In Memoriam, hommage à Jean de la Croix

 

Je me l’étais promis, je te l’avais promis, sans jamais te le dire.

Tu étais là, vendredi, comme ces dimanches – un par an – où nous te rendions visite.

 

Il fallait franchir une lourde grille, puis l’antique porche qui cachait une partie du paysage, ne montrant qu’un morceau de votre église, surmonté du clocher…

 

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La toute première fois, au bras de mon époux, jeune mariée, tu nous avais bénis.

 

Ensuite, le temps s’était écoulé. Tu avais vu grandir nos enfants, tes petit-neveux, toi qui avait décidé de te consacrer à Dieu.

 

Nos enfants avaient à leur tour fondé une famille et tu posais sur eux le même regard que celui que tu avais posé sur nous, la première fois.

 

Tu avais béni l’aînée de mes petites-filles, elle n’avait alors que quelques jours.

 

Chaque fois, c’était comme si nos vies justifiaient la tienne, toute silence et prière.

 

Les enfants couraient, riaient, et rappelaient qu’Il avait dit : « Laissez venir à moi les petits enfants »…

 

Tu étais avare de paroles dans cette unique journée que nous pouvions te consacrer, à toi qui avait donné tout ton amour à Marie, toi qui la priais pour ceux d’entre nous qui étaient dans la peine.

 

Mais tu nous offrais tes sourires, ceux qui illuminait ton regard posé sur nous. Ta famille… si grande, si présente, si unie près de toi.

 

Tu étais là, vendredi, encore présent, à jamais silencieux, enveloppé de ton grand manteau blanc de moine, celui dont tu avais dit en riant un jour qu’il t’accompagnait chaque jour et serait ton suaire.

 

Tu as suivi avec nous ta dernière messe, visage découvert, reposé.

 

Nous sommes entrés pour la première fois dans le cloître, nous avons suivi tes frères qui chantaient. Nous t’avons accompagné au cimetière ou des croix de bois plantées dans une terre nue, sans stelles et sans cercueils, conservent le souvenir de tous ceux qui t’avaient précédé.

 

Nous avons vu les plus jeunes d’entre vous te prendre et, délicatement, te déposer dans la terre où tu redeviendras poussière, comme chacun d’entre nous. Sans faste, sans ors, juste tel que tu avais vécu pendant toutes ces années.

 

Nous avons vu tes frères recouvrir le suaire, doucement, sans hâte, de cette terre lourde de notre hiver, de nos chagrins.

 

Et pendant tout ce temps, dans le froid vif de cette journée ensoleillée, je pensais à ton sourire, à ce regard d’enfant heureux qui ne t’avait jamais quitté, malgré la maladie, la souffrance de ces dernières années.

 

Je me l’étais promis, je te l’avais promis sans jamais te le dire…

 

Je me souviendrais de toi, au-delà des mots que nous n’avions pas échangés, je me souviendrais de cette vie de prières que tu nous consacrais.

 

Père Jean, tu as enfin posé ta croix.

 

 

(Texte publié ce jour sur le blog de la Petite Fabrique d’Écriture

« Je me souviendrais de tout« )

92 commentaires à propos de “In Memoriam, hommage à Jean de la Croix”

  1. Cet adieu est émouvant et je sens à travers les mots l’attachement que tu avais pour cet homme qui avait choisi sa voie. Les obsèques sont souvent tellement pudiques qu’elles deviennent impersonnelles. Il a eu droit à un accompagnent digne de ce nom par ses frères et ses proches. Il a joliment tiré sa révérence. Le chagrin de la séparation n’en reste pas moins légitime. Mais il est parti comme il a visiblement vécu, sobrement, discrètement, maist il serait sûrement touché de l’hommage que tu lui rends ici. Gros bisous Quichottine.

    • Je ne l’avais pas vu très souvent… mais chaque rencontre a été riche en souvenirs forts.

      Merci pour tes mots, Cathycat.

      Ils me touchent beaucoup.

  2. Bonjour Quichottine… Une vie au service de dieu et de ses frères… Se font rares de nos jours… alors oui il méritait tes mots chère aminaute ! Qu’il repose dans la paix de son christ… Un sacerdoce long et admirable ma foi ! Amicalement, jill

    • Soixante-dix ans de monastère… une fidélité que j’admire beaucoup.

      Merci à toi pour ta présence.

