Pseudonymes

Il me faudrait ici les mots de Nemo… ces mots que je cachais un peu sous un autre pseudo.

Qu’est-ce qu’un pseudonyme ?

Un nom que l’on se choisit, pour des raisons qu’on explicite rarement.

On peut décider de rester anonyme ou, au contraire, décider que ce pseudonyme « va » mieux que le nom qu’il faudrait porter autrement.

J’ai tant de noms dans mes possibles qu’un pseudonyme était ma seule façon de ne blesser personne.

Ma seule façon de m’extraire des différents carcans où l’on m’avait enfermée depuis trop longtemps sans risque d’être reliée à d’autres qui devraient alors se mettre en cause tout en m’y mettant moi aussi.

J’ai porté plusieurs noms et le premier fut usurpé à une famille pour laquelle je n’étais qu’une « bâtarde » de plus.

Un enfant du péché, de l’adultère, de l’abandon.

Pourtant, je portais le nom de mon père, partout : à l’école ou dans la rue, chez les amis de mon père et de ma mère… J’avais ce nom sur ma carte « famille nombreuse » de la S.N.C.F….

Comment avaient-ils fait ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas eu à changer de nom lorsqu’ils se sont mariés, légalisant un fait dont j’ignorais même l’existence et la bizarrerie.

J’étais leur fille, j’avais le nom de mon père, mes frères et sœurs aussi. J’étais enfant et je ne me posais aucune question.

Le second de mes noms s’ajouta au premier, avec un trait d’union.

Il a fait de moi l’un de ces porteurs de noms « à rallonge et à courants d’air » que d’autres regardent de travers.

J’ai aimé être entrée dans cette autre famille où je fus entourée comme je ne l’avais jamais été, choyée, un peu trop gâtée… Enfant unique, déjà « éduquée« , peut-être même « corrompue » par ceux qui m’avaient fait naître. On m’aurait appréciée davantage encore si j’avais été différente, moins rebelle, plus « conforme » à l’idée qu’ils avaient construite de ce que serait « leur enfant« .

Ils n’en avaient pas eu… et moi, j’avais seize ans.

Pourtant, ce nom second, je l’ai fait mien ; je l’ai raccourci parfois pour éviter les regards un peu étonnés et peut-être jaloux.

En quoi étais-je responsable de ce lourd héritage. J’étais désormais « née« … sans toutefois comprendre ou envier ceux qui l’étaient de naissance.

C’était bien trop compliqué. Cela exigeait de me fondre dans un nouveau moule. D’apprendre de nouvelles règles, un certain « savoir vivre » à défaut de « savoir être« .

Mon second père était l’être le plus merveilleux que j’aie jamais connu. Mais il faudrait des heures pour vous le raconter.

Aussi, lorsque je « raccourcissais » mon nom, que je l’abrégeais, je ne gardais qu’une partie du sien, celui qui me donnait des envies de voyages et qui datait des croisades.

Mais le temps vint trop vite des interrogations.

Qui étais-je vraiment ?

Mon premier livre, je l’ai signé de mon nom d’enfant… et, ce faisant, j’ai vu trop tard à quel point j’avais été « ingrate » envers ma seconde famille.

Ils avaient raison… N’étais-je pas leur fille à ce moment-là ? N’aurais-je pas pu les en remercier en indiquant sur ma toute première « couverture » mon nom « en entier » ou seulement le leur puisque ce qu’il restait de ma première famille m’avait rejetée ?

Ce fut tellement difficile que j’abandonnais l’idée d’avoir un nom dont on se souviendrait.

Qui étais-je ?

Qui suis-je ?

Mon troisième nom, c’est celui de mon époux, celui que je porte aujourd’hui, presque tout le temps.

Presque ?

Oui, presque, parce que lorsque je me rends aux urnes, ce sont ces trois noms qui sont prononcés à voix tellement haute que je voudrais me cacher.

Si j’habitais ailleurs, ce serait sans doute plus facile… mais là ?

Là, c’est moi qui suis l’étrangère… tout juste bonne à être livrée à une « guillotine » d’un nouveau genre.

Je n’ai pourtant pas l’impression d’être sortie d’un livre d’Histoire… Je suis comme ceux qui attendent, quels que soient leur couleur, leur origine et leur statut social.

Alors… Alors, ce « Quichottine » qui est bien plus moi que ces trois noms réunis, me permet de m’affranchir de ceux qui ont voulu que je sois autre…

Lorsque je suis près de mes frères et sœurs, je redeviens celle que j’étais quand mes parents vivaient. Celle que j’étais à quinze ans. Tout se passe comme si je n’avais jamais grandi.

