Le chagrin du Lutin bleu

Les pages du chagrin étaient nombreuses.

C’est comme s’il avait fallu à Quichottine de nombreuses années pour le dépasser. On dit que le temps panse les blessures, je crois qu’il nous apprend seulement à faire en sorte qu’il n’empoisonne pas la totalité de nos vies, qu’il ne nous empêche pas de sourire, de rêver, d’être disponibles pour d’autres.

Les années lui avaient permis d’entrer dans l’âge adulte, de fonder une famille, d’y trouver le bonheur, malgré tout.

De temps à autre, pourtant, le chagrin revenait, plus fort encore, comme pour lui rappeler que la vie n’est pas seulement quelque chose de merveilleux.

Mais, chaque fois, elle avait trouvé dans l’écriture son propre médicament, sa propre potion magique.

Elle s’était créé un double, un petit Lutin tout bleu, bleu comme la nostalgie qui l’envahissait à certains moments de l’année, bleu comme ses rêves aussi, ceux qu’elle caressait tout en sachant bien qu’aucun ne pourrait se réaliser.

Mais jill bill a raison…

“Sourire… Comme un rêve n’est plus un rêve quand on le réalise, pareil ! Et là un enfant pourra le dire grâce à nous tous… ,-) […]”

(voir son commentaire du 6 octobre dernier)

C’est vrai, un rêve n’est plus un rêve quand on le réalise.

Pourtant…

(Là, le Lutin bleu laissa en suspens, au-dessus du parchemin où il écrivait, la longue plume d’oie dont il aimait la douceur et le geste qui lui laissait le temps de réfléchir entre deux plongées dans l’encre… bleue !)

Pourtant, réaliser un rêve, ou deux, ou même plusieurs, au cours de sa vie, n’est-ce pas le meilleur ? Des rêves qui deviennent des souvenirs heureux, que l’on engrange pour les moments les plus durs, auxquels on continue de s’accrocher, même longtemps après ?

Et puis, lorsqu’un rêve se réalise, il y en a tant d’autres que l’on peut choisir, qui continueront à porter ceux qui les font.

(Le Lutin bleu reprit le court de son récit, il avait le temps : il avait aspergé son amie d’un peu de poussière de lune, de quelques grains du Marchand de Sable… Elle reposait au cœur de l’un des lieux qu’elle aimait, à l’abri du froid et de la pluie, là-bas, très loin, là où tout devient possible, à Yeur.)

Les rêves de Quichottine étaient tous pleins de tendresse, de douceur, de couleurs pas trop vives, parfois de demies-teintes, pour qu’elle s’y sente bien, loin du bruit, comme lorsque le soir, au moment du coucher, quand elle avait trop mal, sa maman lui glissait un tout petit oreiller sur le ventre, avant de l’embrasser, tendrement, comme seules les mamans savent et peuvent le faire à leurs petits enfants.

Pastel sec de FeeKri (Cri), 2011.
Pastel sec de FeeKri (Cri), 2011.

À cette époque-là, je ne crois pas que nous avions des “doudous” et l’ours en peluche de Quichottine avait été confisqué, mis dans une armoire fermée à clef.

Pourquoi ?

Parce que, sans doute, elle avait été, comme le plus souvent avec les poupées qu’on lui offrait, un peu trop curieuse, et qu’elle avait décousu le dit ours pour voir comment il pouvait se transformer en boîte à musique…

Je ne sais pas. L’ours a été perdu lorsque, après le décès de ses parents, quelqu’un d’autre vida leur maison, ne gardant que l’essentiel pour chacun des six enfants… un essentiel dont l’ours fut banni.

Les adultes, souvent, ne savent rien des chagrins d’enfants, ils pensent que ça passera, et ils oublient qu’ils en ont eu aussi.

(À suivre…)

38 commentaires à propos de “Le chagrin du Lutin bleu”

  1. Les chagrins d’enfants restent cousus à la peau des adultes devenus, comme des cicatrices. Ils s’effacent petit à petit mais ne disparaissent jamais. Les adultes font juste semblant d’oublier. C’est plus facile de faire comme si… Et puis c’est encore un jeu, n’est ce pas ?

