L’oiseau

Que se passerait-il si, telle la bibliothèque de Don Quichotte, le Tiroir aux secrets disparaissait à tout jamais ?

C’est ce que je me demandais cette nuit, tandis que j’hésitais à l’ouvrir .

Un secret, cela doit rester secret. Non ?

Et , comme dirait quelqu’un que je connais bien, il ne faut pas tout mélanger.

J’hésitais. Je restais devant ce tiroir, et, malgré tout, je l’ai ouvert, j’en ai sorti mon petit carnet, j’ai recopié pour vous une page, une page de plus qui n’attendait rien d’autre qu’être lue.

Il était une fois…

C’est ainsi que commencent toutes les histoires. Il n’est pas besoin de plus d’explications. Il suffit de savoir qu’une fois… on ne sait pas quand, on ne saura jamais où, on ne saura peut-être pas non plus comment, une fois « il était ».

Qu’il peut être doux d’avoir été un jour, une fois ! Même lorsque tout cela s’est évanoui avec un réveil un peu trop brusque et des mots qui font mal.

Il était une fois, un petit oiseau un peu trop seul, qui rêvait d’amitié.

Il avait cru trop longtemps qu’il existait quelque part, dans un ailleurs improbable, un être qui comme lui faisait ce même rêve.

Il n’était pas bien grand, il n’était pas bien fort, il n’était même pas beau. Mais dans son rêve il pouvait déplacer des montagnes, franchir des océans. Dans son rêve insensé peu importait l’apparence, la force ou la naissance, il suffisait d’être et d’avoir envie d’exister.

Être, parfois ce n’est pas suffisant, il faut être plus, il faut être mieux, il faut être autre, autrement.

Alors, il faut surmonter l’impuissance, le découragement. Se dire que demain sera un autre jour et que puisqu’il arrive avec son lot d’heures, de minutes, de secondes, il ne sera jamais identique à la veille, à cet hier qu’on aurait voulu, lui aussi, différent…

L’oiseau n’avait pas su… Ce n’est pas si facile de se prendre pour l’aigle quand on est passereau.

Un jour, il rencontra, rassurante et discrète, cette femme improbable, penchée à la fenêtre. Elle laissait pour lui sur l’appui, quelques miettes, de l’eau, et pour rêver, un éclat de miroir où l’oiseau souriait.

Il s’y mirait parfois, puis chaque jour un peu, et puis de plus en plus… Ce n’est pas si facile d’échapper au bonheur de se voir autrement, plus joli, admirable ! De se trouver, enfin, intéressant, aimable !

Il se laissa séduire, et sans plus de prudence, il installa son nid tout près de la fenêtre.

Il venait chaque jour, pour enchanter sa dame, à peine entre-aperçue mais sûrement si belle !

Tout de confiance aveugle et d’amour enfantin, il rêvait d’infini, et s’envolait à tire d’ailes vers des sommets toujours plus hauts. Il en rapportait des images que sa tendresse mettait en mots, des poèmes fleuris, des lettres insensées où il chantait la vie, le bonheur rencontré, la joie de courts instants d’émotions partagées.

Il disait tout cela parce qu’au fond de lui, il savait qu’il faudrait un jour se souvenir… et que les chants parfois au vent se dispersant ne laissent dans le cœur qu’un peu plus de silence !

Inquiétudes fugaces, d’abord insignifiantes… sournoisement ensuite frappant à l’heure fragile où le regard hésite entre la proie et l’ombre. Inquiétudes du soir un peu plus persistantes, et prenant de l’ampleur soudain envahissantes !

Il eût fallu lutter.

Mais à quoi bon lutter ?

L’aigle dans le miroir un peu voilé avait recouvré son image… il s’était éveillé moineau.

8 juin 2006

74 commentaires à propos de “L’oiseau”

  1. IL  SUFFISAIT  D’AVOIR  ENVIE  D’EXISTER !!!!!!!!

    ……..de compter, de se faire entendre, de charmer,de guider les autres, tant d’autres qui n’ont pas dans la tete ce qu’a le petit oiseau………tu le dis toi-meme!

    ….et aussi de décider de ne jamais mourir  !!!!!!

    ….on n’est pas aigle seulement dans l’aspect !

  2.  » se voir autrement »… 

    Ce sont les autres qui nous aident à révéler les qualités dont nous n’avons pas conscience. C’est important qu’ils croient en nous car nous doutons si souvent. Grâce à eux, on se sent pousser des ailes!

    • Je le pensais… mais en fait,  je crois qu’à un moment il faut aussi se faire confiance, sinon aucun projet ne peut aboutir.

