L’occasion manquée

Le lutin bleu réfléchissait…

Il y avait déjà trois jours que Quichottine l’avait envoyé dans cet ailleurs où il aurait pu régner en maître.

Il n’y arrivait pas.

Ce cahier à spirales, c’était celui de son amie, pas le sien. Lui, il ne faisait que lui donner la réplique l’obliger à mettre en mots des pensées plus ou moins bleues, celles qui l’empêchaient parfois de sourire…

Il avait compris depuis très longtemps que bien qu’elle manquât tout à fait d’assurance, elle était capable de faire preuve de beaucoup d’opiniâtreté quand il le fallait.

D’ailleurs, n’avait-elle pas réussi à rouvrir sa bibliothèque en surmontant toutes des craintes pourtant justifiées ?

Bien ou mal ?

Tout cela n’était qu’un simple concours de circonstances. Une accumulation de faits qui l’avait conduite à baisser les bras.

– Sacré tonnerre de nom d’un petit bonhomme !

Il regarda autour de lui. Il était inquiet. Quelqu’un l’avait-il entendu jurer ?

Tout semblait tranquille, aucun bruit, aucun souffle de vent… Rien.

Où était-elle encore, ce soir ?
Elle aurait pu au moins lui donner le premier mot de son histoire !

Il ouvrit quelques livres au hasard, les reposa ensuite en soupirant.

Ils encombraient le bureau de la Bibliothécaire, c’était bien naturel. Elle les aimait assez pour ne pas s’en défaire, et certains, déjà lus, attendaient seulement qu’elle décidât de les ranger sur une étagère en attendant la prochaine lecture.

Le Lutin bleu sourit. Depuis qu’il avait fait sa connaissance, il l’avait vue, souvent, reprendre un ancien livre, l’ouvrir au hasard, parcourir quelques pages et y remettre le signet qui lui permettait – non de retrouver la page délaissée – mais de ne pas l’ouvrir ensuite au même endroit.

Lit-on ainsi dans le monde des humains ?

Lui, il se contentait souvent d’un livre immense, trois fois plus grand que lui, qu’il ne pouvait plus ranger nulle part tant il avait pris de volume au fil des ans.

Depuis près de deux mille ans, il y avait enfermé des centaines de milliers d’images, pas toutes jolies, c’est vrai.

Pourquoi les gardait-il alors ?

Il s’approcha de son grimoire dont les lourdes ferrures avaient résisté au temps. Il l’observa, encore plus angoissé que d’habitude.

Le fallait-il vraiment ?

Depuis que Quichottine lui avait ouvert la porte de sa bibliothèque, il n’y avait jamais eu recours. Il n’en avait pas besoin. Elle lui apportait tout le nécessaire, et parfois davantage.

Il s’approcha et posa une main sur le fermoir.

– Non ! Laisse-le encore dormir un peu…

Le lutin bleu regarda son amie comme si elle venait de lui sauver la vie.

– Je suis là… Ne t’en fais pas, je ne vais pas encore disparaître… regarde.

Elle tourna sur elle même, faisant voler les volants de sa jupe légère.
Elle esquissa trois pas de danse, et, ce faisant, s’approcha de la fenêtre.
La lune fit briller ses cheveux blancs.

Ce qui aurait pu paraître pathétique ne l’était pas.

Il la regardait retrouver ses gestes gauches d’enfant un peu trop grande.

Elle avait retrouvé ses huit ans.

– Chut ! Tu n’as pas besoin d’écrire, écoute, je vais te raconter…

(à suivre)

(Article publié pour la première fois sur Blogspot à l’adresse suivante :
http://quichottine.blogspot.com/2013/02/loccasion-manquee.html)

58 commentaires à propos de “L’occasion manquée”

  1. « Elle tourna sur elle même, faisant voler les volants de sa jupe légère. »
    Tu fais surgir en moi de jolis souvenirs : les petites filles de 3, 4 et 5 ans qui arrivaient le matin à l’école et qui me disaient « Regarde maîtresse ». Elles se mettaient alors sur un pied et faisaient virevolter leurs jupettes. Souvent aussi elles perdaient quelque peu l’équilibre.
    Qu’elles étaient mignonnes. Certaines sont à leur tour maîtresse et sont très fières de me le dire quand je les rencontre…
    Je suis à jour dans mes réponses aux commentaires et j’ai bien regardé mes blogs d’après minuit, alors, puisque tu ne nous racontes pas l’histoire ce soir, je vais aller au lit…. enfin peut-être !
    Gros bisous et douce nuit ma chère Quichottine.

    • Un sourire de mon matin pour toi.

      C’est aussi à cela que je pensais.
      Mes petites-filles adorent aussi quand leurs robes « tournent ». Ce doit être une constante. 🙂

      Je suis loin d’être à jour dans mes réponses aux commentaires. Mais avec un peu de temps devant moi, je devrais y arriver.

      Gros bisous et douce journée, ma chère Cricri.

