Jean Cau

C’est vrai… c’est bientôt Noël… Il va falloir penser à mettre dans la hotte Père Noël l’un de mes Don Quichotte !

Vous ne voulez pas ?

Pourtant, je ne voulais pas vous obliger à une lecture fastidieuse… Je pensais même vous faire rire, sourire au moins, avec un chevalier moderne… quoique un peu « décalé » !

Je vais vous en parler quand même… Juste un petit peu. Ce ne sera pas long ! (D’accord, en général, quand je dis ça… vous savez que j’en ai pour une heure !)

 

Jean Cau  a écrit un roman où Monsieur de Quichotte,

après avoir appris que les pigeons se suicidaient décide de quitter son logis de Saint-Ouen et de courir par monts et par vaux afin de remettre un peu d’ordre dans ce monde

C’est un bon début, vous ne trouvez pas ? Moi, j’ai adoré !

 

Or donc, Monsieur de Quichotte quitte son logis.

Il le fait en 2 CV, accompagné du bon Sanche, son valet, qui ne s’embarrasse guère de sa famille puisqu’elle vit dans le Cantal.

Monsieur de Quichotte déserte la banlieue parisienne et va vivre des aventures quichottesques transposées dans notre siècle. La première auberge rencontrée est un rendez-vous de routiers où les aubergistes les prennent pour les « espions du Guide« . Un premier « duel » s’y tient qui fait dire au romancier, en note de bas de page :

 

La chronique ne dit jamais mot des craintes que Quichotte pourrait éprouver à l’égard de la police et de la Justice. Ainsi, par exemple, il croit dur comme fer qu’il vient d’abattre un homme et paraît se soucier comme d’une guigne des poursuites qu’il encourt.  L’explication de cette conduite est simple : Justice et police, à ses oreilles, sont des mots incompréhensibles. (N.d.A.)

(p. 46)
 

L’action ne cesse de rebondir à un rythme étourdissant sur les quelques deux cent soixante pages du roman.

Les personnages s’appellent Monsieur de Quichotte et Sanche, nous l’avons vu mais aussi madame Bethsabée – garagiste dont le héros est amoureux – qui fidèlement lui retrace ce qu’elle voit de lui à la télévision, parce qu’au XXe siècle, il faut compter avec les media et que même don Quichotte n’y échapperait pas s’il vivait aujourd’hui.

 

Où Madame Bethsabée formule de belles et bonnes sentences à propos de la télévision.

 

Poste restante, Madame Bethsabée envoya une lettre de félicitation à Monsieur de Quichotte. Il la lut avec émotion.

 

« Cher Monsieur et ami, j’ai assisté à la télévision à votre combat contre la télévision dont vous estimez, à juste raison, qu’elle enténèbre le peuple français. Au moment du duel, alors que vous étiez à quinze pas du colonel, il y a eu un gros plan sur votre visage et j’ai bien vu que de vos yeux allait sortir un rayon qui allait, mieux qu’une balle, tuer votre adversaire. On ne parle plus que de votre exploit dans le quartier et même dans Saint-Ouen, où vous êtes comparé à Achille, à Ajax et, bien que vous ne soyez pas aviateur, à Guynemer. Comme vous ne lisez pas les journaux, vous ignorez sans doute que le gouvernement a étouffé cette affaire car il n’y tient pas le beau rôle. Au contraire, sa volonté de vous ridiculiser a tourné à son désavantage. Quant à la télévision, on n’ignore plus désormais quelles méthodes elle emploie pour discréditer ceux qui dénoncent ses méfaits. Continuez votre combat cher ami, et soyez assuré, en attendant votre retour, de l’admiration de votre Bethsabée. »

 

À la lecture de cette lettre, Quichotte comprit que Madame Bethsabée se portait bien et continuait de grossir au rythme où lui-même maigrissait pour que la masse totale de leurs poids fût constante. Mais déjà la 2 CV roulait vers d’autres aventures.

(Monsieur de Quichotte, p. 137-138)
 

J’ai transcrit ici l’intégralité du seizième chapitre du roman de Jean Cau. Il s’agit là d’un exemple, peut-être pour que vous ayiez envie de savoir de quel combat il s’agit, et la raison de ces lettres échangées entre deux personnages qui ne devraient pas pouvoir se rencontrer, si nous rapprochions le roman de celui dont son auteur s’est inspiré.

Mais tout est là, le héros n’a pris que le nom du héros de Cervantès, un peu de sa folie, un peu de sa sagesse. Les aventures de Monsieur de Quichotte sont siennes, les moulins qu’il combat ne sont plus ceux d’il y a quatre siècles, même si le romancier a joué des clins d’œil que vous comme moi pourrions y trouver.

Chaque chapitre, comme dans l’original, est introduit par un titre aux accents cervantins. Et si je ris des proverbes dont Sanche ne manque pas d’émailler son discours, si je remarque des points communs qui feraient dire aux critiques littéraires qu’il s’agit ici d’une nouvelle variation dont le Chevalier à la Triste Figure serait le thème, je pense que parfois il faut s’arrêter sur l’avatar pour retrouver la saveur de l’œuvre imitée.


Jean Cau
crée et ce faisant il dépoussière celui qu’il a cloné en lui redonnant vie. Il faudra poursuivre la lecture de Don Quichotte, pour voir ce que Jean Cau lui a pris.


