Liedich, Rue des Rosiers, tu parles…

Certains le connaissent parmi vous, je le sais, je vous croise chez lui de temps à autre, quand je m’y rends moi-même.

 

Pas chaque jour… pas pour chaque publication non plus, c’est vrai. Je ne fais pas forcément partie de ses habitués.

 

Pourtant, il y a longtemps que je lis ce qu’il écrit, que je passe, parce que j’aime la poésie et qu’il est poète.

 

Je m’étais dit qu’un jour j’achèterais l’un de ses livres.

 

Je l’ai fait.

 

 

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(clic image pour retrouver le livre chez son éditeur)

 

 

 

C’est un beau livre et les illustrations en noir et blanc ont rendu accessibles ses 256 pages.

 

(Le prix d’un livre compte aussi dans son achat, et plus encore en temps de crise. J’en suis consciente.)

 

Liedich, c’est pour moi un mélange. J’aurais du mal à le « ranger » dans une catégorie… à moins de le mettre avec Rimbaud et Verlaine sur l’étagère des poètes maudits.

 

Chez TheBookEdition, chaque auteur peut compléter son « profil », des questions « simples » auxquelles il n’est pas toujours simple de répondre. J’ai regardé le sien pour rédiger ce billet, j’espère de tout coeur qu’il ne m’en voudra pas.

 

Alors, si vous le voulez bien, nous allons imaginer le dialogue que lui et moi aurions pu avoir, à la terrasse d’un café.

 

Quichottine : Bonjour, je suis Quichottine. Je crois que vous m’attendiez…?

 

Liedich : Bonjour. Nous avions rendez-vous, c’est vrai.

 

Quichottine : Si je vous demandais qui vous êtes, comme ça, de but en blanc ?

 

Liedich : Facile. Je répondrais que je ne suis qu’un être humain, c’est à dire « Rien ».

 

Quichottine : « Rien » ? Mais on ne peut pas être « rien » du moment que l’on est… Quoiqu’il est vrai qu’être « rien » c’est déjà quelque chose.

 

Liedich : On peut être « rien » ou « peu » ou « quelque chose », j’aurais aimé être « quelqu’un ».

 

Quichottine : Mais ne l’êtes-vous pas ? Au moins pour ceux qui vous entourent, pour ceux qui vous lisent et vous aiment, pour ceux qui suivent vos écrits sur la Toile et dans vos livres ?

 

Liedich : …

 

Quichottine : Bon, nous nous égarons. Si je vous demandais plutôt quel animal vous seriez si…

 

Liedich (l’interrompant, tout net) : Je ne mérite pas d’être un animal !

 

Quichottine : C’est beaucoup se déprécier que de le dire. Vous auriez pu choisir dans le monde animal le plus petit, le plus laid, le plus cruel… En fait, vous auriez pu dire « L’homme »…

 

Liedich : …

 

Quichottine : Est-ce dire qu’être un homme est si méprisable ? N’y en a-t-il pas un qui trouve grâce à vos yeux ?

 

Liedich : …

 

Quichottine : Bon, passons… Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

 

Liedich : Avancer vers la mort.

 

Quichottine : Quel pessimisme ! C’est vrai qu’on n’est jamais si loin de la mort qu’avant sa naissance, et que, comme dit le poète « chaque pas dans la vie est un pas vers la mort », mais, n’y a-t-il pas des moments, des instants, où vous étiez heureux de vivre ?

 

Liedich : Si, parfois.

 

Quichottine : Ouf ! J’ai eu peur instant. Mais il nous reste quelques questions… Qu’est-ce qui vous répugne le plus ?

 

Liedich : Le mensonge.

 

Quichottine : Peut-on toujours dire la vérité ?

 

Liedich : …

 

Quichottine : Ce sera donc pour un autre jour…  Qu’est-ce qui vous fait sourire ?

 

Liedich : Celui qui croit…

 

Quichottine : Qui croit ? Qui a la foi ? Qui ne se méfie pas de tout et de tous ? Qui a confiance ?

 

Liedich : …

 

Quichottine : Bon, je vois, je reste à mes interrogations…

 

Liedich : C’est ainsi que l’on avance.

 

Quichottine : En restant sans réponse ?

 

Liedich : …

 

Quichottine : Il reste encore des items à mon questionnaire. Quelles sont les personnalités que vous ne supportez pas ?

 

Liedich : Les Petits…

 

Quichottine : Avec une majuscule ?

 

Liedich : Oui.

 

Quichottine : Vous êtes terrible, savez-vous. Monsieur Hugo avait écrit « Napoléon le Petit« … On peut être « petit » et empereur des Français, comme Napoléon III.