  2. Triste à la fin de la page… six enfants sans parents, on imagine la souffrance de leur perte… Quichottine si curieuse à ouvrir le ventre de son nounours, parfois la curiosité est mal comprise, considérée comme un défaut, hop, plus de nounours… je compatis, c’est tant de chagrin tout ceci, pauvre fillette… merci, bises de jill

  3. Un vrai chagrin d’enfant ne s’efface jamais de la mémoire, il reste au plus profond de notre être.
    Donner un instant de rêve est un bonheur.
    bonne journée, bises
    danièle

  4. Un vrai chagrin d’enfant n’est jamais anodin et les adultes ont tort de le minimiser et de croire qu’il passera. Les chagrins c’est comme les mots qui font mal et qui ont été prononcés sans réfléchir, ils restent enfouis en nous et c’est avec eux ensuite, qu’on élève nos propres enfants, même si nous faisons tout pour que ce ne soit pas le cas…Bisous Quichottine et merci pour tes mots. Euh moi aussi j’ai ouvert le ventre de mon nounours et il y avait de la paille à l’intérieur dans laquelle je cachais des trésors…Heureusement ma mère savait coudre et elle était là surtout… pour le faire. Bon dimanche

  5. Comme toi, il fallait tout que je décortique et aucun jouet ne me résistait …
    C’est peut-être pour ça que je suis devenue dom gyver ! (Surnom que m’a donné m’a stef)
    Certains chagrins s’oublient, d’autres ne font que s’estomper …
    Bon dimanche, toujours au soleil, malgré le froid matinal.
    Bisoux doux, ma quichottine.

  6. Les chagrins d’enfants sont parfois difficiles à consoler avec des mots, ceux de mon petit fils comme ceux de ma petite fille sont plus présents que ceux de mes enfants, sans doute parce que nos propres enfants ne nous nous ont pas toujours confiés ce que nos petits enfants osent nous confier et souvent nous sommes dépositaires de secrets que nous aimerions ne pas connaître. Je me souviens moi aussi d’un grand ours bleu qui a disparu un beau jour sans que je sache jamais ce qu’il est devenu.
    Bises

  7. J’aime beaucoup l’introduction : « On dit que le temps panse les blessures, je crois qu’il nous apprend seulement à faire en sorte qu’il n’empoisonne pas la totalité de nos vies. » Merci, Quichottine.

  8. Un chagrin d’enfant est bien trop souvent mal compris par les adultes….
    Comme hier au soir ma petite fille triste comme tout à me raconter ses soucis de camaraderie à l’école me disant ‘bon on arrête de parler de ça, tu ne comprendrais pas….’
    Matin gris et brouillard comme pour accompagner cette page de chagrin bleu….
    Verra -t on le soleil aujourd’hui?
    Bises
    Dany

  9. Les doudous d’aujourd’hui ont une place de roi qui était bien ignoré autrefois… Dommage car ils reçoivent tant et tant de confidences et consolent tant et tant de peines !

  10. bonjour ! en effet il est des choses que l’on n’oublie jamais, mais il faut avancer et faire avec !
    je dis parfois « il ne faut garder que les bons souvenirs », pas toujours facile à faire mais on peut
    essayer ; et se dire « que demain sera un autre jour  » ;
    j’espère que tout va comme tu veux, bisous du sud avé le soleil ! (le vent en prime ! )
    MIAOU !!!!