Lorsque je suis obligée de garder mon « nom de jeune fille« , je suis dans cet « entre deux » où je ne sais pas où me mettre mais où je sauve les apparences, me rappelant tout ce que l’on doit faire ou dire en certains lieux, et surtout, ce qu’il ne faut ni dire, ni faire.

Je redresse la tête et je me tiens bien droit. Mon père n’aurait pas aimé que je lui fasse honte et que toute sa lignée regrette le choix qu’il avait fait.

Lorsque je porte le nom de celui qui partage ma vie, je suis un peu son ombre, même si…

Je reste son épouse, la mère de nos enfants, celle qui doit rester disponible pour chacun d’eux.

C’est un autre « devoir« , un autre moi. Un « moi » qui ne devrait pas avoir besoin d’écrire pour exister.

Qui suis-je ?

Je ne sais toujours pas.

Un pseudonyme ?

L’un de ces noms que d’autres écrivent sans majuscules…

Quelqu’un m’a dit de corriger le manuscrit en cours pour supprimer la majuscule que j’avais mis à son nom d’auteur.

Je lui ai répondu, avec mes mots à moi, et, quand je relis ce que j’ai écrit, ils correspondent encore à ce que je pensais, que je pense…

« J’avais l’habitude de mettre des majuscules aux noms que je dis « propres », il n’y a pas de « petits » dans mon vocabulaire quand je pense à ces mots que vous avez choisis pour vous représenter sur la toile.Mais effectivement… tu peux me demander de ne pas laisser de majuscule. Je vais y penser sérieusement et peut-être demander à chacun des auteurs ce qu’il préfère. »

Qui suis-je vraiment ?

Alors que je relis une nouvelle fois, cette réponse, je me demande qui a répondu…

La petite fille qui portait un nom que d’autres lui reprochaient ?

La jeune fille qui avait vu les siens la rejeter ?

L’épouse qui essayait de retrouver sa place où qu’elle se rende ?

Ou seulement moi, ce « moi » qui ne se retrouve que dans un pseudonyme « bidouillé » à partir d’un nom qui a franchi quatre siècles d’histoire littéraire, un nom que tous connaissent même s’il n’ont jamais lu le roman qui l’a fait naître…?

Je ne sais pas.

Suis-je l’une, suis-je l’autre, ou ne suis-je vraiment que ce « Personne » qui errera sans fin dans un monde qui ne sait rien de lui ?

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(Article publié pour la première fois dans « Souvenirs du jardin secret »
à l’adresse suivante : http://quichottine3.blogspot.fr/2013/05/pseudonymes.html)

22 commentaires à propos de “Pseudonymes”

  1. Très intéressant article sur la recherche d'identité parfois difficile, douloureuse. Je suis étonnée que tu ne parles pas de ton prénom car moi je suis mon prénom, il me suit tout au long de ma vie et reste après le mariage, je l'aime bien, il me va bien. Tu as en plus un très joli prénom, celui d'une grande écrivain. Je trouve que les gens sont bien souvent leur prénom et j'

    • Merci tout d'abord pour ces mots qui me touchent, pour ce partage que je pense important.

      Je ne crois pas que l'on puisse n'exister que par son prénom, nous sommes un tout.

      Le nom nous relie à une famille. L'embêtant, c'est quand on en a plusieurs. 🙂

      Ceci étant, c'est vrai que j'aime aussi mon prénom, mais, quand je suis arrivée sur la

  2. un article qui me touche….
    le nom n est rien? dit martine? en fait le nom est bcp mais sur les nlogs pour moi il nest pas à sa place. par contre le prenom pour le monde virtuel devrait etre, oui, devrait etre si important… alors pk un pseudo? parce que pour moi ce st 2 mondes differents , parfois maintenant cela me gene. car, lorsque je relie ces 2 mondes, les blogueurs me connaissent

    • J’aime ce que tu dis de mondes différents.

      Je crois que je te comprends. Il m’est arrivé quelquefois de signer de mon prénom, lorsque j’intervenais de façon très personnelle dans un débat qui me touchait.

      Dans ce cas, j’aurais préféré qu’il n’y ait pas de confusion, que l’on me réponde à moi et pas à mon pseudo, ce qui n’a pas été toujours fait.

      Mais ce n’est pas si grave…

      S’interroger sur ce que l’on est vraiment n’est pas simple, mais c’est important.

      Besos Cariña. Je suis navrée de ne pas avoir répondu plus tôt.

  3. J'ai bien aimé ton article, moi je te connais surtout par ton nom de blogueuse, que je trouve bien sympathique. Le prénom est beaucoup plus personnel, mais le nom c'est nos racines et je comprends ce déchirement.

    • Merci, Solange.

      C’était important pour moi d’en parler ici.

      Passe une douce journée.