  3. Un très bel hommage rendu à un homme simple et bon….

    Tu as raison, ceux la, ou celles la restent toujours en nous.

    Bon dimanche, car c’est cela la vie… Bises de nous deux.

    • Merci, Patriarch.

      La vie est la mort se croisent tout le temps, mais c’est ainsi que la vie nous est précieuse.

      Passe une douce soirée. Bises affectueuses à vous deux.

  4. Bonsoir Quichottine,

    Quel bel hommage , simple, digne et émouvant, sûrement à l’image de la vie de cet homme. Il est au pays de l’éternel sourire.Il continue à veiller sur vous tous…
    Merci pour pour ce beau partage.
    gros bisous chère Quichottine.

    Martine

    • Merci, Martine.

      J’aime l’idée de ce pays de l’éternel sourire…
      Gros bisous et douce soirée à toi.

  5. voeu de silence que je respecte, même si ces retraits au monde me sont toujours une interrogation.
    le lieu, forêt étangs, se prête au recueillement
    bises et belle fin de journée

    • Je me suis longtemps interrogée sur ceux qui acceptaient ce que je pensais être une non-existence…

       

      Maintenant, avec  le recul, je pense qu’ils ont seulement choisi une autre vie.

      Merci, Jeanne. Passe une douce soirée. Bises.

  6. J’ai eu une grand-tante religieuse institutrice et un lointain cousin missionnaire, comme dans beaucoup de familles bretonnes. Là, pas de réclusion volontaire, et c’était une vrai joie d’aller voir notre tante dans sa congrégation. Plus active que contemplative, j’aurais tendance à penser qu’il vaut mieux agir que prier pour les Hommes. Il doit pourtant falloir une grande force de caractère pour choisir la vie monacale. Puisse-t-il avoir vu les larmes embuer mes yeux en te lisant. Je t’embrasse.

    • C’était le « petit dernier » d’une grande famille. Il l’a quittée à 20 ans pour entrer au monastère.

      Je pense qu’il a mené la vie qu’il désirait, comme il l’avait toujours souhaité…

       

      Tu sais, si j’ai écrit cela, c’est parce que les mots parfois débordent sans qu’on puisse ou veuille les arrêter.

       

      Merci pour les larmes et ces mots offerts.

      Je t’embrasse fort.

  7. Peut-être que sa vie sourire a sûrement été pleine, et s’il avait la foi, elle a dû le guider très haut. Ces exemples de vertu nous donnent aussi des ailes.

    je t’embrasse tendrement.

    • Ils sont pour moi une source de réflexion…

      Merci pour ta présence, Polly. Je t’embrasse très fort.

       

  8. C’est un très émouvant hommage que tu rends à cet homme qui a veillé sur ta famille du fond de son monastère . On devine l’affection et le respect ; ce genre de personne nous réconcilie avec l’être humain.
    Je t’embrasse très fort

    • Merci, Fanfan.

      Il était de ceux qui ne se montrent pas beaucoup, qui ne brassent pas de vent, mais qui laissent derrière eux une trace profonde.

      Je t’embrasse très fort aussi. Prends bien soin de toi.

  9. Un hommage qui atteste que Jean de la Croix fut une belle personne, dans un engagement de vie  » corps et âme « .

    Quichottine, je t’embrasse affectueusement.

    • Merci pour ton affectueuse amitié et ta présence.

      Passe une douce soirée. Je t’embrasse très fort.

  10. Ton hommage est émouvant et fidèle. Il n’y a pas besoin de mots , un regard suffit pour se comprendre, se sourire, se parler.Et c’est ce regard qui restera en toi , celui d’un être exceptionnel qui a offert sa vie pour aider les autres.Je te souhaite bon courage .Je t’embrasse Quichottine

    • Merci, Andrée… C’est vrai qu’au-delà des mots, les images resteront.

      Je t’embrasse fort. Prends bien soin de toi.

  11. Ton adieu est très émouvant………..

    • Merci…

      Tu vas devoir refaire ta signature ici… Je me suis demandé qui m’écrivait.

      Douce et belle soirée.

  12. Bonjour Quichottine, passes une belle journée et début de semaine… Peut-être as tu fini la robe de ta fille…

    Bises affectueuses de nous deux….

    • Elle est en cours… mais tout va bien, je pense l’avoir finie à temps.

