L’île de Sancho

Le dixième chapitre, c’est une parenthèse entre deux aventures.

Vous savez, c’est comme lorsque je vous parlais de mon carnet secret. Un moment où l’écrivain raconte, mais sans rien dévoiler de ce que son lecteur attend.

Cervantès pratique avec brio l’art du « parler pour ne rien dire« .

Vous attendiez une nouvelle aventure ? Qu’à cela ne tienne ! 

Il nous montre Sancho avouant son ignorance des usages de la chevalerie errante, Sancho réclamant son île… vous savez, celle qu’on lui a promise… celle pour laquelle il a délaissé sa famille…Il nous montre Sancho soignant son maître… je vous rappelle qu’il a perdu une moitié d’oreille dans sa bataille contre le Biscaïen… Il nous le montre réclamant à manger… Sancho a toujours faim !

Mais, pour que nous apprenions quand même quelque chose, il est question de la Sainte Hermandad… et ça, c’est grand, c’est même gigantesque.

Il ne peut pas y avoir plus grave que de braver les gens de la Sainte Hermandad en ce temps-là en Espagne !… Vous dresseriez-vous, tout seul, contre la milice ? Ces gens qui se groupaient pour faire régner l’ordre… Sancho tremble lorsqu’il en parle… Sancho tremble, mais pas don Quichotte, il ne craint rien. Et quand son écuyer lui propose d’aller chercher asile dans une église (ça se faisait beaucoup à l’époque), il lui répond :

« Tais-toi, […] où as-tu jamais vu ou lu qu’un chevalier errant ait été traduit en justice pour homicides qu’il eût commis ? »

(Don Quichotte, I, X)

Sancho ne sait pas, et pour cause ! Il ne sait pas ce qu’est un homicide, il le dit !… il ne l’a jamais vu ou lu… parce qu’il ne sait pas lire ! Par contre, il troquerait bien l’île promise contre quelques goûtes de l’onguent que lui promet son maître…

C’est un baume, répondit don Quichotte, duquel je sais la recette par coeur, avec lequel on peut ne plus craindre la mort, ni penser mourir d’aucune blessure. Quand j’en ferai et que je te le baillerai, tu n’auras d’autre chose à faire, sinon que, si tu vois qu’en quelque bataille on m’a coupé par la moité du corps,  (ce sont des choses qui arrivent souventes fois), tu prendras tout gentiment la partie du corps qui sera tombée par terre, et, fort subtilement, devant que le sang ne se fige, la mettra sur l’autre moitié demeurée sur la selle, prenant bien garde de l’appliquer également et au juste, puis, incontinent, tu me donneras à boire deux seules gorgées du baume que je t »ai dit et tu me verras redevenir plus sain qu’une pomme. »

(Don Quichotte, I, X)

Vous pensez, si c’était si facile, on accepterait plus volontiers de se faire réduire en miettes, par l’ennemi, le concurrent ou l’amoureux éconduit !

La suite… ce sera pour plus tard…. à cette heure-ci, tout le monde dort et même le vieux chat, là bas, au fond de ma bibliothèque me dit qu’il fera jour demain…


 La Santa Hermandad, ou Sainte Confrérie, était une juridiction ayant ses tribunaux et sa maréchaussée, spécialement chargée de la poursuite et du châtiment des malfaiteurs. Elle avait pris naissance dès le commencement du treizième siècle, en Navarre, et par des associations volontaires ; elle pénétra depuis en Castille et en Aragon, et fut complètement organisée sous les rois catholiques.

[source : Wikipedia, Don Quichotte]

34 commentaires à propos de “L’île de Sancho”

  1. Tu vois Quichott’ tu avais tout ton temps pour écrire, le week-end, la vie va au ralenti…  tes visiteurs viendront un peu plus tard… bonne fin de journée à toi bises

  2. Je découvre ton blog, et c’est avec plaisir que je retrouve ce couple fantastique. Je reviendrai les suivre dans leur quête. Bonne fin de semaine.

  3. Passage rapide pour te souhaiter une bonne soirée et merci de ta visite sur mon 2ème blog.

  4. don Quichotte serait bien perdu à notre époque avec le tribunal pénal international ("où as-tu jamais vu ou lu qu’un chevalier errant ait été traduit en justice pour homicides qu’il eût commis").

    Les temps changent… mais il nous reste bien quelques don Quichotte même s’ils se font discrets

    • Les chevaliers errants d’aujourd’hui ont d’autres armes… ils tuent à travers les médias… avec des mots et des images… en toute impunité.

  5. Ce "souventes fois" est d’une beauté anachronique. On pourrait la remmetre au goût du jour. Qui est le tradusteur ?

    • Moi, je ne veux pas la changer.. si ce genre de phrase te plaît, il faut trouver la version de César Oudin revue par Jean Cassou… Mais je t’en donnerai d’autres si tu veux.

  6. Le baume de Don Quichotte est encore mieux que de la colle extra-forte. Sa description me fait penser aux dessins animés où les personnages coupés en deux se reforment instantanément.
    Bisous, Quichottine, et bon samedi soir !

    • Je trouve Cervantès très moderne dans ses descriptions…

      Je suis heureuse de voir que les images qu’elles évoquent pour toi étaient bien proches des miennes.

      Bisous et douce autre soirée à toi.

      Encore merci.

    • C’était l’élixir du géant Fierabras… Mais, vois-tu, la panacée pour moi ce soir ce serait ce magnifique coucher de soleil !

  7. Ben finalement, il est arrivé le billet tant attendu!
    Notre soif de te lire est assouvie! Merci Quichot’

    Bon week-end ma belle
    Bisous

  8. Toujours aussi attrayants tes compte-rendus .
    Petit détail hors sujet : j’adore l’expression " souventes fois ".
    Bon week-end, Bisous !

  9. Je vois que tu as trouvé le temps pour nous faire ce bel article 😉

    j’aimerai bien en trouver aussi, donne moi ta cachette ^^

  10. Coucou Quichottine, je suis ravi de te retrouver au travers de cet interlude quichottesque mais maintenant il va vraiment falloir que je lise ses aventures …
    Bon dimanche,

  11. la lecture fait partie des choses que je ne fais plus parce que je suis tous le temps sur l’ordi. Moi qui adorait ça je vais m’y remettre.
    Bonne soirée

  12. Il ne se passe rien mais il s’y dit des choses. 

    Deux conceptions s’opposent :
    => D’un côté Don Quichotte, sur de son droit et de sa mission, qui ne doute de rien.
    => De l’autre Sancho, à l’instar de Saint Thomas qui voudrait bien avoir du concrêt. Il ne veut pas mettre les doigts dans les plaies du Christ, non. Ce qu’il aimerait, c’est voir un peu arriver les récompenses qu’on lui a promises. Et puisqu’il est question d’un onguent réparateur, qu’on le lui montre et qu’il agisse vite. 

    Le pauvre Sancho n’en peut plus de ce bonheur promis et sans cesse repoussé…

    • Tu as tout à fait raison, un vrai supplice de Tantale…

      Superbe analyse, Roland ! Je vois que tu poursuis ta lecture… et ça me fait très plaisir ! Merci et très bonne journée à toi

  13. Je vais cesser ici de me laisser séduire par tes manières de lectrice assidue.
    J’adore tout simplement tes mots autour d’une oeuvre que tu désires si fort partager. Mine de rien quelle aventure!
    Je comprends mieux « Quichottine », tu braves ces moulins de mots pour nous les servir bien chauds et bien digestes.
    Bises à toi, Quichottine de la Normandie.