Féminisme

Je vais reporter d’une journée le recueil de poèmes…

Ce que je vous offre aujourd’hui, c’est l’intégralité d’un texte magnifique, le plaidoyer de Marcelle, notre belle sauvageonne, l’un des personnages féminins les plus attachants du roman de Cervantès… à mon avis du moins ! Il est un peu long, prenez le temps de le lire, si vous le pouvez. Vous le trouverez ici.

Sinon, je vous dirais qu’il s’agit là d’un texte qui pourrait ouvrir encore aujourd’hui de nombreuses discussions.

Cette fois, j’ai choisi la version d’Aline Shulman, parce que je ne veux pas troubler le lecteur par des tournures qui seraient trop anciennes. L’essentiel a été respecté. Je savoure, j’imagine, je revois ce tableau qui nous montre Marcelle, comme une apparition, dominant de toute sa splendeur le groupe des bergers, des curieux de toute sorte, dont notre héros, don Quichotte et son écuyer, le bon Sancho.

Marcelle parle et nul ne l’interrompt, tous sont subjugués par sa beauté et ses paroles ont l’heur de convaincre don Quichotte qui, alors qu’elle tourne le dos pour ne pas entendre les réactions qui ne vont pas manquer, j’en suis sûre, se fait son chevalier :

[…] il mit la main sur la poignée de son épée et s’écria à haute et intelligible voix : « Que personne, de quelque état ou condition qu’il puisse être, ne soit si hardi que de suivre la belle Macelle, sous peine d’encourir ma furieuse indignation. Elle a démontré par des raisons évidentes le peu ou point de faute qu’elle a eu en la mort de Chrysostome, et combien elle est éloignée de vouloir condescendre aux désirs d’aucun de ses amants ; il est donc raisonnable qu’au lieu d’être suivie et poursuivie elle soit honnorée de tous les gens de bien qui sont au monde, car elle a démontré y être seule à vivre avec une si honnête intention. » 

(Don Quichotte, I, XIV, p.119-120)

Marcelle est donc « seule« … Les autres personnages féminins que nous avons croisés jusqu’à présent manquaient un peu de consistance, Dulcinée est un mirage, bien que merveilleuse et « sans pareille« , elle ne peut suffire à déterminer ce que le héros ou même le romancier pensait des femmes… Nous en croiserons d’autres, bien sûr, mais, moi, j’aime Marcelle et j’aime son discours…

Et vous ? Qu’en pensez-vous ?

44 commentaires à propos de “Féminisme”

  1. Elle possède « une fortune personnelle » ? Qu’en mots choisis ces choses-là sont bites, comme disait Desproges…

    • Ben oui… c’est pour ça qu’elle peut faire ce qu’elle veut… sinon, elle n’aurait plus la parole !

      Merci… pour Pierre Desproges aussi…

  2. J’en pense que je repasserai demain lire tout ça, mes yeux commencent à vouloir faire la grève, il est temps pour moi d’aller dormir… mais tu vois, je voulais passer te faire un gros bisou avant!
    😉

    • Merci, Sophie… Ce détour me fait très plaisir… d’autant que je sais que tu es très occupée ! Dulcinée…

  3. Que celui ou celle qui n’a jamais fauté lui jette la première pierre.

    Je lirai le plaidoyer de Marcelle mais à lire ce que tu en écris j’ai l’impression de voir une autre sauvageonne (Manon des sources)

    Bonne soirée

    • Je suis déjà plus d’accord… mais Manon a d’autres raisons à sa sauvagerie.

      Tu vois, Alphomega, ces discussions me font beaucoup réfléchir. J’adore ça. Je vais essayer de vous répondre à tous les deux, Muad et toi.

      Merci Bonne soirée à toi aussi !

  4. marcelle fait reflechir,mais les divers commentaires,font encore plus reflechir des possibilites de lecture d’un texte.@+

  5. Ah bein oui, hein !!!!!……Marcelle fait partie des femmes qui  » se distinguent » du commun………ce sont toujours les plus « belles » et les plus courtisées………….et les plus dangereuses !

    • Je ne sais pas… dangereuse pour qui ? Je crois qu’il est important d’être fidèle à ses idées, de lutter pour elles…tu le fais au jour le jour sur ton blog, Chris, avec tes armes. Marcela a les siennes, elle a raison de s’en servir.

  6. Merveilleux texte ……. Marcelle est touchante de sincérité, de vérité…. Elle est belle certes mais elle est libre et juste.

  7. Bon, suis plus réveillée là et j’ai pu te lire. Effectivement, après avoir lu ce passage, j’étais déboussolée par la « consistance » enfin attribuée à une femme. Moi aussi, j’aime Marcelle!
    Bisous miss, passe une très bonne journée

  8. Marcelle a du corps
    désolé pour l’in,terruption brutale hier, mais ça va mieux, merci pour les conseils de bon sens. Bonne journée Quichotinne !

