Quichotte (6)

Il arrive que je ne sache pas…
C’est vrai.

Il arrive que les mots soient là…
Mais ne veuillent pas se poser sur la page.

Alors, je reste là, et j’attends.

Mais, lui ? Que faisait-il sur sa page ?

Il attendait aussi.

Tableau de Joëlle Chen, 2008 (clic image)

Il cherchait autour de lui de quoi montrer sa valeur.
Son regard scrutait l’horizon à la recherche de l’aventure qui ne manquerait pas de jaillir.

Bien sûr, ce n’était pas grave s’il n’en trouvait pas !
Il les rêverait, et son rêve serait tellement beau, tellement fort, que la réalité n’aurait plus qu’à s’incliner.

Autour de lui un monde qu’il ne comprenait pas.
Un monde qui n’avait rien à lui offrir que la certitude de n’être que lui.

Mais depuis qu’il s’était choisi un nom, un rôle, il savait que sa vie ne serait plus la même.

Alors, pour tous ceux qui le recontreront ici où là, sachez qu’il n’a qu’une réponse à vos questions, toujours les mêmes.

– Qui es-tu chevalier ?

  • – Je suis Don Quichotte, Seigneur de la Mancha, et ma noble Dame est Dame Dulcinea…

– Où vas-tu chevalier ?

  • – Là où je sais que l’on m’attend.

Pourtant, lorsque je le regardais là-bas, chez Joëlle, dans cette « dédicace » à laquelle je n’ai pas su répondre, j’avais dans la tête un poème… Un poème de Charles Baudelaire.

L’étranger

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?

  • – Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

– Tes amis ?

  • – Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est restée jusqu’à ce jour inconnu.

– Ta patrie ?

  • – J’ignore sous quelle latitude elle est située.

– La beauté ?

  • – Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

– L’or ?

  • – Je le hais comme vous haïssez Dieu.

– Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

  • – J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
Le spleen de Paris, I
Petits Poèmes en prose, 1862

Merci, Joëlle Chen !

PS : Avant de quitter la bibliothèque, n’oubliez pas de prendre un bonbon dans la Boîte à rêves !

71 commentaires à propos de “Quichotte (6)”

  1. sourires … je viens de regarder la date. Mon blog était encore tout à fait confidentiel et je n’avais pas découvert le tien. Pas étonnant alors.
    Le Don Quichotte de Joëlle Chen est bien représentatif de cet « étranger » en son pays et ailleurs. Je ne m’attendais pas à trouver un tableau figuratif mais j’en suis ravie
    bises et belle fin de semaine

    • Merci d’avoir pris le temps… Tu sais, j’adore ce poème et le Don Quichotte de Joëlle lui allait à merveille…

      Bises et douce soirée, Jeanne. Bon dimanche à venir.

  2. ah les nuages qu’on retrouve la nuit, quand tous les chats sont gris, dans une bibliothèque bien aCHAlandée !

  3. Aimer les nuages qui nous font voyager… j’aime cette idée. En attendant ceux qui vont me porter jusqu’à un rdv attendu, je file prendre quelques bonbons et je te dis à tout bientôt.
    Gros bisous à toi,

    Syl

    • J’aime bien les rendez-vous, surtout lorsqu’ils sont attendus !

      Gros bisous à toi aussi, Sylviane !

  4. Super ton billet Quichottine !!! … terminer sur les nuages de Baudelaire j’adore et comme je suis gourmande je tape dans la jolie boite bleu, j’y ai d’ailleurs trouvé un bonbon acidulé pour notre Polly :-))) 
    Merci à toi Tisseuse de rêves.
    Tendres bises.

    • C’est à moi de te remercier. Grâce à ton tableau, j’ai pu partager avec vous ce poème que j’aime beaucoup.

      … et je trouve que vous vous complétez bien, Polly et toi ! 😉

      Merci.

