
    PS. Le Mariage est en route vers chez moi… il ne devrait plus tarder… 😉

  22. Magnifique Quichottine, et avec la participation de Sylvie, notre cap’tain, tu ne pouvais trouver meilleur partenaire. Bravo à vous deux. Bises et bonne soirée. ZAZA

  23. Le lutin bleu sera « bleu » et « lutin » partout, je crois. Qu’elles sont belles, ces photos !

  24. Merci pour ce joli conte, avec la complicité de ton amielle.
    Bon mardi, ma chère Quichottine.
    La chaleur est toujours présente et la santé d’un ami blogeur me préoccupe …
    Bisoux tristes.

    Ƹ̵̡Ӝ̵̨̄Ʒ dom Ƹ̵̡Ӝ̵̨̄Ʒ

  25. de belles images ! Un beau conte !
    Rafaîchissant en ces heures trop chaudes
    Merci Quichottine!

  26. Un joli conte des profondeur, mais comme toi je reste sur la plage et regarder les belles photos de Siratus….Bonne et douce soirée Quichottine.

  27. Oh la la , Quichottine!! C’est MAGNIFIQUE… Ce conte en images… Quelle merveille… Elle est trop choutte cette petite nudibranche!! Et les yeux du conus… impressionnants!!
    Quel voyage enchanteur! MERCI mille fois!! 🙂 ***

  28. Un monde féerique, bien loin du mien à vrai dire et de la terre « ferme », enfin presque, moins mystérieuse, où poussent des fleurs et chantent les oiseaux, mais je comprends cet émerveillement que tu partages avec la très gente sirène, que suscitent ces fonds marins, car on doit se détacher du monde pour flotter entre deux eaux et oublier le présent qui parfois est bien lourd…
    Belle journée Quichottine

  29. Un conte qui m’enchante avec des photos extraordinaires. Merci pour ce partage. Je te souhaite une bonne journée.

  30. Bonsoir Quichottine. Merci pour ce joli conte autour de photos de Siratus. le final est particulièrement réussi !

  31. Très loin du « Monde du Silence « … »il s’éloigne, car il a entendu un bruit » , j’y crois bien, ces animaux de porcelaine ont la délicatesse de la beauté du diable si leure piqûre est mortel. Un monde que j’ignore, à part quelques expériences avec un masque et le souvenir d’un poulpe me faisant l’effet d’un Kracken ou d’un calmar géant, mettant fin à mes aspirations d’homme-grenouille pour une carrière chez Cousteau. N’en gardant que le bonnet rouge utile sur les pistes enneigées dont les monstres ne sont que Yétis et Big-foot, qui comme chacun sait sont bien inoffensifs et même empathique aux dire de Chang dans « Tintin au Tibet ». Une belle page Quichottine

  32. C’est un bien beau talent que tu as !
    L’art de raconter et d’illustrer d’exceptionnels contes.
    Par ce samedi si chaud ton conte est très agréable.. Merci !

  33. Très joli conte sur de superbes photos. Merci à vous deux. Je suis rentrée de mon périple dans le lot puis à Toulouse pour le mariage de ma Nièce. J’ai pensé au livre le jour du mariage avec un peu d’angoisse, ouf tout s’est bien passé. Bisous

  34. Bonjour Quichottine
    Un monde magnifique si coloré
    Photos et mots sont merveilles