  11. Coucou Quichottine,
    C’est vrai qu’il y a des chagrins qui parviennent à s’estomper avec le temps, ceux qui sont dans l’ordre des choses, ceux qui sont contre nature, et les chagrins de l’enfance qui semblent souvent pour les adultes, les moins cicatriciels. A se demander si certains adultes ont un jour été des enfants.
    Bisous et bonne journée

  12. Les souvenirs sont là, certains restent gravés à jamais, d’autres ont décidé de nous laisser en paix.
    Mon nounours, je l’adore, depuis mes un an … il ne m’a pas quittée. Nous sommes liés l’un à l’autre. Il y a des amours comme çà … Il s’appelle Michel, prénom de mon papa chéri, et Michel trône encore sur mon étagère, soutenu par un gros nounours costaud ! Comme moi il commence à souffrir d’arthrose et d’autres misères dû à l’âge … (sourire). Lui seul sait encore consoler mes peines.
    Bon dimanche Quichottine et gros bisous

  13. Je n »avais pas de nounours mais une poupée qui elle aussi a disparu, j’y repense parfois bien des années plus tard . Les plus gros chagrins restent dans la mémoire surtout lorsqu’ils ne donnent pas de réponse à leur pourquoi , c’est ainsi

  14. j’ai toujours un « doudou » un « tit » lapin en velours marron. il en a connu des misères, il en a connu des chagrins… mais en doudou fidèle, il n’est jamais parti. je ne l’ai jamais perdu. Certes il n’est plus très beau.. Les oreilles, je les ai moi même, quand j’ai pu tenir une aiguille , recousues, ainsi que remis des perles noires pour ses yeux…. De temps en temps je le regarde et nous nous souvenons de ce que nous avons vécu.
    Bon dimanche Quichottine
    bisous de Fée

  15. Bonjour Quichottine. Mon ours veille toujours sur moi, 60 ans plus tard, un peu pelé et bourru mais toujours présent. Appuyé sur une étagère, je le salue tous les soirs… Bon dimanche et bisous

  16. Très émouvant, ma Quichottine! Réaliser un rêve, c’est toujours un grand bonheur… Et je sais de quoi je parle!! 😉

  17. « Les adultes, souvent, ne savent rien des chagrins d’enfants, ils pensent que ça passera, et ils oublient qu’ils en ont eu aussi. »

    Mon ours en peluche devait être bien usé par mes câlins, ma grand-mère l’a mis à brûler sous la chaudière où elle faisait ses lessives…Elle m’en a acheté un autre mais je n’ai pas oublié mon vieux nounours fripé!

    Quichottine, je t’offre cette page:
    http://marie-aupaysdesimagesetdesmots.blogspot.fr/2017/10/poemeboite-chagrins.html

  18. Bonjour Quichottine,
    je n’ai jamais eu de nounours (c’est pour cela que j’en ai deux aujourd’hui) mais un grand poupon en celluloïd. Tu sais, les poupons qu’on avait autrefois et qui n’avait pas de cheveux. Le mien, que j’adorais, avait des yeux qui se fermaient lorsque je le couchais près de moi le soir, avant de m’endormir. Mon papa, malencontreusement en voulant me le le faire passer, me l’avait lancé. La tête de mon poupon avait heurté le mur et, du même coup, ses yeux se sont décollés. Je ne te dis pas la douleur que j’ai ressentie en voyant « mon bébé » avec de vilains trous à la place des yeux. On me l’avait enlevé pour le soigner…Je ne l’ai plus jamais revu, bien que je demandais souvent de ses nouvelles. Le temps a passé, mais je garde encore au fond de moi, bien précieusement, le visage intact de mon poupon Philippe et de ses si beaux yeux bleus. Gros bisous, ma chère Quichottine.

  19. Je poursuis sur le radeau, impatiente, mais il m’emmène vers une destination à laquelle je ne m’attendais pas ……………….
    Le parchemin est toujours là, attendant fébrilement les caresses de la longue plume d’oie … Il y avait la longue dame brune, il y a à présent cette « longue dame bleue », avec ses rêves au clair de la lune que tu pares de temps à autre toi aussi de brume et de rosée …!

    Rien jamais ne s’envole vraiment, je le sais pourtant ……………..Rêves, chagrins, souvenirs, ils ont chacun leur chemin à faire entre les lignes de nos mains (et maints !) mais ils constituent la force de nos racines et la splendeur de notre bois !

