Il était trois images… chez Glycine Blanche

Le vieux piano rêvait… d’un autre temps sans doute, d’une mélodie maintes et maintes fois interprétée par des doigts plus ou moins habiles mais qui acquéraient de l’assurance au fil des ans.

Il avait gardé la douceur de ses touches. Elle les caressait encore, lorsqu’elle passait près de lui. Elle en aimait l’alliance d’ébène et d’ivoire et l’effleurait toujours avec l’étonnement de sa première fois.

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Elle n’avait besoin de rien d’autre que de ce contact et il était rare désormais qu’elle s’installât devant le clavier pour y jouer autre chose que cette mélodie, silencieuse et tendre, dont son cœur battait le tempo.

Elle pouvait y rester longtemps, les yeux dans le vague, et nul ne saurait dire si le soupir qu’elle laissait échapper en se levant ensuite était de regret.


Elle avait tant vécu, là, dans le petit salon de musique où tous se retrouvaient.

 

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Chacun de ceux qu’elle aimait avait sa propre voix. La harpe répondait au clavecin, cordes pincées par des doigts experts, mains entre lesquelles les notes s’égrenaient  comme l’eau de la fontaine au jardin d’hiver. Les instruments les plus étranges s’y mêlaient, chacun guettant le moment opportun, celui où il sied de donner un peu plus de clarté à son timbre, pour s’élever – à peine – au-dessus de l’ensemble.

La viole de gambe s’était invitée un jour, mais elle avait vite cédé la place à d’autres, se contentant de trôner dans un coin reculé de la pièce.

Où donc était celui qui en jouait si bien ?

 

(Musique à écouter sur Youtube : http://youtu.be/5Frq7rjEGzs)

Elle s’approcha de la fenêtre et frotta doucement la vitre. Le soleil y montrait le peu de cas qu’elle faisait désormais de l’entretien de son foyer.

À quoi bon ? Le salon de musique était vide désormais, plus personne ne viendrait animer ses soirées. Des ombres silencieuses contemplaient leur reflet invisible dans de grands miroirs aux cadres dorés et hochaient la tête d’un air apitoyé.

 

Pauvre princesse de conte de fées !

Elle frissonna, tandis qu’un fantôme de son passé la frôlait d’un peu trop près.

 

Elle remonta sur ses épaules un châle de soie noire et le resserra contre sa poitrine. Elle avait froid, si froid !

Mais, soudain, au jardin, elle aperçut la fleur… épanouie, heureuse, chaude comme la braise qui manquait dans l’âtre.

Dans la roseraie de la princesse, l’amour brûlait encore.

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Cergy le 24 septembre 2011

© Quichottine pour le texte

©  Glycine Blanche pour les images

 

 

 

Merci à Glycine Blanche  pour les images sans lesquelles ces mots n’existeraient pas.

 

Un « clic » sur chacune d’entre elles vous permettra de les retrouver dans leur contexte original.

 

88 commentaires à propos de “Il était trois images… chez Glycine Blanche”

  1. Commencer ma journée par ce texte m’est un enchantement, comme si une fée m’avait soufflé un peu de sa poudre d’or pour me déposer dans la salle de musique dont tu parles si bien (et à qui Glycine Blanche a donné vie, elle aussi, avec délicatesse). Merci à vous deux très chaleureusement. je t’embrasse, chère Quichottine.

    • Je suis heureuse de vous relire aujourd’hui…

      J’avais tellement aimé l’écrire !

      Merci, Lorraine. Douce et belle soirée à toi. Je t’embrasse fort.

  2. je ne trouve pas les mots ce matin… mais j’aime le texte, son ambiance, les émotions complexes qui se devinent, le fil qui se coud entre chacune des images…
    merci à toutes les deux !!

    • Ces mots me font plaisir, Solyzaan. Merci pour ta présence et ce partage.

      Je t’embrasse très fort.

  3. l’abscence des êtres aimés est épaisse et palpable, la musique rémanente comme le parfum de la rose.Une très belle histoire.
    merci Quichottine.