 

Liedich : La petitesse n’est pas seulement question de taille ou d’emploi… Hugo serait d’accord.

 

Quichottine : Je ne vais pas vous demander si vous préférez aussi Napoléon Ier.

 

Liedich : …

 

Quichottine : Avec qui aimeriez-vous passer une nuit ?

 

Liedich : Avec ma femme, quel bonheur !

 

Quichottine : Enfin ! Je commençais à croire que le bonheur avait été banni de votre vocabulaire…

 

Liedich : Non. Il surgit parfois de mes souvenirs.

 

Quichottine : À propos de souvenirs… quel fut le pire pour vous ?

 

Liedich : Mon père.

 

Quichottine se tait. Elle sait qu’il faut aussi des moments de silence, de ceux où le partage se fait dans le regard, dans l’émotion ressentie. Elle sait, parce qu’elle l’a lu…

 

 
« J’suis là, d’vant la masure, où mon père jouait
l’ordure,
Et où ma mère pleurait sa vie caricature,
Où le froid lézardait les murs pleins de punaises,
Et où les mômes s’taisaient, ancrés dans leurs
fadaises
Du seul mot de demain. »

(in « Not’bicoque à Saint Ouen », p.7)

 

Elle sait, elle a parcouru les pages de la Rue des Rosiers… elle sait que ce père-là, celui qui l’a fait naître, l’a aussi fait pleurer. Elle sait que pourtant, le poète, comme tous les enfants, n’a pas pu le juger…

 

 
« Voilà bien des décades que j’voulais te dire çà :
J’ai pleuré bien des soirs au souv’nir de tout « ça ».

Bah pourtant, si souvent, j’ai lutté contre « çà »,
Je n’t’ai jamais jugé? Toi, t’étais mon papa.

(in « Les bouteilles du jardin », p.33)

 

Il y a des êtres qui doivent se reconstruire, qui écrivent « parce que », parce qu’il faut bien vivre. Qui écrivent pour conjurer le sort qui s’acharne, qui écrivent pour dire, pour ne pas sombrer, pour remonter du néant où ils tombaient.

 

Il y a des êtres qui savent dire un peu plus, autrement, dont les mots appellent d’autres mots.

 

Liedich, c’est plus que ces mots de la banlieue parisienne, de cette rue des Rosiers… C’est aussi celui qui écrit de vibrants homm
ages à ceux qu’il aime… parce que.

 

Beaucoup d’entre nous se reconnaîtraient dans ces mots de l’Ensemble qu’il nous offre, à nous, nous tous qui refusons la misère, l’injustice.

 

 
Ensemble

 

Il y eut Teresa, Emmanuelle, l’abbé Pierre,
Qui répandaient l’amour comme un sentiment lierre,
Et qui par monts, par vaux, disaient de leur parole
Leur rejet de Misère sans aucune parabole.

 

Il y eut Brel, Brassens, Coluche et puis Ferré,
Poètes assassins de toute iniquité ;
Et leurs chants et leurs mots, leurs rires, leurs émois,
Ont creusé des sillons bien en dehors des lois.

 

Et puis, il y a ces femmes, ces hommes inconnus,
Qui côtoient chaque jour mille déconvenues,
Et ramassent la honte tout au long de nos rues.

 

Et puis, il y a le rêve du malheureux poète,
Utopie révélée qui du mal crée la fête,
Inlassable pèlerin, le coeur toujours en quête.

 

Et puis, il y a Vous, moi, et puis tous ces Autres,

Qui devez relever le flambeau de l’apôtre.

 

Le glaive levé haut pour que misère tremble,

Notre main sur le coeur, tous unis, tous Ensemble.

 

(p.121)

 

 

Comme vous le savez, je n’ai pas vraiment le droit de citer en entier ce poème… J’espère néanmoins que Liedich ne me demandera pas de l’ôter de ma page. Son blog obéien a été vidé de sa substance, le blog Ekla a été supprimé, je n’ai donc pas la possibilité de chercher s’il avait été publié sur la Toile.

 

Liedich a rouvert un nouveau blog, il repart à zéro, comme il l’a sans doute fait dans sa vie plusieurs fois.

 

Voyez-vous, je crois que c’est important qu’il ait pu le faire, et, en pensant à lui, je relis de nouveau ce poème de Kipling. « If », traduit par André Maurois « Tu seras un homme »…

 

C’est vrai, Liedich, vous êtes un Homme…

Rien qu’un homme ? Non.

 

Un poète à découvrir.

 

http://liedich.blogspot.fr

 

 

Comme pour tous les billets de cette semaine ici, réservez vos commentaires à l’auteur évoqué, ou, si vous désirez me laisser juste un coucou amical, que ce soit sur ma page blanche. Merci à tous.