  2. Ce que j’aime ce lutin bleu et et cette complicité qui vous lie. Quelle riche idée Quichottine. Bon, je vais m’installer dans un coin et attendre sagement que l’histoire commence ( j’étais une élève sage et attentive 😉 )
    Gros bisous de bonne journée inspirée chère Quichottine
    Martine

    • La suite, ce sera demain. Je ne veux pas vous faire attendre, elle est prête.

      Je voulais absolument me donner le temps de vous répondre à tous.

      Gros bisous et douce journée à toi aussi, Martine.

  3. Non tu n’as pas retrouvé tes huit ans, tu les as gardés au coeur. Puissions nous garder notre âme d’enfant. Bisous

    • Tu dis souvent que tu n’es pas une douce rêveuse… mais je crois que tu as aussi gardé ta capacité à t’émerveiller comme un enfant.

      Cela te permet de si bien voir et nous montrer ce qui t’entoure.

      Merci pour cela aussi, Martine.
      Passe une douce journée. Bisous.

  4. J’aime beaucoup ces souvenirs …
    J’attends patiemment la suite …
    Bon mercredi
    Bisoux doux

    • Je suis contente qu’ils te plaisent.

      Bon mercredi à toi aussi, Dom. Bisous doux.

  5. Le lutin bleu est complètement perdu sans sa Quichottine… Heureusement que tu es revenue ma douce rêveuse.. mais n’empêche que je reste sur ma faim….. Comment finit ton billet…????? (à suivre)….!!!!! Je plaisante bien entendu et je patiente pour lire cette histoire que tu veux conter au lutin, et à tes lecteurs toujours suspendus à tes lèvres. Bises et bon mercredi.

    • Je ris… nous restons en attente, mais cette fois, tu auras la suite demain, pour de vrai. 🙂

      Bises et douce journée Zaza. Merci pour ta présence.

  6. J’aime bien les gens qui gardent leur huit ans quelque part, à suivre, volontiers, bon mercredi à vous deux… Bises de jill

    • A demain donc, Jill.

      Bises et douce journée à toi aussi.

  7. merci pour ces huit ans;
    Ah! les jupes des filles… la chanson de Souchon me revient, elles ne savent pas toujours combien c’est joli à regarder ce tournoiement.

    Je t’embrasse très fort ma Quichott’.

    • Je crois pourtant qu'elles le savent… Ma petite-fille adore le faire devant la glace. 🙂

      Merci à toi.

      Je t'embrasse très fort. Passe une douce journée.

  8. Le petit lutin bleu attend lui aussi le bon vouloir de la dame à la robe légère .. la suite de l’histoire.. je t’embrasse en l’attendant

    • Sourire… Il n'a pas attendu longtemps. 🙂

      Merci pour ta présence, Fanfan.

      J'espère que ton voyage s'est bien passé.
      Je t'embrasse très fort.

  9. « Ecoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit… » et ce chant réveillé par tes mots m’invite à te dire que oui, j’aimerais vraiment t’écouter dans ces récits, n’as-tu jamais songé à enregistrer tes histoires ? Elles se prêtent tant à l’écoute.
    Merci de ces instants délicieux et de ce sourire à l’évocation des livres sortis juste pour relire quelques fragments, je suis incapable de me séparer d’un livre. C’est un ami fidèle, on n’abandonne pas un ami fidèle !
    Je t’embrasse
    Anne

  10. Je patienterai plus ou moins sagement pour  » écouter-lire  » l’histoire, d’autant que je m’absente demain, mais je crois qu’il me faudra attendre bien plus longtemps avant que le Lutin bleu n’ouvre son grimoire … Pourtant, il attise lui aussi ma curiosité … ;-(
    Bonne journée, Quichottine. Je t’embrasse affectueusement.

    • Merci Midolu…

      C'est vrai qu'il faudra attendre davantage pour le grimoire du Lutin bleu. 🙂

      Douce et belle journée, où que tu aies eu à te rendre aujourd'hui.

  11. Sacré Lutin Bleu ! Il occupe tout ton récit et du coup il me faut attendre demain pour la belle histoire …. 🙂
    A demain donc et bel après-midi
    Gros bisous

    • L'attente n'a pas été trop longue je crois. 🙂

      Merci, Anniclick.
      Gros bisous et bel autre après-midi à toi.

    • Elle est parue…
      Bonne journée à toi aussi, Tiot.

      Merci !

  12. Bonjour Quichottine
    Je vais te surprendre Lutin, moi je mets un signet pour relire depuis là, les bouquins que j’aime je les relis plusieurs fois toujours !
    Bonne journée mon amie et bises

    • Tu vois… le Lutin bleu fais parfois des raccourcis que je n’approuve pas.

      Lorsque je lis un livre, j’ai plusieurs façons de le faire. Le plus souvent, comme toi, mon signet me sert à marquer ma page si je dois interrompre la lecture avant de le terminer.

      Mais il m’arrive d’avoir près de moi d’autres livres que je relis plutôt en mode « aléatoire ».

      Poésie, nouvelles… ceux-là supportent aisément le grappillage. 🙂

      Douce et belle journée à toi aussi.
      Relire un livre, c’est agréable. C’est signe qu’il nous manque un peu.