  3. Croire sans avoir la preuve de ce à quoi l’on croit… ça s’appelle la Foi ou je ne m’y connais pas.

    Alors j’ai Foi en ton histoire et le moineau restera aigle

    bonne soirée

    • J’aime assez ton point de vue, Alphomega. Rester un aigle quand on se sent moineau ?

      Je vais y penser… Merci pour ta visite, et bonne soirée à toi aussi.

  4. Il y a beaucoup de philosophie dans cet extrait, on aimerait tellement être quelqu’un d’autre comme ce petit oiseau. On se laisse bercer par cette histoire mais j’ai envie de croire que ce petit oiseau a pu réaliser son rêve et devenir un aigle.
    Bonne soirée
    Santounette

    • J’en ai envie aussi, Santounette… Moi, tu vois, je pensais à mon oiseau en regardant les santons tout à l’heure… dequis que j’ai découvert ton blog, je me régale de vos merveilles.

      Dans ce petit monde si précis, si touchant et criant de vérité et de tendresse, mon moineau pourrait se sentir aigle… sans problème !

      Bonne soirée à toi aussi…

  5. J’aime quand tu nous dévoile tes petits secrets,merveilleux texte
    Bonne nuit et Bizzzzzz

  6. très beau texte….
    tilk
    merci encore pour tes coms. mon expo est en mars et la salle est très grande . j’ai peur que mes enveloppes ne fassent pas l’effet que j’aimerais

    • J’espère que tout se passera bien pour ton expo…
      Si la salle est grande, dispose tes enveloppes dans de grands cadres (???) sur un fond qui les fasse ressortir (?)… Je ne sais pas. Est-ce que tu mettras ton recyclage de courrier avec les poèmes qui paraissaient en même temps ? Dans ce cas tu pourrais grouper le dessin et le poème et jouer justement sur le poème et sa présentation…

      Tu sais, c’est toi qui sais le mieux ce que tu veux faire et comment t’en sortir pour que tout s’accorde le mieux possible… mais je te souhaite un très grand succès !

  7. J’aime beaucoup ta vue en sortant de l’église… 
    Nous aurions pu nous croiser sur cette place, mais je n’ai pas pris le temps de m’asseoir…
    Ce jour-là je n’avais pas mon appareil photo, je n’ai donc pas pu fixer à jamais Quichott’ immortalisant ce Cher Maître 😉
    Passe une belle soirée…

    • Ah… Tu savais qu’il y a une photo comme ça chez Maître Po ?
      C’est rare que tu n’aies pas ton appareil photo…

      Je te souhaite une belle soirée, Kinou

  8. Je cherchais mon com sur l’article de Toutain et je ne le trouvais pas… et pour cause… je ne l’ai pas mis au bon endroit… j’étais légèrement perturbée  😉
    Passe une belle nuit  Quichott’

    • C’est parce que les deux articles étaient sur la même page… Ne t’en fais pas, Kinou, je savais bien, moi, de quoi tu parlais 😉

      Passe une belle nuit aussi…

  9. …une fois… c’est … très belge aussi .. 🙂
    Connais tu aussi cette histoire bien belle et tellement pitoyable parce que belle ….finalement ou le contraire peut-être… soit…, bien de notre temps , de l’oeuf d’aigle qui donna naissance à un aiglon élevé par des poules … et qui toute sa vie … caqueta au lieu de s’envoler haut très haut ….. aussi haut que sa génétique majesté aurait pu le porter … comme le moineau histoires de nos vies …à tous …..j’ai parfois l’impression que toutes les maladies viennent du manque d’amour … mais à mettre un « tout » on finira encore à faire des dogmes de… mais enfin je digresse, je digresse….

    • Digresse autant que tu veux, Shin Haïah… j’aime bien aussi ton histoire. Qui sait ? Et si l’aigle retrouvait un jour son envie de planer, tout là-haut ?

  10. Malheureusement l’histoire fini mal et l’aigle rêve de pouvoir voler comme ses congénères, le problème est que son entourage le persuade qu’il est bel et bien … une poule …. et il finira par les croire….ne sommes nous pas très souvent toutes et tous des aigles qui s’ignorent entourés de poules qui caquèttent que nous sommes très bien à pondre des oeufs et à picorer du maïs transgénique alors que … alors que … ? 🙂

    Bises

    • Alors que nous pourrions voler ?
      Il y a très peu de place dans le ciel pour les aigles, il y a plus de place sur terre pour les poules… voilà tout !

      Shin Haïah… passe une belle soirée !

  11. Où est la cheminée pour que je m’installe devant et écouter toutes tes histoires ?
    Merci pour tant d’instants qui nous régalent.
    Bonne soirée et excellent week end
    Bisous

    • Juste là, derrière toi. Ne sens-tu pas la douce chaleur des braises dans l’âtre ?