Jean
Cau, Monsieur de Quichotte

Editions du Rocher, 2005

38 commentaires à propos de “Jean Cau”

  1. Belle critique littéraire de ce don quichotte des temps modernes. En toute sincérité, Je n’ai lu que quelques pages de l’original et n’ai pas poursuivi ma lecture n’accrochant pas. Celui ci me semble plus accessible…..Bonne journée

    • Celui-ci se lit très bien… je dirai que l’on ne peut pas comparer vraiment, mais que je comprends tout à fait que l’oeuvre originale ne plaise pas.

      Bonne journée à toi aussi, Martine

  2. Coucou Quichottine, encore un commentaire qui met en appétit. Il a l’air un brin farfelu ce Monsieur de Quichotte, et ses aventures à son image. Et voilà que je griffonne ce nouveau titre sur ma liste au père Noël. Merci, bonne journée et à demain pour l’heure du conte 🙂

  3. Moi, je reste fidèle à mes premières amours. Même s’il est épuisé, je finirai par le trouver 😉

    • Tu as raison, Maître Po, le premier est toujours le plus important !

      Je te souhaite de le trouver, mais ce ne sera pas facile. Je garde le mien, très précieusement ! 😉

  4. Merci pour cette belle présentation…J’ai vraiment un problème avec la lecture…je manque de temps..et du coup j’ai commencé un registre qui manque à ma culture quelques BD que l’on ma conseillées  je suis donc en train de lire Persepolis…après avoir lu L’Epervier…mais à la base je n’aime pas vraiment les BD…Hormis celle que mon ami Alain-Julien devrait sortir un jour…Bonne journé…bisous….

  5. mdr
    Tu me donnes envie de lire ce Quichotte là  😉
    « il faut s’arrêter sur l’avatar pour retrouver la saveur de l’œuvre imitée. »
    Ta conclusion me plait beaucoup.
    Gros bisous, Quichottine 

    • Gros bisous à toi aussi, Siratus. Si tu le trouves, dis-moi après lecture ce que tu en auras pensé !

  6. Et bien je viens d’être pris par une intense « soif de lire » ce livre.

    Un Don Qichotte revu et revisité par la grâce

  7. J’aime beaucoup les reprises des classiques de la littérature. En classe, c’est un bon sujet pour la littérature en réseaux. Il existe de nombreuses versions du Petit chaperon rouge et des trois petits cochons 😉

    • Tu vois, mes élèves aimaient bien quand nous comparions deux textes… je crois que les mettre en situation de recherche leur donnait l’impression que c’était plus facile… Un peu comme de faire un jeu des sept erreurs…

      Il y a aussi de nombreuses version du Quichotte… même pour les enfants ! 😉

    • Ben oui… Tu m’as eue !!!

      Mais la bataille… c’était dans l’autre article (MDR)

      Bisous, Koulou

  8. Transposer la vie et l’action du héros de Cervantes à notre époque est une façon de rendre hommage à son oeuvre, on peut toujours se battre contre des moulins à vent.
     Santounette

    • On peut toujours… Il m’arrive de me dire qu’on doit toujours…

      Passe une belle soirée, Santounette

  9. Moi, je reste fidèle à mes premières amours. Même s’il est épuisé, je finirai par le trouver 😉

  10. J’aime beaucoup les reprises des classiques de la littérature. En classe, c’est un bon sujet pour la littérature en réseaux. Il existe de nombreuses versions du Petit chaperon rouge et des trois petits cochons 😉

  11. Bonjour Quichottine, me voilà en retard dans tes billets.. et je dois avouer que sans mon Pc depuis samedi soir, j’étais un peu perdue.. Je ne connais pas le livre de Jean Cau mais connaissant le personnage, cela me donne quelques envies de connaître de ton histoire.
    Je te souhaite une belle journée. Plein de gros bisous
    chantal

    • Je me disais bien aussi que tu devais le connaître !… et je suis bien contente de savoir que tu as retrouvé ton ordi !

      Belle journée à toi aussi, Chantal…

  12. en effet il a pris en rajoutant une 2 cv pourquoi pas ,??? 
    bisous d’IRIS

    • Tu sais, Iris, j’ai eu une 2CV… et je peux te dire que c’est une super voiture quand on veut aller à l’aventure !

  13. coucou dame quichottine, un livre rien que pour toi et un article passionnant…bisous et bon mardi
    béa

  14. Coucou Quichottine, je suis vraiment désolé mais je ne suis pas vraiment sûr d’apprécier ce genre de transposition à notre époque des aventures de ton héros de prédilection 
    Tu sais, je suis attaché désormais à ce personnage que je découvre par l’intermédiaire de tes articles et je m’en voudrais de lui préférer un imposteur.
    Je te souhaite une très bonne soirée.
    Bises,

    • Tu n’as pas à être désolé… Je te remercie infiniment, c’est tout gentil !

      Ne t’en fais pas, Don Quichotte, le vrai, revient jeudi !
      Bonne soirée à toi aussi, Muad

  15. Don Quichotte est un chef d’oeuvre et tu es sa servante es qualité. L’original et sa reprise seront dans mon sac pour les prochaines vacances de Noël. 
    Ce que je n’ai pas encore décidé, c’est l’ordre dans lequel j’attaquerai ces douceurs (relecture puis lecture ou bien l’inverse, telle est la question).
    Bises
    Roland

    • Grand merci, Roland ! Je souhaite de tout coeur que tu ne sois pas déçu !

      Selon le temps dont tu disposes et l’habitude que tu as des textes… tu peux effectivement prendre l’un ou l’autre en premier. Personnellement, j’ai lu d’abord l’original… et je me suis régalée des autres ensuite. Aujourd’hui, je sais que l’original peut sembler difficile… tu fais comme tu veux. Tu me diras ?

      Passe une belle soirée, Roland