      Bises affectueuses à vous deux. Passe une belle soirée.

  13. Peu importe si l’on croit ou non en un Dieu, tout homme a droit à un aurevoir au moment de son départ.
    Merci ma Quichottine pour ce billet.
    Bonne journée. Je t’embrasse.

    • Tout cela est indépendant de mes croyances… Nous n’en avions d’ailleurs jamais parlé.

      C’était une personnalité attachante que j’admirais.

      Douce et belle soirée à toi. Je t’embrasse.

  14. C’est un hommage très émouvant que tu as écrit à cet homme qui a consacré sa vie à Dieu.
    Merci, Quichottine, et bonne journée à toi !
    Martine

  15. Merci Quichottine de nous avoir fait partager cet épisode de vie.
    C e que tu as décrit de cette mise en terre va dans mes pensées. Pourquoi vouloir, pour certains, « des maisons ». Il restera toujours le souvenir, bien plus important à mes yeux, que tout cet apparat.
    Je m’en vais faire une toute petite promenade. Et j’emporte avec moi cette vie et cette fin de vie.
    Je t’embrasse.

    • J’espère de tout coeur que ta promenade s’est bien passée.

      Aujourd’hui, il faisait très froid, mais beau… l’hiver est là, bien présent.

      La mise en terre était impressionnante. Mais tout était fait avec douceur et respect. Rien de comparable à ce dont j’avais déjà été témoin.

       

      Je t’embrasse fort. Passe une douce soirée.

  16. Et maintenant il te restera le souvenir de Père Jean, des mots que vous n’avez jamais prononcés, des silences qui l’ont porté dans le chemin de l’espérance, des prières que lui seul connaît, de son « passage » ici-bas et du message qu’il a transmis dans la simplicité de sa vie. Je t’embrasse, chère Quichottine.

    • Les souvenirs deviennent plus nombreux avec l’âge, ceux qu’on regrette aussi…

      Je me souviendrai de lui par ce sourire partagé.

      Je t’embrasse fort, Lorraine. Prends bien soin de toi.

  17. On a chacun dans sa vie des guides discrets, des « anges gardiens », le tien est Jean , le mien est Michel, j’ai de la chance qu’il soit encore de ce monde.
    Merci pour tes émouvantes confidences.

  18. Chère Quichottine, je suis tout émotion et envahie de frissons à la lecture de cette oraison si pure, si juste, si respectueuse aussi…
    Que te dire…
    Etant donné la foi qui habitait père Jean on peut imaginer que tes mots lui parviennent et qu’il les accueille avec sérénité comme il a su vivre cette dure vie qu’il avait choisie loin des fastes et de la superficialité de notre société.
    Je ne suis pas pieuse, mais ton article est très troublant et ne peut que toucher…
    J’ai l’impression que les mots sont inutiles face à ce départ…
    Seul le silence s’impose….
    Je t’embrasse.

    • Il est des êtres qui marquent, que l’on croit ou non en Dieu, qu’on le prie ou pas. Le père Jean était de ceux-là.

      Merci pour ce silence… je t’embrasse très fort.

  19. quelle émotion à te lire….
    tu rends là un bel hommage à Père Jean!
    bisous du dimanche.

    • Merci de m’avoir lue…

      Bisous d’un autre jour… je suis vraiment désolée de vous répondre en retard.

  20. Bonjour Quichottine,
    C’est là un adieu très touchant à un membre bien particulier de ta famille.
    Il aurait sûrement beaucoup apprécié, car c’est écrit avec beaucoup de respect et de douceur.
    Bien amicalement.

  21. J’avoue ne pas savoir quoi penser de ce texte, mécréante que je suis

    • En tant que très « en doute », moi-même, je te comprends tout à fait.

      Mais je l’admirais, et je respectais son engagement, sa Foi.

      Il va me manquer, parce qu’il était apaisant, plein d’espoir.