      Passe un bon week end, Sonja. Merci pour ta longue visite.

  12. Dieux du ciel : que c’est beau. l’amour, l’amitié de nobles sentiments souvent blessés et pourtant si nous n’y rêvions plus nous n’aurions à mon sens aucune raison d’être. Le petit confort journalier vaut il la peine de renoncer à s’exposer? Il était une fois… oui une fois « il était » et ce temps même imparfait nous à permis, nous permet d’être 🙂
    big bisous

  13. Chère quichottine
    je me suis permise de « copier » ton article il m’envoute littérallement je l’ai mis chez moi pour un article « coup de coeur » chez mes amis internautes. Je le tiens en brouillon car je ne me permettrais pas de le publier sans ton accord.
    tu sais j’ai un faible pour les moineaux ils ont un coeur tant pis pour les vautours, les aigles, les paons et les dindons 🙂
    fais moi savoir si tu refuses que je te mette en lien avec ton texte 🙂
    big bisous

  14. Je ne connaissais pas ce tiroir, quel dommage, je peux toujours en profiter maintenant. Tes histoires me transportent loin dans le passé, merci Quichottine

  15. C’est vrai que parfois, on a envie d’exister, parce qu’on ne sent rien. Cela peut parfois nous donner des buts, des vrais, pas forcément atteindre quelque chose d’impossible. Non, c’est justement l’éviter pour trouver son propre objectif.
    Bisous

    • Je ne sais pas, tu sais.

      Je me dis que lorsque j’étais plus jeune, j’avais trop d’envies, et pas assez de temps pour tout faire. Aujourd’hui, j’ai plus de temps, mais je mesure mieux ce qui est impossible, et c’est peut-être ce qui est difficile.

      Bisous, Zarbifa’

  16. Vous avez bien fait de réouvrire ce tiroir et sortir ce carnet.
    Cette histoire mérite d’être lu, dans le plus profond de tout les silences il y a toujours une douce voix venant vous conter…
    Je trouve cet oiseau vraiment charmant… J ai pris encore une fois un plaisir fou de vous lire…
    Incroyable ces ballades en Quichottinie on ne trouve jamais l’ennui…
    Merci encore une fois Quichottine je vous souhaite une bonne après midi
    A bientôt
    Bises amicales
    Maïlyse

    • Vos visites me font très plaisir.

      Merci, Maïlyse. Je suis contente que vous ayez trouvé de quoi vous récréer.

      Bisous.

  17. Vous avez bien fait de réouvrire ce tiroir et sortir ce carnet.
    Cette histoire mérite d’être lu, dans le plus profond de tout les silences il y a toujours une douce voix venant vous conter…
    Je trouve cet oiseau vraiment charmant… J ai pris encore une fois un plaisir fou de vous lire…
    Incroyable ces ballades en Quichottinie on ne trouve jamais l’ennui…
    Merci encore une fois Quichottine je vous souhaite une bonne après midi
    A bientôt
    Bises amicales
    Maïlyse

    • Bug obéien… bégaiement involontaire. Ce « bis » disparaîtra bientôt… mais, merci,Maïlyse, d’avoir insisté.

      Je vous embrasse amicalement.

  18. Je déposerais bien l’image du lutin bleu à côté du miroir. Peut-être qu’alors ces deux-là, l’oiseau et le lutin, se rencontreraient… Anne

  19. Nouvelle publication le 5 septembre 2011.

    Peu de ceux qui l’avaient lu passent encore., mais pardon à ceux qui l’avaient déjà commenté.

  20. Oui, l’habit ne fait le moineau…

    Je suis un cavalier moi aussi, et il y a plein de moulins tout autour. Par deux chemins différents  je suis arrivé chez toi. Par la Petite Momie en commentaire. Par Pénélope Timiste par un autre. ce monde serait-il donc si petit ?

    Donc je vais regarder un peu chez toi. Ça a l’air grand. Mais j’ai le temps… une fois il était…

    Puis ça : « … et que les chants parfois au vent se dispersant ne laissent dans le cœur qu’un peu plus de silence ! « , oui…
    🙂

    Cavalier

  21. Quel bonheur renouvellé sans cesse de venir t’écouter dans ta bibliothèque !
    Je suis sous le charme de ce petit moineau qui avait envie d’exister…
    Gros bisous, Quichottine 

  22. Que voilà un texte rempli de philosophie Quichottine. Un jour on est moineau, puis on devient aigle… ou on voudrait bien… Du moins être autre… et pas forcément aigle… Etre … Devenir… Deviens ce que tu es… Vaste programme.
    Bonne soirée.