    • Merci à toi pour ces mots laissés…

      J’ai plaisir à les relire aujourd’hui, même si je regrette de ne pas t’avoir répondu plus tôt…

  4. il y a beaucoup de nostalgie dans ce texte, si je ne me souviens, tu joues aussi du piano !

    Je me souviens de la personne qui jouait à l’hospice lors de la messe du dimanche ou même lors d’un enterrement. C’était une femme de 35-40 ans….aveugle. J’allais la chercher dans sa chambre. Parfois, hors « service religieux » elle jouait du profane, et j’étais étonné de ce qu’elle sortait avec un simple harmonium…

    Belle journée avec bises de nous deux

    • Je n’en joue plus guère, mais j’aime toujours autant l’écouter.

      L’accordeur qui passe chez moi une fois par an est aveugle lui aussi.. c’est incroyable ce qu’il peut faire sans rien voir…

      Merci pour ce partage, Patriarch.

      Bises et douce soirée à vous deux.

  5. quelle belle histoire empreinte de mélancolie ; on voit déambuler cette princesse dans les pièces vides …
    Mais la rose lui redonne espoir ; elle est d’ailleurs superbe!
    Bisous

    • Je trouve aussi…

      J’ai aimé vous raconter cette histoire, j’aime vous relire aujourd’hui, même si je déplore ne pas vous avoir répondu plus tôt.

      Bisous et douce soirée, Fanfan.

  6. Une bien belle découverte en tes lignes et ces photos en partage chère Quichottine… Bises ensoleillées

  7. Tout est beau les photos et l’histoire. Ça m’a fait ennuyé de mon piano. Depuis que je garde mes petits enfants je n’ai plus le temps de pianoter.

    • Je ne me souvenais plus de la précision donnée… tu me rassure, comme tu l’as fait ce jour-là.

      Bises et belle soirée, Mali. Merci !

  8. Une évocation pleine de tendresse , de souvenirs encore vivants ….. un regret du temps qui passe …. un vide .
    Un conte émouvant qui fait vibrer mon âme de pianiste.
    Quel don celui d’habiller de mots , trois photos .
    Belle soirée, bisous Quichottine

    • Je suis sûre que tu le peux aussi.

      Je savais que tu étais musicienne, enfin, je m’en doutais…

      Merci pour ce partage, Andrée. Bisous et douce soirée à toi.

  9. J’ai oublié de te dire que j’aime beaucoup Jordi Savall et que la musique enveloppait bien ce merveilleux conte.Bisous tout plein

    • Tu l’as dit autrement… Mais un grand merci de l’avoir précisé.

      Bisous tout plein à toi aussi.

  10. Une histoire triste mais si belle ! Ton inspiration à partir de photo est merveilleuse. tu nous combles Quichottine, merci.

  11. de très belles photos de glycine blanche et merci pour tes mots , bise quichottine

  12. Magnifique cette rose de feu!
    J’aurais aimé jouer du piano. Dans une autre vie peut-être.
    Bonne soirée à toi.

  13. Le temps est passé… Mais les souvenirs sont encore là, bien vivants ! Merci Quichottine pour ces mots et à Glycine pour ses photos.
    Bonne soirée, bisous.

    • Les souvenirs ont tendance à ne pas vouloir s’effacer, surtout s’ils sont si profondément ancrés.

      Merci pour tout, Liliane. Passe une douce soirée toi aussi. Bisous.

  14. Bonsoir Quichottine !
    J’aime beaucoup cette histoire de solitude et de mélancolie qui, avec cette fleur incandescente, se termine sur une note d’espoir.
    Bisous,
    Martine

    • Tu me fais plaisir en résumant ainsi ce conte… Merci pour ta lecture attentive, Martine.

      Bisous et douce soirée.

  15. Quichottine pour le texte

    Les décors sont de Roger Harth

    Les confitures de Bonnne Maman

    Et les Tombées, de la dernière pluie…

    Loop

    Un très joli partage que voilà !

    • Pardon d’avoir tant tardé à te répondre…

      Roger Hart… que de souvenirs…!

      Et, comme toujours, tu passes du coq à l’âne pour mon plus grand plaisir. Merci !

      Bises et douce soirée à toi.