  22. C’est très touchant.
    Je ne suis pas croyante et je suis toujours très intriguée par les gens qui ont la foi..
    Ton article est très beau.
    Je t’embrasse

    • Je crois que là encore, nous nous rencontrons, même si, je fais partie de ceux qui croient sans croire tout à fait en continuant à espérer qu’il existe…

       

      Cela ne m’empêche pas de l’admirer, pour son engagement fidèle…

  23. Bonjour , ho que c’est un bel hommage a ce Pére qui était un membre de ta famille .Tout le longt de ton récit j’ai suivis la cérémonie , et j’ai u ma petite larme .Hé bien oui je suie comme sa . Gros bisous a toi

  24. Et il était à tes côtés quand tu as écrit ces lignes et il sera toujours là, près de vous à présent.
    Des sept religieux de ma famille, une carmélite est encore de ce monde, alors je comprends, et les mots ne sont pas utiles.
    Simplement, Jean de la Croix, maintenant que tu le peux, prend bien soin concrètement de notre Quichottine.
    A bientôt
    Bisous

    • Merci, Mamychachat. Ce partage me touche beaucoup…

      J’espère que ceux qui t’ont connue prennent également soin de toi.

      Je t’embrasse très fort.

  25. Bonsoir Quichottine , je crois qu’il aurait aimé cet hommage sobre et très émouvant …
    Bises à toi

    • Je ne sais… c’est seulement ce que j’avais à coeur d’écrire.

      Merci, Canelle.

      Bises et douce soirée à toi.

  26. Un bel hommage en effet, ma mère avait un cousin germain à la Trappe à BRICQUEBEC (manche)René, Père Nivart, il est décédé il y a quelques années aussi, même rite, même simplicité;
    mes frères y sont souvent allés en vacances car il y a une hostellerie qui reçoit les familles ou autres participants
    en stage, retraite, à la vie monastique.
    c’était toujours trés joyeux lorsqu’ils allaient le voir,
    là chacun croit ou pas, mais c’est trés beau, MIAOU!!!!!!!!!!

    • Merci pour ce partage, Mistigris.

      Je crois que l’important c’est d’avoir pu mener la vie qu’il avait choisie.

      Je suis contente de savoir que tu as vécu les même choses.

      Douce soirée, Mistigris. Bisous.

  27. la valeur des êtres s’exacerbe dès leur départ pour l’au-dela. émouvant hommage; une pensée pour l’archange

    • Merci… Il savait que son oncle vieillissait… mais je crois qu’on n’est jamais préparé au départ de ceux que l’on aime.

      Bisous à vous deux.

  28. Merci Quichottine, quelle émotion… Tes mots sont comme une prière d’offrande.
    Je t’embrasse

  29. C’est un très bel hommage Quichottine
    Je t’embrasse

  30. un très bel Adieu à un Homme qui a compté dans votre vie : la preuve : cet hommage tout en respect et douceur !

    parfois … je me demande si je n’aurais pas été plus heureuse dans un Monastère !!!
    chacun sa croix !

    Bisous

    • Je sais que j’aurais eu beaucoup de mal à m’y faire, je suis trop bavarde… Mais, je te comprends tout à fait.

      Chacun sa croix, Melly, et la tienne est bien lourde…

      Prends bien soin de toi. Je t’embrasse très fort.

  31. Quelques belles lignes pour honorer la mémoire de ton ami .
    Bonne soirée Quichottine
    Bise :*

  32. Bonjour Quichottine

    Que de souvenirs lumineux sont enfermés dans ces lignes, où tu exprimes une vénération pour la foi de cet homme qui se contentait de la vivre sans l’imposer aux autres, répandant par le bonté de son regard la paix à l’âme des autres.

    L’austérité ou si tu préfères la simplicité des accueils comme celle de la dernière messe tranche avec l’exubérance joyeuse que ma mère m’a décrite au décès d’une soeur au couvent cistercien de Dourgnes. Les condisciples de soeur Béatrice manifestaient une joie, une liesse dans leurs chants à la pensée du bonheur de celle qui allait se trouver en face de Jésus, après une vie de prière et de travail.

    Heureux sont ceux qui sont illuminés par cette certitude qu’ils sont attendus dans un au-delà et qui ne cherche pas à t’embrigader dans cette croyance.

    Je t’embrasse

    Christian

    • Je pense que les frères étaient plus réservés, mais pas vraiment tristes, juste émus, très.

      La cérémonie était belle, empreinte de douceur et d’un respect presque filial de la part des plus jeunes, qui se sont chargés de la mise en terre.

       

      Tu as raison… J’ai toujours apprécié l’écoute sans a priori de ces êtres dont la foi ne se prête pas à l’embrigadement d’autrui.

      Merci de t’être arrêté sur cette page… cela me touche profondément.