    • Deviens ce que tu es… ça, c’est le plus difficile. Cela revient à s’accepter tel que l’on est et pas tel que l’on voudrait être. En fait, je ne sais pas si c’est vraiment porteur. Il faudra que j’y réfléchisse.

      Passe une belle soirée, Eolina.

  23. Il était, il n’est plus ? Ou bien.. Il fut, et là, c’est du sûr, du lourd ! 
    Tu lis très vite mes articles et tu sais que je j’utilise ma page comme brouillon parce que mon mur de feu ne veut pas ouvrir mes brouillons, ct’enf..

    • Ben, je sais, c’est de ma faute… promis, la prochaine fois j’attendrai davantage avant de venir te rendre visite…

      Passe une belle soirée, Seb

  24. Tu vois Quichottine, je suis encore sous le charme de ce petit moineau qui rêvait d’un meilleur avenir.
    C’est étrange car cette image me renvoit celle d’un autre drôle d’oiseau, un ancien cancre,  qui vient de recevoir le Prix Renaudot.
    Alors je me dis en te lisant que tout peut être possible et qu’il faut croire en ses rêves …
    Je t’embrasse,

    • Pennac a écrit un super livre… et pas qu’un seul en fait. Tout est possible… c’est évident !

      Croire en ses rêves, ça peut être un point de dépat, il faut seulement parfois savoir les modérer.

      Merci Muad… Tu vois, ce commentaire me va droit au coeur !

  25. Je te souhaite une bonne nuit Quichottine. Je suis comme l’oiseau….
     au bord du nid… Tombera, tombera pas…

    • Tu as écouté, un jour, Jacques Brel, dans L’Homme de la Mancha ?

      Il est tombé, mais « voilà qu’il se relève et malheur aux méchants »… « écoute-moi, » disait-il, « pauvre monde, insupportable monde »… il le chantait avec son coeur qu’il avait aussi grand que ses chansons !

      Toi, tu ne tomberas pas, parce que je sais, moi, que tu es capable de voler…

      L’oisillon ne le sait pas, quand il est au bord du nid. Mais, là, je sais, pour toi. Si tu tombes, ce sera pour te relever et pour voler vers la lumière !

      Bonne nuit Eolina, demain il fera beau…

  26. ça serait dommage qu’il disparaisse ce tiroir, il a de magnifiques secrets, que j’adore lire. il est très beau ce texte, et j’ai pris un infini plaisir à le lire et à le relire….

    Merci de cette découverte . bonne journée 😉

  27. bonsoir quichottine… je me disais moi aussi que c’eut été dommage que ce tiroir disparraisse.
    J’ai commencé à te lire, comme d’habitude, entrainée par tes mots, je me disais qu’une fois encore, c’est magnifique…
    Et puis, je me suis reconnue… On doit être plusieurs dans ce cas, mais c’est tout de même magnifiquement dit et fait.

    En +, ça correspond exactement à ma situation du moment… 

    Devenir ce que l’on est… pour moi, c’est vraiment porteur 

    et rester un aigle quand on se sent moineau… exactement ce qu’il me faut

    • Ah, je suis contente si ce texte a pu te procurer un moment de répit.
      Passe une belle soirée, Madam’Aga.

    • Je crois que nous le sommes un jour où l’autre… l’important, c’est de savoir qu’aigle ou moineau, nous pouvons tous nous envoler dans le ciel bleu.

      Bisous, Mahina… merci de ta fidélité !

  28. Pourquoi cette fatigue soudaine « entre la proie et l’ombre » ? et cesser de lutter c’est aussi cesser de vivre. Ton histoire me fait penser à Cyrano qui a tant chanté pour Roxane et s’est pris pour un autre, vivant par procuration un amour qu’il s’interdisait.

    • C’est un peu ça… vivre par procuration un amour impossible et s’éveiller un jour triste de ne pas avoir su montrer que l’on aimait.

  29. j’aime tes histoires QUICHOTTINE, celle ci m’a posé qq problèmes… oui j’avoue que j’ai dû le relire et le relire pour arriver à comprendre la fin.. enfin ce que je pense en avoir compris (il s’accepte tel qu’il est…) ? ou me suis trompée ?
    bonne soirée et bizzz tout frileux

    • Il accepte de n’être que lui… et ça lui fait du mal, je crois. Parce que s’il chantait avec tant de cœur, c’est qu’il se croyait bien plus fort.

      Mais, ce n’est que du ressenti.

      Mes histoires m’échappent parfois !

      Merci d’être là, Bidulette ! Je te souhaite une journée magnifique !