  16. Et oui, l’amour ne meurt jamais. Parfois il couve longtemps sous les cendres et un petit souffle peut le ranimer; le petit brandon devient alors brasier, volcan, soleil

    • J’aime la façon dont tu parles de lui…

      Merci, Alphomega. L’amour Soleil est le plus beau, même si parfois on se brûle les ailes.

  17. Que de mélancolie dans ton histoire, réhaussé par cette rose magnifique, si belle qu’elle ajoute à la mélancolie… Bonne nuit Quichottine. Bisous

    • Il y a des moments comme ça, des moments où un paysage engendre la mélancolie, et, pourtant je ne suis pas triste…

      Passe une douce soirée, Cathycat. Bisous.

  18. Bonsoir Quichottine, je suis tellement occupée que je ne pense pas toujours à passer par chez toi et c’est dommage car ce texte en particulier est très beau et les photos aussi. Mon grand regret dans ma vie est de ne pss savoir jouer du piano. C’est sensuel, un piano. Bonne soirée et merci.

    • Quel bonheur de te trouver là !

      Merci, Dasola, pour ces mots en partage.

      Le piano est un ami qui se plie à tous les désirs de celui qui en joue. Je comprends ton regret.

      Passe une belle soirée.

  19. quel dommage que ce salon de musique reste désormais muet ! piano, clavecin, viole de gambe c’est si beau
    bisous

    • Je suis d’accord avec toi… J’aime ces instruments.

       

      Mais qui sait si un jour il ne revivra pas… les notes tinteront comme un rire d’enfant qui s’éveille…

      Bisous et douce soirée à toi.

  20. Bravo à Glycine blanche pour ses photos toujours superbes et à toi pour le conte autour de ce salon de musique. Bisous

  21. Quelle rose flamboyante ! Un bien beau choix pour ces écrits tout en douceur !
    Gros bisous ma chère Quichottine !

  22. Je rejoins un peu Trinity. Mais le faut-il pas toujours un être de chair pour faire chanter un instrument ? Se souvenir de l’un résuscite la musique de l’autre.

    • Comme tu as bien lu les mots de Trinity !

      … et les miens, sans aucun doute pour moi…

      Les deux sont importants, je crois. La musique ne se fait pas sans âme.

      Douce soirée, ma belle amie. Fin de ma récréation du jour…

      Je t’embrasse très fort.

  23. Bonsoir Quichottine, c’est une très jolie histoire, celle de cette rose dorée qui vient consoler une âme triste au milieu d’instruments de musique silencieux.J’ai bien aimé.Merci; Bonne soirée.Bises
    Blanche

    • Merci, Blanche… je suis contente de voir qu’elle a suscité tant de réactions positives… c’est agréable, même si je ne suis pas certaine de mériter tous ces compliments.

       

      Passe une douce soirée. Bises.

  24. Les photographies sont très réussies ; de belles prises. On se plongerait volontiers dans le cadre qui nous est proposé par le biais de la seconde.
    Les deux premières photograhies ainsi que le texte les accompagnant m’ont fait songé au film Orgueil et préjugés adapté du roman de Jane Austen que je n’ai encore eu les possbilité et occasion de lire.
    A défaut d’aller à la rencontre de l’auteur par le biais de ces écrits, en plus de visionner l’adaptation, j’ai eu connaissance de sa biographie quelque peu romancée, d’après une fervente lectrice d’Austen, par le film Becoming Jane.
    Je recommande vivement les deux films à notre Grande Quichottine.
    J’espère que ces précédents semaine et weekend lui furent agréables.

    Une pensée envers, à, pour elle…

    • Je ne connais pas Becoming Jane… mais j’adore Orgueil et Préjugés, que j’ai lu plusieurs fois… et le film fait partie de ma vidéothèque, je le vois toujours avec plaisir…

       

      Merci à toi pour ces pensées et ces mots déposés ici.

      Je suis navrée de l’énorme retard avec lequel je te réponds.