  5. J’aime beaucoup ce poème de Baudelaire qui m’accompagne depuis longtemps,c’est vrai,il va bien avec Baudelaire

  6. Et…dans les nuages passent les rêves…Peut-être ce chevalier, en s’octroyant une pause, scrutait-il la forme des nuages pour en découvrir la clef de sa prochaine aventure??
    A bientôt Quichottine :-))

    • Qui sait ?

      … Moi, je viens de me rendre compte que cela fait bien longtemps que je ne suis pas allée chez toi ! Ton blog est pourtant magnifique !

      J’espère que ton roman avance…
      Merci d’être passée

  7. Bonjour Quichottine
    C’est très agréable de te lire !!
    Tu y crois..l’endroit..celui ou l’on est attendu ??????????
    Bon Aprés-midi
    A+

  8. Toute la dignité de Don Quichotte est ainsi résumé. Les pieds sur terre et la tête dans les nuages.
    Charly…

  9. J’ai toujours aimé Baudelaire…
    Quant à la question du temps, elle n’est pas simple…
    Dans les bonzhoooms pressés, je me vois il y a 5 ans, hyperactive à courir après quoi, je ne le sais même pas !!!!
    Des chimères….courir, courir et courir, est-ce vraiment vivre ???
    Mais aujourd’hui où je ne fais que du 2 à l’heure (expression de mon mari), il n’est pas non plus facile de se projeter dans l’avenir…je me contente du bonheur présent…la tête dans les nuages….

    • Je pense que lorsque l’on court trop, on ne vit pas…

      Le bonheur présent, la tête dans les nuages ? C’est une bonne idée !

      Merci !

  10. Ah, Baudelaire…
    Les nuages, oui ce sont les rêves, le flou. On a beau savoir où l’on va, il n’est pas toujours aisé par contre de se rendre compte où l’on est. Je sais pas, c’est ce qui m’est venu ces derniers temps de penser, sans le vivre vraiment. Et puis, des fois, cela pourrait bien s’appliquer à ma situation.
    bisous

  11. tu arrives quand même toujours à nous écrire quelque chose…comme Don Quichotte qui avait toujours quelque chose à mouliner…hihi !….BISOUS….

  12. Ah merci pour le bonbon bleu…j’en mourrais d’envie! J’ai aimé -très beaucoup »…l’évocation de ton héros…qui manque tant à ce monde égoïste… »Reviens Don Quichotte! » et aussi ce poème de Baudelaire et cette fin merveilleuse! Belle nuit Quichottine***~~°~~

  13. j’ai toujours beaucoup aimé et apprécié les vers de Baudelaire même s’ils sont souvent  « sombres »
    bises du soir

  14. Les nuages au loin me semblent nef puis oiseau
    ou bien circonvolutions d’un gigantesque cerveau
    Les nuages au loin ne sont pas des outres d’eau
    Ce sont seulement des chameaux qui font le gros dos …

    Farfanquotte le pousha … 😉

    Bises du Poithoulanda 

  15. Personne ne sera jamais aussi grand que Baudelaire, merci pour ce poeme, Quichottine qui est musique au coeur

    • Merci pour ta visite, Marlou. J’aime ce poème, je ne sais pas si j’aime tout Baudelaire, je n’ai pas tout lu.

  16. J’en ai pris deux des bonbons !! Pour l’étranger, ce pourrait être aujourd’hui aussi !!!

    Bises et bonne soirée !

  17. J’aimerais avoir ton avis de lectrice avertie sur le livre « Rêverie » que je fais paraitre en ligne sur mon blog. Je t’invite donc : DJU770. A bientôt ?

    • Je vais passer, mais, d’après ce que j’en ai vu, je vais devoir trouver du temps.

      Merci pour cettte invitation.

  18. Correspondance parfaite entre cette belle image de Joëlle et ce texte choisi de Baudelaire…
    Dis, combien de temps vivent les nuages ?
    Gros bisous, Amielle

    • Je ne sais, Amielle…

      Il arrive qu’ils s’effilochent, disparaissent… puis reviennent plus denses. Tout dépend, et tu le sais bien.