  9. Beau plaidoyer sur la liberté de choisir de mener sa vie à sa guise sans s’imposer de contraintes… qui bien souvent n’auraient pas lieu d’être… mais ce n’est pas facile à réaliser, il faut une belle force de caractère et accepter le regard des autres et leur jugement sans appel… Je t’embrasse, bonne journée Quichott’

  10. J’avais complètement oublié ce personnage. Il faudrait sans dout que je relise ce roman qui trône dans ma bibliothèque. Bonne soirée et bisous

    • J’ai aussi beaucoup oublié, et c’est pour cela que je relis.

       

      Bonne soirée et bisous pour toi.

  11. Bonjour Quichottine !
    Tes billets sur Don Quichotte sont toujours aussi intéressants.
    Je comprends ton attachement pour Marcelle qui est une belle héroïne de roman.
    J’ai lu son plaidoyer après la mort de Chrysostome. D’abord, elle a reçu trois dons à la naissance : la beauté, la liberté et la richesse, ce qui n’est pas rien. Mais le plus important, c’est sa volonté de choisir sa destinée en restant libre (je ne veux pas être asservie) et son honnêteté (elle ne donne pas de faux espoirs aux hommes qui l’aiment).
    J’ai remarqué une petite contradiction. Elle dit : « Mon dessein est de vivre dans une perpétuelle solitude », et plus loin : « Jusqu’à présent, le ciel a décidé qu’il n’était pas de mon destin d’aimer ». Elle reste donc ouverte aux surprises que lui réserve l’avenir.
    Bisous et bon samedi,
    Martine

    • Je crois que la contradiction n’en est pas vraiment une… elle reste ouverte comme tu le dis, et, si elle trouve celui qui l’aimera comme elle est, sans chercher à l’asservir, elle aimera, en restant libre.

       

      Bisous et douce soirée… Merci encore pour ta présence en mon absence et pour ces mots qui me permettent de prolonger ma propre réflexion.

  12. Avant même d’aller lire cette version, je suis enchantée que tu la publies en entier (elle n’est pas très longue en fait), je la relisais hier soir ! Ah ! Le Chevalier errant a trouvé sa dame !  « Jamais on n’a lu d’histoires où il y ait un chevalier errant sans amour »…
    A plus tard, Quichottine 

  13. Coucou Quichottine, voici enfin ce fameux article sur la belle Marcelle.
    C’est une magnifique tirade qui nous montre une femme courageuse qui se bat pour préserver sa liberté au delà des convenances de son siècle.
    Alors que pour Justine, l’infortune de la vertu était de vouloir préserver sa beauté envers et contre tout, pour Marcelle, l’infortune de la beauté était de vouloir préserver sa vertu envers et contre tous…
    Je te souhate une très bonne soirée,
    Bises,

    • Justine et Marcelle n’ont pas le même destin… C’est amusant, je ne le aurais pas mises en parallèle. Il faudra que j’y réfléchisse. Je t’en reparlerai, plus tard, si tu veux bien, Muad. Il faut que j’y pense avant de risquer de dire des bêtises…

      Bonne soirée, Muad

  14. Je maintiens, Quichottine, inutile de rajouter du texte !
    La beauté de Marcela et sa fortune, auraient dû -encore à l’époque- la conduire à un destin opposé : mariage arrangé, vie rangée derrière les persiennes de la maison, les sorties obligées à l’Eglise, etc…
    Cervantes ne voit pas la vie de la femme comme autrefois. Quel modernisme !
    Marcelle choisit sa vie et son destin tout en respectant sa morale chrétienne. Son oncle-tuteur était curé.
    « Mes désirs ont ces montagnes pour limites… » (fin de son plaidoyer), c’est très beau !
    Affectueux bisous de la nuit

    • Si… j’avais dit que je mettais la déclaration de Marcelle en entier… c’est mieux ainsi !

      Tu as raison, pour Marcelle. Logiquement, elle aurait dû être mariée l’un de ses riches prétendants, même vieux et laid !

      Je pense sérieusement que Cervantès est un visionnaire, il fait comme Léonard de Vinci qui, dans son atelier d’Amboise, construisait les machines que nous utilisons aujourd’hui… Lui, il voit l’évolution des rapports humains. J’aime beaucoup.

      Ce qui est amusant, quand je relis, c’est que je redécouvre à chaque lecture d’autres possibilités !

      Aujourd’hui, qu’aurions nous pour limites ? Toi, tu as réussi à captiver tes lecteurs en nous montrant les merveilles de l’océan, d’autres gravissent des montagnes que l’on croyait infranchissables… Je pense que nos limites reculent et que nos désirs ne se heurtent plus qu’à nos propres craintes !