  25. c’est très beau Quichottine
    Que ta journée soit belle et ensoleillée

    bisous créoles

  26. Aujourd’hui il y a paroles et musique … Avec même un soupçon de subjonctif …

  27. bonjour, ma chère Quichottine,
    cette nuit, impossible de laisser un comm
    toujours de belles images
    une douce histoire
    et une mélodie magnifique !
    merci
    bonne journée
    gros bisous d’amitié
    jean-marie

  28. oh oui ma fleur préférée avec ma couleur préférée !
    j’adore !!!!!

    bisous
    christelle

  29. Une belle histoire romantique comme je les aime … au son de ce violoncelle et cette harpe, magnifique musique.
    Merci pour ce très bon moment qui fait oublier quelques gros soucis 😉
    Gros bisous

    • Tant que je peux contribuer à effacer quelques nuages, je continue…

      Merci pour ces mots, Mamychachat. Je t’embrasse très fort.

  30. C’est trés beau cette histoire, un peu triste, non nostalgique…mais fort bien conté, Merci Quichottine et Glycine Blanche pour les photos, Bisous MIAOUUUUU!!!!!!!!!!!

  31. cette fleur flamboyante ranime effectivement toutes les flammes, tous les souvenirs, et met sans doute du baume au coeur, effaçant les fantômes trop tristes..
    Bonnes vacances, bises à toi

  32. Encore une belle histoire servie par de belles photos
    Bonne soirée Quichottine & gros bisous

  33. Bravo Quichottine pour cette belle histoire!
    J’adore la vidéo de Jordi Savall et la rose de Glycine Blanche!
    Belle soirée,
    Bises

  34. J’aime beaucoup aller chez Glycine , son blog est magnifique
    bises Quichottine

    • C’est vrai… Il y a des moments où je voudrais avoir des journées de 72 h pour tout voir…

      J’adore son blog.

       

      Bises et douce soirée à toi. Merci.

  35. Je n’ai pas pu passer hier sur les blogs par manque de temps et ce matin OH SURPRISE, je découvre mes photos magnifiquement mises en scène par ton talent et tes mots délicieux ! Je te remercie d’avoir écrit cette belle histoire autour des photos. Bises et bonne journée.

    • Je suis heureuse qu’elle t’ait plu… et je te remercie encore pour ces images que tu as si gentiment permis que je prenne.

      Bises et douce soirée à toi.

  36. Dans chaque matin du monde , on espère retrouver l’amour …Une fleur, un chant, et tout repart. Bises VITA

  37. Je suis venue lire cette histoire une première fois, puis une seconde sans y déposer de commentaire… Je reviens pour la troisième fois, je l’ai relue et finalement la première impression que j’ai eue se confirme !
    Suivant ma perception, c’est une histoire d’amour que je vois dans tes lignes. Mais pas une histoire d’amour entre une musicienne et son piano, une histoire d’amour entre une femme et un homme.
    Je crois que ce sont les premières phrases qui m’ont mis cette idée en tête.
    Je la vois caresser ces touches mais j’ai la sensation qu’elle se souvient des caresses qu’elle donnait sur la peau douce d’un homme, il y a longtemps….
    Tous ces instruments qui se sont tus, ne sont ils pas ses amis qui sont loin maintenant et dont elle n’oublie pas le timbre de leurs voix ?
    Elle frissonnait….. on dit souvent que les frissons sont provoqués par les âmes qui sont invisibles mais si proches de nous, que ce sont leurs caresses qui nous donnent ces frissons. Alors elle est peut être seule aujourd’hui mais il est là quelque part à côté d’elle….
    Et cette fleur à la couleur chaude…. est ce vraiment dans l’âtre que la chaleur manque où est ce le grand vide de son coeur ?

    Désolée si je me suis laissée aller à écrire mes ressentis, c’est tout moi ça….. je suis peut être complètement hors sujet, mais ce n’est pas grave je ne serai pas notée après avoir rendu ma copie.

    Merci pour ce joli texte auquel j’ai donné ma propre interprétation fantaisiste.

    Je t’embrasse très fort et te souhaite une magnifique journée pleine de soleil !
    Claire

    • Ne sois pas désolée… tu vois, si je continue à publier ici ces textes qui me tiennent à coeur, c’est pour pouvoir lire ensuite de tels mots.

       

      Merci, merci infiniment… tu es loin d’être hors-sujet.

      Je t’embrasse très fort, ma belle Amie.

      Prends bien soin de toi.