      Le chevalier de Joëlle est splendide, et, tout de suite, en le voyant, j’ai eu ce poème en tête. Pourtant, il n’avait rien à voir… a priori….

  19. Ni les images, ni les textes, ni les musiques ne s’usent quand on parle de ces intemporels : Brel, Baudelaire, Cervantès, heureusement qu’ils sont là pour qu’on puisse y trouver ressource.

  20. Que cherches-tu dans les nuages?
    Mes rêves.
    Et quand les nuages sont bas, car parfois ils me couvrent toute entière de leur densité brumeuse, je m’approche de l’un ou de l’autre de mes rêves et je peux l’écouter me raconter avant qu’il ne s’enfuit.

    Je pensais qu’avec ce visage si grave Don Quichotte avait cessé de rêver, et qu’il s’en retournait dans cette réalité décourageante. Mais heureusement que tu es là pour me montrer l’autre chemin.

    Je t’embrasse, passeuse de rêves.

    • Don Quichotte ne peut pas cesser de rêver, pour moi… Même lorsque la réalité est là, si forte, si dure parfois.

      C’est un passeur d’espoir.

      Merci d’être là, et de t’accrocher à ton rêve.

  21. Coucou Quichottine, quelle magnifique image pour ta collection.
    Tu sais, j’aime beaucoup l’écho de cette image qui se prolonge dans les 2 extraits de texte que tu as choisi de nous montrer.
    Gros bisous et bonne journée,

  22. y a t-il un lapin, quelque chose, un rien, que je puisse trouver à manger dans cette étendue de vide…pat

    • Eh oui, Pat ! Ce n’était peut-être que cette quête prosaïque… Guidée par la faim et l’obligation de ne pas en mourir !

      Gros bisous à partager

  23. les nauges qui passent et m’entrainent dans une douce rêverie…. allez, pour me réveiller, je vais aller prendre un bobon, sourire

  24. Ce poème de Baudelaire va comme un gant à ce tableau !…..
    Merci pour ce double cadeau .
    Bisous ma Quich’ et bonne journée 🙂

  25. je me perds dans tous tes liens , et suis admirative , je ne sais comment tu fais pour renvoyer ainsi partout !!
    bisous ( ai rectifié le texte , merci de me l’avoir signalé )*
    Iris

  26. Bonsoir ma chère Quichottine, il me semble que j’aurais du commencer par le un… mais je finirai demain… que j’aime ce tableau, cette artiste a bien du talent. Finalement que dis-tu tu as trouvé les mots.. je suis comme Beaudelaire, les nuages me fascinent.
    douce soirée et plein de bisous
    chantal

    • Bonsoir Chantal !

      Toi qui aimes ce qui est beau dans la nature, tu ne pouvais être que fascinée par les nuages…
      Merci ! Douce soirée à toi aussi

  27. Je viens de trouver un moulin à vent. Un vrai de vrai ici
    Bisous Quich’ je reviendrai peu après pour te lire, mais là, j’ avais peur d’ oublier.
    A tout de suite

  28. … que c’est joli…. et triste aussi, en lisant je pense à forest gump
    bizzz

    • C’est un peu ça… c’est vrai.

      Je souris parce que, tu vois, j’ai adoré ce film… même si j’ai beaucoup pleuré !

  29. merci beaucoup Quichottine de ton passage à l’expo , j’ais été ravis de te rencontrer ,  il y a beaucoup de gentillesse sur ton visage , et
    de sincèrité ,  vos regards sur mon travail   m’a beaucoup appris
    sur moi meme , car chaque créateur  met une part de lui meme dans  son oeuvre ,  merci !!! 
    et  bon retour !!

    bise Gari

  30. « Je vais…là où je sais que l’on m’attend…. »

     

    Sait-on finalement QUI nous attend, et où irons nos pas…………?

    • Je crois qu’il est important de se donner l’illusion de le savoir…

      Pour ne pas désespérer et garder ensuite la possibilité d’être surpris.