    Je t’embrasse fort, Quichottine, et merci pour ce voyage extraordinaire …loin d’être achevé ! Sabine

  20. ma fille (bientôt 30 ans) dort avec son pinpin (dont j’avais refait les habits quand elle était ado). c’est vrai qu’il reste toujours une cicatrice des profondes blessures.
    Simplement, vivons avec ; ce sont nos tatouages. Bises Aurore

  21. J’ai lu, je ne dirai rien, mais je vais demander à mon Tintin si, par hasard, il aurait des nouvelles de ton nounours. Il y a sûrement un endroit où se réunissent les « âmes » des jouets…

  22. Je trouve ta façon de voir le chagrin en introduction extrêmement juste et je m’y applique.
    Il y a tant de chagrins d’enfants qui pourraient être évités avec juste un peu plus de tendresse de la par des adultes.
    Bises Quichottine

  23. Une très belle page sur le chagrin , j’aime beaucoup .
    Quant à l’ours le mien m’a quitté quelques temps pour s’installer chez mes parents mais depuis leur départ pour cet ailleurs d’où l’on ne revient pas , il continue de veiller sur moi .
    Bonne soirée
    Bisous

  24. Je crois qu’on oublie une bonne partie de nos chagrins d’enfants comme une bonne partie de nos grandes joies. La mémoire est sélective, heureusement. ce serait encombrant de tout vraiment tout retenir … bises

  25. Comme tu le dis réaliser un rêve , permet d’en faire d’autres avec autant d’espoir de réalisation.
    Un chagrin d’enfant est tellement vrai et profond qu’il est indispensable qu’il soit reconnu et consolé par l’adulte .C’est ainsi que l’enfant grandira en confiance et sécurité.
    Je n’avais pas de doudou ni de nounours mais j’avais un chien qui était mon fidèle et loyal ami .
    Douce soirée, bises Quichottine

  26. Il y a des chagrins d’enfant qui sont si longs à cicatriser et qui, lorsqu’on les croit refermé, un jour saignent de nouveau. Lorsque l’écriture est là, ou tout autre moyen d’expression, je crois que cela apaise.
    Que ta nuit passe comme dans un rêve.
    Bisous Quichottine

  27. Ton texte m’a mis la larme à l’oeil. Les chagrins jalonnent la vie comme le bonheur. Ils font des blessures qui deviennent invisibles mais qui sont toujours là;
    Un doudou, c’est important pour un enfant ; heureusement que de nos jours, on a compris cela et on les autorise même à l’école maternelle .
    Joli tableau plein de douceur.
    Je t’embrasse

  28. Coucou ma douce Quichottine que de douleurs enfoui et lorsqu on est enfants qui contrairement à ce qu on dire ne guérissent jamais ainsi que les douleurs d adultes comme celles que viennent vivre ta famille et toi même. Un sourire Pourtant pour cet enfant qui va voir son rêve devenir réalité. Et là la douleur sera moins forte pendant un moment.
    Je t embrasse
    Chatou

  29. Les chagrins d’enfants … Les adultes ne les voient pas toujours, ou ne veulent pas s’y attarder … Mais il en est certains qui marquent à vie …
    Console ton petit lutin bleu, il n’y a que toi qui le comprenne…
    Je t’embrasse très fort

  30. Et combien c’est difficile de lire dans un chagrin pour mieux le consoler.
    Je n’ai pas su écouter ceux de mes enfants, et je râle de voir mon fils ne pas écouter ceux de sa fille qu’il qualifie de caprices!
    Ton texte me touche énormément, tout en douceur et en petits cailloux durs qui tapent sur la douleur des souvenirs.

  31. Coucou ma Quichottine,
    Je rattrape mon retard et je n’avais pas lu ce billet. Un gros chagrin pour ton lutin bleu. Un doudou certes, mais son premier ours reste en mémoire toute sa vie. J’ai toujours le mien, qui a mon âge et qui ne me quitte jamais.
    Bises et bon vendredi

  32. Les chagrins d’enfants ne sont pas à prendre à la légère. Il faut savoir les déceler et y apporter toute son attention.
    Les doudous que possèdent les enfants maintenant servent de confidents. D’où, leur grande importance.
    Quelle jolie dessin ou peinture !
    Merci pour ce partage ! Bises et bonne journée Quichottine !