  4. Ton billet est très touchant.
    Il n'est pas facile de trouver sa place même avec un seul nom.
    Chez nous en Belgique on garde son nom de jeune fille même après mariage, il y a du pour et du contre. Le pour c'est en cas de divorce…
    Compliqué tout ca
    Bizzz Quichottine (un pseudo qui te va bien)

    • C’est un peu comme en Espagne…
      Maintenant, ici, la femme est libre de choisir de garder son nom ou de prendre celui de son époux ou d’accoler les deux.

      C’est vrai que les divorces sont ainsi facilités. 🙂

      Mais bon…

      Merci pour ta présence, Kri.

      Bisous et douce journée.

    • C’est une question à laquelle les autres ne répondront pas pour nous…

      Merci d’être là, Marie.
      Passe une douce journée.

  5. mais pourquoi je ne suis pas venue ici avant…? trop d'autres choses sans doute à finir, mais c'est très intéressant et difficile en effet. le nom nous ne le choissons pas, on nous l'impose en fait, alors que le pseudo c'est NOUS qui le choississons !
    le prénom, je n'aime pas le mien, pas le premier en tout cas, mais je fais avec !
    le tien je l'aime

    • Peut-être parce que tu ne savais pas que j’y étais ?

      Merci d’être là, Mistigris, et merci d’aimer mon prénom, je l’aime aussi. 🙂

      Tu as raison pour le pseudo, personne ne nous l’impose, et c’est ainsi que ce doit être.

      Je t’embrasse. Passe une douce journée.

  6. Un jardin secret, c'est fait pour qu'on s'y perde, et qu'un jour, au hasard d'une promenade on découvre ce qu'on ne cherchait pas…

    J'aime beaucoup la remarque de Martine…
    Tu as un très joli prénom…

    Bises

    • Je suis heureuse de voir que tu t’y es perdu de nouveau.
      Merci, Yvon.

      J’aime aussi mon prénom, je suis heureuse qu’on puisse le trouver joli.

      Passe une douce journée. Bises à toi aussi.

  7. Le choix d’un pseudo est complexe, simple ou tout bonnement il peut être un clin d’oeil, et parfois on en change ! Qui sommes nous, vaste sujet, et comment les autres nous perçoivent, bon, j’arrête…
    Bisous Quichottine

    • Je crois que nous avons tous quelque chose à dire ici… mais c'est bien de pouvoir le faire.

      Bisous et douce soirée, Marinelou.

  8. J’aime beaucoup ta réflexion sur le nom, qui est en fait une réflexion sur l’identité. Je crois qu’écrire, c’est toujours perdre son identité, pour devenir « un autre » qui ne peut plus avoir de nom. Mais le nom nous engage aussi dans une histoire familiale, pas forcément toujours aussi éprouvante et émouvante que la tienne, mais souvent difficile à accepter, et, de plus, pour les femmes (françaises), le mariage qui change le nom est une forme de dépossession, et je peux dire que j’ai eu peine aussi à renoncer à mon patronyme si « buissonnier ».
    Pour moi, après tant de tribulations du nom, seul est resté « vivant » et « vrai » le prénom, comme une forme originelle de la conscience de soi. Toi tu t’es donné le nom du plus grand des lecteurs et des rêveurs, faisant ainsi de lui ton père en littérature, c’est très beau.

    • Merci pour ce partage Carole.

      J'avoue manquer de mots mais je te remercie pour tout.

  9. Bonjour à celle qui se pare du nom de Quichottine…
    A celle dont le véritable nom est toujours lové dans le secret d’elle-même ?…
    Peu importe les noms et prénoms dont les autres nous affublent…et ce quelque-soit leurs intentions…

    Une sœur d’infortune…une Michèle transformée en Rita par caprice d’une mère cruelle…une Loss niée par un père tout aussi cruel…
    Toute une vie où j’ai rejeté les surnoms, les pseudos…et accepté en toute liberté de conscience que mon nom soit accolé à celui d’un époux…

    Merci Dame de vie pour la découverte et les encouragements !
    Michèle

    • Je te découvre par tes mots ici… Merci, Michèle.

      Je crois qu'il y a des moments de belle rencontre.
      Celle-ci en est une.

      Passe une douce journée.

  10. Qui sommes-nous?
    Nous sommes plusieurs, même avec un seul nom de famille, et pourtant nous avons besoin d’unité..Pour ma part j’ai toujours attaché peu d’importance au nom de famille et seule mon prénom (et mon pseudo) me permettent de me sentir « moi »Mais je comprends ton déchirement

    • Je pense que nos racines sont importantes, nous ne venons pas « de rien ».
      C’est le nom de famille qui nous relie à ceux qui nous ont précédés.

      Ceci étant, je me sens « moi » à travers mon pseudo, dans la mesure où il me correspond et où je l’ai choisi.

      Merci d’avoir pris le temps de me lire ici.

      Passe une douce journée, Gazou.