Mourir d’amour

Je devrais appeler cet article Marcelle… parce que depuis le temps que je vous promets de vous parler d’elle, il était plus que temps de le faire !

Je ne sais pas ce que j’attendais, je dois dire que j’hésitais. J’attendais peut-être un clin d’oeil du destin. Il est arrivé ce matin.

C’est vrai. Vous croyez que je dis des bêtises ?
Ça m’arrive !
Mais là, je vous l’assure, il n’en est rien !

Ce matin, dans le musée de Muad, et comme par un fait exprès , il y avait une statue… enfin non, deux… Un couple qui dansait… Et vous ne savez pas ? Eh oui, ça a fait « tilt« , comme parfois. Mon commentaire, vous le lirez là-bas. Mais ce couple de pierre m’a fait penser aux traditions d’autrefois.

Il n’y a pas si longtemps, lorsqu’un jeune homme (enfin, pas forcément jeune d’ailleurs) trouvait une demoiselle à son goût, il ne pouvait pas le lui dire, comme ça, de but en blanc… Il ne pouvait pas lui faire un petit sourire entendu en lui suggérant d’aller dans un endroit plus tranquille… Ça ne se faisait pas.

D’accord, on n’était plus au Moyen Âge et l’on avait plus besoin de se morfondre des années avant d’obtenir la faveur de baiser le bout des doigts de la damoiselle… mais, à moins d’être très téméraire, il fallait, avant de la courtiser, en demander l’autorisation à son père.


Rude démarche !

Parce que, quelque part, c’était déjà un engagement. C’était ensuite très difficile de revenir sur sa décision. Pour la jeune fille, accepter cette « cour » c’était se compromettre un peu. C’était aussi accepter que d’autres puissent penser que l’on n’était plus libre

D’ailleurs, il n’y avait guère de distance entre une fille « libre » et une fille « libérée« … aux moeurs un peu dissolues. Une fille libérée était un peu « perdue« . Vous voyez où je veux en venir ?


On n’épousait jamais une fille perdue…
Alors, il valait mieux bien se garder.

J’en viens au fait. Marcelle, comme nous l’avons vu, vit avec son oncle, un curé. Un curé de campagne pas tout à fait comme les autres.

(Non, pas celui de Balzac ou de l’Abbé Michon
ou de… Je sais, il y en a plein des curés,
même, plus près de nous, Bernanos en a un !)

Il a protégé sa pupille, jusqu’à ce qu’elle soit en âge de décider de ce qu’elle veut. Et, après bien des hésitations (dont Cervantès ne nous dit mot mais que j’imagine très bien, dans ma petite tête de Quichottine), il lui permet de réaliser son projet : être bergère.

Mais ce n’est pas parce qu’elle va se faire bergère qu’elle va se mettre à courir la prétantaine par monts et par vaux… Si ?

Il n’en est rien. La belle est comme la Diane chasseresse de la mythologie. Celle qui reste pure et vierge… et bien mystérieuse, comme toute personne qui se garde d’en trop dévoiler. Diane, c’est celle qui s’accompagne d’une biche, qui porte l’arc et qui lance des flèches qui tuent, pas comme son neveu Cupidon

(Voilà que je m’égare encore ! J’en viens au fait.
Je n’en suis d’ailleurs pas si loin.)

D’après ce que raconte Pierre, Elle résiste à tous et tous se meurent d’amour pour elle… La dernière victime, c’est Petit-Jean… Vous vous souvenez de Chrysostome ? Il est mort et l’on va l’inhumer…

Je vais devoir sauter quelques pages… N’en déplaise à mon héros qui pendant ce temps-là discute de romans de chevalerie et de la belle Dulcinée …

(Mais non, pas de Sophie !
Sophie, c’est ma Dulcinée à moi,
pas celle de don Quichotte !…
Il faut suivre…)

…avec un certain Vivaldo que je soupçonne bien de vouloir se distraire à ses dépens.

Ils arrivent sur le lieu où doit se dérouler la cérémonie. On apporte la bière…

(Mais non, cette bière-là ne se boit pas !…
Nous ne sommes pas en train de regarder
la coupe du monde de rugby !)

…le cercueil où repose Chrysostome.

Il faudrait recopier toute la scène !

Imaginez ses amis dépeignant la cruelle, l’affublant de tous les vices… et au contraire, parant de toutes les vertus leur malheureux compagnon. C’est mieux que bien, c’est splendide !

Mais, ce qui fait le clou du spectacle, c’est l’arrivée de Marcelle au milieu de la lecture des écrits de son amant.

[…] voulant lire un autre papier de ceux qu’il avait sauvés du feu, il en fut empêché par une merveilleuse vision (car telle semblait-elle) qui à l’improviste s’offrit à leurs yeux ; sur le haut du rocher sous lequel on creusait la sépulture parut la bergère Marcelle, si belle que sa beauté surpassait sa renommée. Ceux qui jusques alors ne l’avaient vue la regardaient avec étonnement et en silence, ceux qui étaient accoutumés à la voir ne furent pas moins ébahis que les autres qui ne l’avaient jamais vue.(Don Quichotte, I, XIV, p.116)

 

Moi, je n’étais pas là, mais je peux vous montrer quand même…

L-enterrement-de-Chrysostome.jpeg
Enterrement du berger Chrysostome< br> Manuel García
(Huile sur toile, 1.34 x 1.70 cm)
Musée du Prado. Madrid. Espagne.

