Mars (Le Voyage, 3)

Mars
Photographie © AA

La terre semblait s’enfoncer sous ses pas. Un esprit maléfique et pervers s’ingéniait à dresser devant lui des obstacles de plus en plus infranchissables.

Le ciel avait pris la couleur des jours d’orage, seuls deux accrocs de lumière sauvaient son horizon.

Il voyageait, sans but. Ce n’était pas vraiment de l’errance. Il savait qu’il devait partir, il savait aussi qu’il y aurait des escales, un port enfin où il pourrait déposer son fardeau à tout jamais.

Il ignorait le comment.

Comment parvenir à ranger dans sa mémoire les moments qu’il avait passés avec elle ?

Il ne voulait pas les effacer tout à fait, il préférait pouvoir les retrouver un jour, comme toutes ces choses qu’on dépose dans le grenier en attendant qu’elles servent à nouveau.

Les arbres dénudés du bord du chemin l’observaient. Tels des soldats au garde-à-vous, ils restaient imperturbables. Clément, inquiet, croyait qu’ils chuchotaient à son passage. Il ignorait si leurs propos lui étaient favorables.

Il changea brusquement de direction pour alléger ses pas. Le sol gras et lourd collait à ses semelles. La fraîcheur humide du matin l’avait circonvenu. Il ne voulait pas sombrer, il préférait les hauteurs escarpées de la montagne, les grands sapins qui seuls pourraient lui raconter les frimas de l’hiver et la fonte des neiges au printemps.

Monter vers le ciel, vers ces nuages qui n’arriveraient pas à masquer son destin. Clément ne cherchait pas l’aventure, elle ne l’avait jamais tenté, il voulait se retrouver, comprendre pourquoi ces derniers jours lui avaient semblé si importants, si nécessaires.

Elle ne voulait pas de son amour. Il la flattait, sans doute, mais il l’agaçait aussi. Elle l’aurait aimé brillant et insouciant… Il était toute angoisse, trop blessé pour voir dans la vie autre chose que la menace d’une nouvelle défaite.

Sa pensée l’obsédait. Il se remémorait cette soirée de printemps où il lui avait ouvert son cœur. Il ne lui avait rien dissimulé, dans l’espoir insensé que sa confiance naïve la séduirait. Il ne regrettait pas.

Elle ignorerait à jamais cette douleur intense qui l’accompagnait le long de son voyage. Il n’y avait aucune amertume en lui, seulement du chagrin, un lourd chagrin d’enfant perdu.

Ses pas se firent plus lourds, plus lents. Les chemins se fondaient dans les bois, la lumière avait disparu. Le décor s’était opacifié brusquement. Le lointain devenait tout à coup inaccessible.

Il s’arrêta, incertain.

Quelle direction prendre ?

La nuit l’enveloppait peu à peu, il s’y laissa glisser sans résistance.

Demain serait un autre jour.


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