      Bonne nuit Siratus

  15. Quichottine, mon ommentaire ne nécessite pas nécessairement une réponse plus détailllée.
    En lisant la tirade de Marcelle, j’ai immédiatement pensé à l’expression « l’infortune de la vertu » et je me suis pris au jeu de poursuivre ce raisonnement jusqu’au bout.
    Ce n’est qu’un exercice de style.
    Je te souhaite une très bonne journée,
    Bises,

    • Mais tu as eu raison, Muad… Moi, j’ai beaucoup apprécié, c’est ainsi que j’aime ma bibliothèque, lorsque le dialogue peut s’installer. Tu sais, c’est important pour moi. Chaque fois que je peux trouver chez mes lecteurs l’occasion de rebondir sur un sujet passionnant, j’en suis immensément heureuse. Ne t’en fais pas, je ne vais pas non plus en écrire cinquante pages !!!

      Merci Muad… bonne journée à toi aussi

  16. Coucou à toi en ce mardi matin. Je passe rapidement pour te souhaiter une excellente journée avant de revenir et m’installer plus tranquillement pour lire, et sans doute relire, le discours de Marcelle. A tout à l’heure. Bises. Chana

  17. Beau personnage que cette Marcelle…et belle âme que ce Don Quichotte qui lui rend hommage avec tant de respect et de tendresse . 
    Bonne journée Quichottine, bises !

    • Depuis le temps que je fréquente ces deux-là, je n’ai pas encore fini d’en faire le tour… tu vois, je les trouve touchants, tous les deux !

      Bonne journée à toi aussi, Clerval

  18. Comme promis ce matin, je reviens avec un peu plus de temps et de concentration. Je viens de lire cette tirade, ce playdoyer, cette déclaration de non-amour, ce discours de bon sens, fort. Quelle femme ! Quel caractère. Un peu long à lire mais, bon sang, cela valait la peine. J’ai a.d.o.r.é.  J’ai bien fait de ne pas avoir attendu demain. Merci pour cette liberté sans culpabilité. Marcelle, bien que d’un autre temps, était bien en avance. Et encore… je doute que beaucoup de femmes puissent tenir le même discours la tête haute et l’âme noble. Merci pour cet extrait. Il est urgent que je révise mes classiques et, grâce à toi, je vais sans doute m’y mettre plus rapidement que prévu. Bonne soirée à toi Quichottine. Chana

    • Merci pour ce commentaire qui me va droit au cœur… Je trouve aussi que Marcelle est une femme exceptionnelle…

      Bonne soirée à toi

  19. Je me souviens très bien du discours de Marcelle. J’avais même laissé un commentaire. Ce fut le début de mes visites chez toi il me semble.

  20. Te dire que je la trouve belle risque de paraître un peu fade. 
    C’est son désir de liberté que je trouve beau. De nos jours, elle aurait été leader chez les « ni putes ni soumises ». 
    C’est un personnage fort, attachant (remarque la virgule), magnifique. J’imagine qu’à l’époque elle était « révolutionnaire »…

    • Je sais que Marcelle est le personnage féminin que je préfère.. enfin je crois. Il faudra attendre la fin de ma relecture pour en être sûre tant les images se modifient avec les années.

      Mais je dois dire que je suis d’accord avec ta virgule. Je ne sais pas si elle était révolutionnaire, mais je crois volontiers qu’on devait y croire encore moins qu’à Dulcinée !

  21. Fabuleux discours d’une femme libre. Pauvres hommes prisonniers de leurs critères de beauté. Et ce qui est formidable, bien sûr, c’est qu’il soit écrit par un homme. N’as-tu jamais pensé que Cervantès ait pu avoir une mère libre?
    Je sais le moyen-âge est loin, et depuis le roman courtois on a encorseté les femme, car même s’il fallait se marier, elles étaient capables de mener une entreprise, de la faire fructifier.
    Marcelle est l’héritière de ces femmes d’avant la Renaissance.

    • Tu vois, je n’y ai jamais réfléchi… En fait, je me dis que le Moyen Âge et même la Renaissance montrent de nombreux exemples de femmes qui agissaient, qui lisaient, qui écrivaient… qui pouvaient avoir une vie en dehors du mariage.

      Plus tard, c’est beaucoup plus difficile. Je me demande s’il y a eu une étude de faite, qui mette en regard le nombre de ces femmes avec le nombre d’habitants à leur époque, pour que les statistiques puissent être efficaces. Aujourd’hui, que représentent les femmes « libres » quand on pense aux milliards d’individus qui peuplent la planète ?

      Mais je suis d’accord avec ton analyse.