      Bisous.

    • J’en suis ravie… 🙂

      Passe une douce jurnée, Josette. Je t’embrasse aussi.

  13. Comme Josette et toi ma Quichottine, on ne fait vraiment pas notre âge… Ma jupe tourne encore quand je suis heureuse 🙂
    GROS BISOUS et douce soirée.

    • C’est vrai que nous sommes plusieurs, et c’est bien agréable. 🙂

      J’espère que cette jupe tournera encore longtemps. 🙂

      Gros bisous et douce journée Marité. Merci pour tes mots.

    • Merci.

      … mais ce ne sera pas vraiment un conte.
      Bisous et douce journée.

  14. J’aime cette tendre complicité avec le Lutin Bleu .J’ai l’impression , que j’ai enjambé le bord du livre et que je me retrouve dans le conte.C’est magique.J’attends l’histoire!
    Douce soirée, bises Quichottine

    • Je suis contente que ce dédoublement de personnalité te plaise. 🙂

      Je dois dire que j’aime bien savoir qu’un petit lutin bleu m’habite.

      Douce et belle journée à toi, Erato. Merci !

    • Tu sais, ma Claudine, quand tu n’as pas le temps, je comprendrais tout à fait que tu ne passes pas, même si j’apprécie beaucoup ton témoignage d’amitié.

      Bisous et douce journée.

  15. j’aimerais bien voir ce qu’il y a dans le beau grimoire du lutin bleu.
    Je reviendrai pour l’histoire
    bisous et bonne nuit

    • J’aimerais aussi… mais il refuse obstinément de l’ouvrir. 🙂

      Bisous et douce journée, Lilwenna.

  16. Ton don d'ubiquité me ravit, mais ne souffrirais-tu pas d'un dédoublement de personnalité ? Qui de vous deux me répondra ? 😉 Ca ne fait rien, je prends le lot !

    • Comment as-tu deviné ?

      Je ris… M’inventer un(e) ami(e) qui me ressemble un peu, c’est une bonne idée pour créer des dialogues, non ?

      Merci de prendre le tout, ainsi, tu ne laisseras pas de côté ce qui est une partie de moi.

      Passe une douce journée.

    • Merci pour ce compliment…
      Je ne peux jamais savoir si ce que j’écris plaira. 🙂

      Douce journée, Flipperine.

  17. Excuse moi, ma belle, mais je suis obligée d’être debout pour ‘blogguer » alors pas beaucoup de lecture possible pour moi,
    juste pour te remercier de ton passage sur mon blog
    gros bisous

    • T’en fais pas Dgidgi.

      Si tu ne peux pas passer, je ne t’en voudrai pas. Il n’y a pas d’obligation à me rendre mes visites, jamais, et ta santé prime.

      Prends bien soin de toi.
      Gros bisous.

  18. Oui j’ai gardé la capacité à m’émerveiller de tout et surtout des choses simples comme un enfant qui découvre la vie. C’est paradoxal certainement Je n’aime pas rêver mais c’est différent.

    • Tu as raison, c’est différent, mais je pense que ceux qui n’ont pas gardé ce coeur d’enfant ne peuvent pas vraiment rêver… dans le sens où je l’entends. 😉

      Bises et douce journée, Martine.

  19. Le lutin bleu c’est ta voix intérieure, c’est ta part de rêve enfoui, c’est ta sève qui te donne la joie et la légéreté de l’enfance….Beautiful! Bises VITA

    • Tu as tout compris… Merci, Vita !

      Bises et douce journée à toi.

  20. Vous avez l’air de vous entendre à merveille, ton lutin et toi. Je pense que vous ne pourriez plus vous passer l’un de l’autre.
    Bon dimanche à vous deux, alors.

    • Il est moi et je suis lui… Je peux à mon gré nous dissocier ou nous fusionner.

      C’est agréable de dialoguer. 🙂

      Passe une douce journée Philippe.
      Merci.

  21. Je te remercie d'avoir gardé mon fauteuil crapaud, je me suis calée dedans et j'ai bu tes lignes. Plus le le connais, plus je l'aime ton petit lutin bleu. Cela m'a toujours touché cette façon de raconter tes histoires ou contes à travers lui. Continues de nous enchanter ma belle.
    Je t'embrasse

    • Merci.

      Tu sais, je crois qu’il t’aime aussi. 🙂

      Je t’embrasse. Passe une douce soirée.

  22. J'ai deux mille ans,

    Deux mille ans de quête..

    J'ai parfois demi tour,

    Demi tour gauche, demi tour droite, c'est selon…

    L'autre jour,

    J'ai croisé Jésus qui revenait des Croisades.

    Il avait l'air un peu perdu, un peu désorienté…

    Juste un peu besoin d'être un peu consolé, je crois…<

    • S’il se met à se reposer, il n’y aura plus personne pour nous sauver…

      J’espère que nous trouverons la force de nous passer de lui.

      Merci pour ce partage, Loop.

      Passe une douce soirée.

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