(Pour voir l’image en grand, cliquer ici puis sur l’image proposée.)

40 commentaires à propos de “Mourir d’amour”

  1. Quichottine…..ça me fait sourire !…..pas besoin de retourner lire le Don Quichotte…ici, ils en sont encore au meme point, à propos de filles libres ou libérées ou qu’on n’épouserait plus,d’acquiescements des pères, de virginité…………

  2. Beau tableau que je ne connaissais pas qui donne envie de le voir de près pour admirer les détails… C’est un peu loin. Bisous

    • Oui… la toile est grande… Mais on la voit déjà mieux en suivant le lien que j’ai donné pour la voir en plein écran.

      Martine.

    • C’est vrai… en dehors de tout jeu, loin des artifices de la séduction. Peut-être pas en dehors de l’amour.

  3. Hummmmmmm, comme je me suis régalé !….. Evidemment il y a l’histoire, et la petite histoire, et le détour de l’histoire et… la narratrice. Oui, j’ai eu l’impression de t’entendre….. merci pour ce moment de pur bonheur.

    • Je suis contente si j’ai pu te donner envie de revenir… Merci pour ce chaleureux commentaire ! Reviens quand tu veux !

  4. J ai le moral a triple zéro,mais je te fais un big Bisou Quichottine
    Merci pour ta gentillesse

  5. Un plaisir de te suivre dans ton histoire, avec en prime ce beau tableau de l’autre apparition, bien avant celle de Lourdes. A bientôt.

  6. Alors que je lisais ce passage, j’avais une sensation de déjà vu, je voyais dans ma tête l’image que tu avais mise dans cet article…
    Chrysostome, c’est un beau prénom, un peu dur à porter bien sûr. 
    C’est un beau passage, très émouvant…

    • Aujourd’hui, plus personne ne s’appelle ainsi. Enfin, je ne crois pas.

      Tu es déjà passée là, c’est sûr !

      J’aime beaucoup…

  7. Encore une avancée dans le temps apres une longue interruption. Je « marque-page » ma progression en remplacant l article du jour par le suivant pour ne pas perdre un mot de ton histoire. J ai l avantage de ne pas avoir a patienter pour la suite des episodes . Merci Quichottine avec quelques années de retard

  8. Ton histoire m’a captivée de bout en bout, jusqu’au tableau final si bien amené. J’aime bien voir Marcelle en Diane chasseresse
    L’humour égaye allègrement un triste titre , « mourir d’amour ». Quel spectacle ! 🙂
    Je reviendrai demain…

    • Merci Siratus… Je suis contente de ne pas t’avoir déçue avec ce premier aperçu de Marcelle… depuis le temps que je te faisais attendre !

  9. je connaissais don quichotte uniquement au travers d’un déssin , celui de Picasso , ce déssin  m’a  fasciné longtemps   par  la justesse ,  et  liberté  de ses traits  , on sent le mouvement du poignet du peintre .. enfin moi 😉

    biz

  10. Coucou Quichottine, quel régal de te suivre de si bon matin sur tes chemins buissonniers …
    A plus tard,
    Bises,

  11. Mais c’est presque MAnon des sources de Pagnol ça ? transformée en MArcelle 🙂
    J’ai adoré : on n’épousait jamais une fille perdue…Alors il valait mieux bien se garder….
    à … garder….
    A pluche ….

  12. bonjour j’ai aimé cette lecture a quand la suite je l’attends avec impatience bises /IRIS

  13. Pas trop la forme et un peu fatiguée, je préfère revenir tranquillement demain pour m’attarder sur mes blogs préférés, dont le tien fait partie. Bonne nuit à toi Quichottine. Chana

    • Ah… Je voudrais tant que vos soucis trouvent une solution et que le soleil revienne pour tous !!! Je viens te voir aussi, Chana !

  14. Je me suis bien régalée à te lire Quichottine et malgré  « triste titre » il y a beaucoup d’humour.. Un vrai plaisir. Je viendrai te lire de temps en temps avec un réel plaisir.
    amicalement
    chantal

  15. Quel courage elle a Marcelle de se tenir haute et fière devant cette assemblée hostile.

  16. Donc je résume :
    Une fille qui veut bien, c’est une pute et une qui ne veut pas, c’est une salope. Marcelle ne fait pas exception à la règle et il lui faut bien du courage pour descendre de la colline pour se justifier comme on descend dans l’arène, mais ça, c’est pour demain…
    Bises et bonne nuit à toi
    Roland

    • Tu résumes très bien… le point de vue qui est développé ici.

      J’aime bien ton voyage quichottesque sur mes pages, c’est amusant de voir ta progression. Merci.